Pourquoi nous nous retirons du front pour la manifestation du 7 mars

Après une dernière discussion avec les représentants du Comité des Opprimés Immigrés (COI) et l’Initiative Femme de la Fédération des Associations Kurdes en Belgique (Fek-bel) nous avons décidés, le dimanche 25 janvier, de nous retirer du front qui s’était formé autour de la Journée Internationale des Femmes. Notre propre campagne et nos activités pour la Journée Internationale des Femmes sont en plein préparation.

Déclaration de la commission femmes et du Bureau Exécutif du PSL/LSP

L’année dernière, le Parti Socialiste de Lutte (ex-MAS) avait pris avec le groupe iranien/afghan 8 March Organisation l’initiative d’une manifestation à l’occasion de la Journée Internationale des Femmes qui combinait une protestation aux ambassades américaine et iranienne ainsi qu’au parlement européen. Au cours des dernières semaines avant cette manifestation, nous sommes également rentrés en contact avec le COI et l’Initiative Femmes du Fek-bel et nous avions décidé de combiner leur manifestation et la nôtre. La collaboration s’est faite très facilement parce que ces organisations – qui sont très différentes de nous tant sur le plan idéologique que sur le plan de la pratique politique – partageaient avec nous la volonté de remettre en avant la Journée Internationale des Femmes. Sur le programme à défendre, il y avait aussi un grand accord. Nous partageons ensemble l’opinion qu’un changement de législation ne suffit pas pour aboutir à une véritable libération des femmes et qu’il faut en finir avec ce système capitaliste qui vit de la division qu’il sème au sein du mouvement ouvrier.

Cette année, il était évident de poursuivre cette collaboration, ce qui a déjà conduit à l’organisation d’un séminaire commun à l’occasion de la Journée Internationale contre la Violence contre les Femmes en novembre 2008. La préparation d’une nouvelle manifestation commune était déjà avancée, dont le fait d’inviter d’autres groupes pour élargir le front. C’est à ce sujet qu’un vrai problème est apparu.

Concrètement, le COI et Fek-bel ont aussi invité Secours Rouge, un groupe avec lequel ils travaillent régulièrement autour de certains projets concrets, mais avec lequel le PSL /LSP ne peut pas et ne veux pas se lier. Nous n’avons malheureusement pas pu convaincre ces organisations du fait que la collaboration avec ce type de groupes ne fait pas progresser la construction d’un front plus large, mais rend justement cette tâche impossible.

Secours Rouge est une organisation peu connue et bien petite qui a reçu une attention médiatique l’an dernier, surtout du côté francophone, quand deux de ses membres (entre autres l’ancien membre des CCC Bertrand Sassoie) ont été arrêtés dans le cadre d’une enquête sur un groupe terroriste italien. Finalement, cette enquête n’a été qu’un pétard mouillé et ils ont été libérés par manque de preuves. Il s’agissait probablement d’une tentative de l’Etat pour tester les nouvelles lois anti-terroristes en pratique.

Les membres de Secours Rouge ont néanmoins défendu le terrorisme individuel dans les médias et Bertrand Sassoie a défendu les attentats qu’il avait commis dans les années ’80 avec les CCC. Le fait que deux pompiers – qu’on ne peut pas vraiment prendre pour de ‘grands oppresseurs’ des travailleurs et d’autres couches de la population – aient perdu la vie n’est pour eux qu’un détail déplorable sur lequel ils refusent jusqu’à ce jour de prendre leurs responsabilités.

Nous voulons clairement affirmer ici que le PSL/LSP s’oppose aux lois anti-terroristes introduites un peu partout dans le monde après les attentas d’Al Qaida le 11 septembre 2001. Comme nous l’avons toujours clairement expliqué, toutes les lois qui limitent la liberté d’expression et renforcent l’appareil d’Etat vont finalement être utilisées contre le mouvement ouvrier. L’introduction de telles lois illustre justement que la classe dirigeante se prépare à une lutte de classes plus intense. Il y a toutefois pour nous encore une grande différence entre ce point de vue et la défense réelle de groupes et individus qui recourent à la méthode du terrorisme individuel.

Nous sommes d’accord avec le COI et Fek-bel pour dire que les Etats capitalistes ont presque tous pris l’habitude de décrire chaque mouvement de résistance comme “terroriste” et qu’ils ne font pas de différences entre les réels mouvements de résistance des peuples et des groupes de la population opprimés d’un côté et des individus ou des petits groupes isolés de l’autre. Le PSL/LSP fait cette différence, bien que nous nous opposons également à cette méthode contre-productive dans le premier cas lorsqu’il s’agit d’attentats terroristes qui font part d’un mouvement de résistance plus large comme dans le cas de la résistance kurde ou palestinienne contre des Etats qui refusent le droit à l’indépendance de ces peuples et qui empêchent activement cette indépendance avec l’utilisation brutale de la violence.

