La question de l’extension du droit de vote, pour les élections communales, aux résidents étrangers non européens occupe à nouveau le devant de l’actualité politique. Le gouvernement précédent avait décidé de reporter ce point après les élections. Mais le gouvernement est paralysé: PS, SP.a, Spirit et MR (avec des réserves) sont pour. Le VLD est contre.
Guy Van Sinoy
Dans l’opposition, CdH et Ecolo sont pour. CD&V, NV-A, Vlaams Blok et FN sont contre. Une majorité alternative pour faire voter la loi semble possible au parlement. Toutes les manoeuvres semblent alors permises.
Hugo Coveliers, chef de groupe VLD à la Chambre, a menacé d’utiliser la procédure de la "sonnette d’alarme", prévue par la constitution, pour bloquer le débat au parlement. Les quotidiens réactionnaires Gazet van Antwerpen et Het Belang van Limburg ont réalisé un sondage pour prouver qu’une majorité de la population est contre l’élargissement du droit de vote. Qui a été interrogé et comment les questions ont-elles été posées, c’est une autre paire de manches!
Les élections régionales de 2004 approchent. Chaque politicien se demande si l’adoption ou le rejet d’une telle loi fera gagner ou perdre des voix à son propre parti. Quand on gratte un peu, on s’aperçoit vite que les beaux principes démocratiques foutent le camp au premier sondage électoral défavorable.
Il y a plus de deux siècles, en 1793, pendant la Révolution française, la Convention montagnarde écarta le droit de vote censitaire – qui limitait le droit de vote aux riches – et instaura le droit de vote pour tous les citoyens (pas seulement pour les communales) quelle que soit leur nationalité. Mais c’étaient des révolutionnaires bourgeois qui avaient un peu plus d’audace que les épiciers politiques de notre pays.
Faut-il rappeler la médiocrité démocratique des gouvernants depuis la création de la Belgique? Le 10 octobre 1830, alors que les masses populaires s’étaient faites tuer sur les barricades pour repousser les armées hollandaises, le gouvernement provisoire décida d’adopter "provisoirement" l’ancien vote censitaire. 46.000 électeurs censitaires, sur une population de 4.000.000 d’habitants, élirent le Congrès national chargé d’élaborer la Constitution. Ce "provisoire" allait durer 63 ans: jusqu’en 1893 où, sous la poussée des grèves pour le suffrage universel, le vote censitaire allait faire place au vote plural (un homme = une voix, mais ceux qui possédaient un bien immobilier, qui payaient un impôt ou qui avaient un diplôme avaient plusieurs voix). Ce n’est qu’en 1919, par peur de l’extension de la Révolution russe, que le suffrage universel fut adopté. Mais uniquement pour les hommes! Les femmes ne purent voter pour la première fois aux élections législatives qu’en 1948 (118 ans après l’indépendance belge!). Les politiciens bourgeois qui aiment tant vanter les traditions démocratiques de la Belgique devraient se rappeler ces dates et être un peu plus modestes.
Le LSP-MAS est pour le droit de vote et d’éligibilité à tous les niveaux pour tous ceux et celles qui résident en Belgique. Cela n’a rien de révolutionnaire: cela existe déjà depuis des dizaines d’années pour les élections sociales. L’immense majorité de ceux qui pourront bénéficier de l’extension des droits démocratiques sont des travailleurs. Cet élargissement du droit de vote à tous ceux qui résident en Belgique donnera des droits politiques à tous les travailleurs, permettra de dépasser la division entre travailleurs, et renforcera le camp de tous les salariés face aux patrons.