“I, Daniel Blake” – peut-être le meilleur film de Ken Loach

danielblake

“Quand vous faites des films sur les gens, la politique est importante.”

‘‘C’est une histoire que nous devons raconter. Dans un certain sens, il s’agit du choix que nous faisons sur la façon dont nous vivons ensemble’’ expliquait Ken Loach à l’ouverture du Film Fest à Gand.

Par Tanja (Gand)

A près de 80 ans, le Britannique est sorti de sa retraite. Le cinéaste de gauche ne pouvait heureusement pas rester silencieux alors que les conservateurs britanniques – Ken Loach les appelle ‘‘the bastards’’ – ont remporté les élections de 2015. Les conservateurs ont de suite lancé une nouvelle attaque contre le système de sécurité sociale déjà fortement érodé. Ken Loach est donc revenu pour nous parler de l’histoire de Daniel Blake. Le film lui a valu sa deuxième Palme D’Or au Festival de Cannes.

Le film commence par une conversation téléphonique kafkaïenne entre Daniel Blake, menuisier et veuf déclaré invalide à la suite d’une crise cardiaque, et quelqu’un qui lui fait remplir un questionnaire. Les questions de base n’ont rien à voir avec sa situation spécifique et le résultat n’est pas surprenant : Daniel est déclaré apte à travailler et est donc privé de ses allocations de maladie. Une odyssée désespérée commence alors.

“Ce n’est pas une coïncidence, c’est voulu”, lui explique son jeune voisin en revenant sur la façon bureaucratique et inhumaine dont fonctionnent les services et le gouvernement. Il lui parle de sa propre expérience avec les ‘‘zero hour contracts’’ qui n’offrent aucune perspective de revenu stable. Il en a assez de ces petits boulots de merde et il commence donc à vendre en rue des chaussures illégalement importées de Chine.

Daniel développe une amitié profonde avec Katie, mère célibataire de deux enfants vivant à Londres. Après avoir passé des mois dans une auberge de jeunesse, ils sont envoyés à Newcastle, au nord du pays, pour un logement social. Tout juste arrivée dans une ville inconnue, elle emprunte le mauvais bus et rate son rendez-vous au centre d’emploi. Elle perd elle aussi directement son allocation.

Ce film est une puissante charge d’accusation contre la brutale société du ‘‘chacun pour soi’’ introduite par Margaret Thatcher, l’ultraconservatrice Première ministre des années ‘80. Ce film clarifie merveilleusement les raisons de l’appui massif dont bénéficie Jeremy Corbyn (par ailleurs explicitement soutenu par Ken Loach également) et l’enthousiasme qu’il suscite parmi les couches larges de la classe des travailleurs.

La recherche d’une alternative

kenloachLe film n’est malgré tout pas pessimiste. Il est bourré de signes de solidarité et de compassion, de petits parfois, de plus importants à d’autres moments. Ce film démontre aussi clairement que la solidarité ne suffit pas pour véritablement résoudre les problèmes. Il faut une solidarité collective pour surmonter des périodes difficiles dans la vie d’un individu. Ken Loach accuse le néolibéralisme et signe un nouveau manifeste de solidarité.

C’est un film où il est possible de rire à l’humour noir de la classe des travailleurs britanniques mais, à l’instant d’après, le rire devient une boule dans la gorge et l’on se sent envahi par la tristesse et la colère. Comme dans la scène poignante où Katie visite une banque alimentaire.

Après une énième visite absurde au centre d’emploi Daniel Blake dit : ‘‘quand tu perds le respect de toi-même, t’est perdu. Alors c’est fini.’’ Il sort, prend une bombe aérosol et écrit sur le mur: “Moi, Daniel Blake, je demande une date d’appel avant que je ne meure de faim. Et changez votre musique d’attente de merde.’’ Dans la rue, les gens l’applaudissent spontanément.

Lors de la projection au Film Fest de Gand, Ken Loach et Hayley Squires ont reçu une belle ovation de la salle. La première question du public nous a tout de suite emmené au point crucial. ‘‘Qu’est-ce qu’on peut faire ?’’ lui a demandé une jeune femme. ‘‘Au final, il s’agit d’une lutte politique’’, lui a répondu Ken Loach en confirmant son rôle unique de cinéaste politique. Il a appelé tout le monde à s’engager, à soutenir des campagnes politiques, à devenir membre d’un syndicat,…

Cette perspective de résistance collective est absente du film. Mais il est évident que cela fait partie de la philosophie de Ken Loach et de la façon dont il considère un changement possible. Pour moi, ‘I Daniel Blake’ est peut-être son meilleur film. Espérons que ce ne soit pas son dernier.

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