Le PSL/LSP n’a jamais fait un secret de notre rejet du terrorisme individuel. Notre Internationale, le Comité pour une Internationale Ouvrière – CIO, a dans le passée refusé de façon conséquente de défendre les attentats terroristes de l’IRA, de l’ETA ou de l’OLP, entre autres, y compris quand ces organisations bénéficiaient encore d’un soutien plus large dans leur population. Il peut encore y avoir une certaine compréhension de ces actions au vu de l’oppression brutale à laquelle les catholiques d’Irlande du Nord, les Basques ou les Palestiniens ont été confrontés, ce qui n’est pas du tout le cas de mouvements terroristes comme les CCC ou la RAF, surtout actifs au cours des années ’80 du siècle précédent.

Ces organisations pouvaient encore surfer sur une résistance plus générale dans la société à cette époque, mais ils ne faisaient pas partie de cette résistance. Il s’agissait de groupes isolés constitués d’éléments petit-bourgeois qui voulaient donner une leçon au mouvement ouvrier, qui voulaient par leur activité individuelle et isolée impulser une révolution à la classe ouvrière. Le mouvement ouvrier – le plus souvent considéré par ces organisations comme une masse ignorante qui doit être poussée à plus de radicalisme par l’action de ces ‘intellectuels radicaux et éclairés’ – n’a aucune raison de défendre ces individus et/ou organisations.

On peut estimer que “la fin justifie les moyens”, mais seulement si ces moyens font effectivement approcher la fin. Nous ne considérons pas le terrorisme individuel comme un moyen à envisager, nous ne défendons la violence dans la lutte que lorsqu’il s’agit d’une décision collective organisée et contrôlée par les couches larges de la population opprimée en réponse à une oppression violente. Nous ne sommes pas des pacifistes et nous défendons le droit, en Palestine par exemple, d’une population opprimée de s’opposer contre cette oppression y compris avec le recours à la violence. L’article suivant (en anglais) développe notre appel et le programme que nous avons défendu durant la dernière guerre à Gaza.

Non seulement le terrorisme individuel est incapable d’atteindre le but d’un changement de société, mais cela fait en plus obstacle à ce processus de changement de société. La révolution n’est pas une affaire d’intellectuels individuels, c’est une affaire de masses. Les masses sont mises de côté par ces organisations et reçoivent le message que ces ‘dirigeants’ autoproclamés vont se charger de tout – des ‘dirigeants’ qui ne veulent pas passer pas le processus laborieux de se faire accepter en tant que direction par les masses sur base de mérites montrés dans la pratique. Cette méthode pousse les couches larges directement dans les bras de la classe dirigeante et discrédite et diabolise les courants plus radicaux du mouvement ouvrier tout en offrant une excuse à la classe dirigeante pour élargir fortement son appareil de répression.

Nous regrettons qu’un bon projet autour de la Journée Internationale des Femmes tombe à l’eau avec cette affaire. Le refus du COI et de Fek-bel d’arrêter la collaboration avec Secours Rouge dans ce front revient pour nous à un choix entre la peste et le choléra : ou nous nous retirons, ce qui fait que la manifestation aura le caractère d’une manifestation de la communauté immigrée seulement; ou nous restons, mais la construction d’une plateforme plus large pour aujourd’hui et demain est mise en péril. Au moment où le mécontentement et la colère contre le système capitaliste commence à augmenter aussi parmi des couches plus larges de la population et qu’il devient toujours plus clair qu’il y a encore du chemin à faire pour atteindre l’émancipation de la grande majorité des femmes, nous ne voulons pas faire obstacle à la construction d’un front plus large autour des droits des femmes en collaborant avec des groupes qui utilisent et défendent des méthodes indéfendables.

Vous pouvez trouver ci-dessous la lettre que nous avons écrite au COI et à Fek-bel sur cette question, lettre dans laquelle nous motivons notre décision.


Aux participants au front pour une manifestation pour la Journée Internationale des Femmes

Chers,

Lors de la dernière réunion, les représentants du PSL/LSP ont été un peu surpris et ne savaient pas très bien que faire de la situation. Après discussions avec nos membres et au sein de nos structures dirigeantes, nous ne pouvons néanmoins rien faire d’autre que de retirer les accords faits au cours de la dernière réunion concernant la collaboration avec Secours Rouge/Bloc ML, pour nous au moins.

Tout le monde est au courant qu’il y a des grosses différences, aussi bien sur le plan de la pratique politique que sur le plan idéologique, entre les organisations qui participent à ce front. Cela n’est pas un problème pour nous. Nous avons toujours été en faveur de la collaboration en action si on peut de cette façon faire progresser (une partie de) la lutte du mouvement ouvrier. Suivant cette logique, nous avons fait des alliances autour de listes électorales, des coopérations dans la lutte contre le Vlaams Belang ou dans le mouvement anti-guerre, etc. Les seules conditions que nous avons mises en avant étaient d’arriver à un accord entre participants sur base d’un bon cahier de revendications et/ou de slogans corrects tout en garantissant la liberté à chaque participant de défendre ses propres idées et son programme propre.

Dans quelques cas néanmoins, la coopération devient un élément qui n’aide pas à faire progresser la lutte, mais crée justement de nouveaux obstacles pour avoir un soutien plus large. Avec ce ‘soutien plus large’ nous ne voulons pas dire un soutien plus large parmi la direction syndicale ou chez les partis sociaux-démocrates, ni parmi les organisations féministes bourgeoises, ni parmi la gauche officielle, etc., mais parmi les couches de militants syndicaux combatifs et d’autres personnes activement impliquées dans la lutte contre la politique asociale du gouvernement. Nous pensons qu’une coopération avec des organisations comme Secours Rouge/Bloc ML en est un exemple.

Le PSL/LSP a toujours adopté une position de principe contre le terrorisme individuel, que cette méthode soit utilisée par qui que ce soit. Ce n’est pas un point de vue moraliste, le PSL/LSP n’est pas une organisation pacifiste. Nous défendons le droit de résister à la violence, si nécessaire par la violence, mais sous le contrôle et avec la participation du mouvement ouvrier et des couches pauvres et opprimées de la population. C’est quelque chose de totalement différent du terrorisme individuel, où des groupes plus ou moins petits décident en lieu et place de cette population large de la manière dont la lutte va se dérouler. Des groupes qui recourent au terrorisme individuel se mettent à la place des masses et de la lutte des masses, bien que celle-ci soit la seule capable de mener à un changement de société.

Le terrorisme individuel est en plus un facteur très divisant pour le mouvement ouvrier. Cela peut, pour un moment restreint, enthousiasmer de petits groupes de radicaux, mais cela démoralise les couches larges et les pousse dans les bras du pouvoir établi. Les actions des CCC – dont Secours Rouge/Bloc ML ne veut se distancer et qu’ils défendent pleinement jusqu’à aujourd’hui – ont dans une large mesure agit en ce sens. Le résultat a été un renforcement encore jamais vu et indéfendable de l’appareil d’Etat. Après les actions des CCC, renforcées par les attentats totalement distincts de la Bande de Nivelles, on a vu des ‘robocops’ débarquer dans les rues pour la première fois en Belgique. Ces actions ont constitué l’excuse rêvée pour libérer plus de moyens pour la gendarmerie, une force spéciale d’intervention rapide a été mise sur pied, etc.

Plus important encore, deux pompiers sont morts. La direction syndicale a aussi été capable de jouer sur l’aversion de ce qu’ils appelaient ’le radicalisme de gauche’ (que nous appelons de l’aventurisme criminel) pour limiter l’influence de figures explicitement de gauche au sein du mouvement syndical. Nous connaissons l’excuse des CCC : leur attentat était annoncé et, si ces pompiers étaient cependant présents, c’était parce que la police n’a pas fait son travail. Si on pose premièrement des bombes pour faire ensuite confiance à l’appareil d’Etat pour protéger les travailleurs qui pourraient être présents sur les lieux, il ne faut pas ensuite se plaindre que cet appareil d’Etat saute sur l’opportunité de discréditer les terroristes aux yeux de la population. Avec les terroristes des CCC, tout le mouvement à gauche de la social-démocratie a été d’un coup discrédité et diabolisé.

Nous ne voulons pas être présents dans une plateforme au côté d’individus et de groupes qui rendent impossible à cette la plateforme d’atteindre également des couches plus larges avec le message que l’on veut mettre en avant. Les objectifs du PSL/LSP pour cette campagne autour de la Journée Internationale des Femmes est justement d’aller vers les couches larges pour clarifier que cette lutte est nécessaire. Le programme que nous défendons sur la question des droits des femmes a pour objectif de s’en prendre à la division qui, à cause de la position de la femme dans la société et de la constante propagande sexiste de la bourgeoisie, existe aussi dans le mouvement ouvrier. Nous voulons mettre fin à cette division en essayant d’arriver à un programme commun et une lutte commune des hommes et des femmes du mouvement ouvrier et des autres couches opprimées de la société pour mettre fin à la discrimination des femmes et pour le socialisme.

Nous sommes d’avis que la coopération avec Secours Rouge/Bloc ML fait obstacle à cet objectif – mettre à l’agenda de façon plus large la lutte pour les droits des femmes – et nous ne sommes donc pas préparés à une collaboration. Nous demandons aux autres partenaires de la plateforme de poursuivre sans Secours Rouge/Bloc ML – nous pouvons éventuellement continuer la discussion là-dessus en vue de coopérations ultérieures au 8 mars 2009. Si, par contre, vous décidez de coopérer avec Secours Rouge/Bloc ML, le PSL/LSP se retire de cette coopération. Nous avons longuement construit un parti socialiste révolutionnaire en Belgique (et dans le monde avec le CIO) qui peut, au travers d’une approche transitoire, obtenir une réelle implantation dans les masses larges de la classe ouvrière. Plusieurs de nos membres ont obtenu le respect de leurs collègues en tant que délégué syndical ou jouent un rôle important dans leur quartier. Nous refusons de mettre cela en jeu pour une petite poignée d’aventuriers.

Pour le PSL/LSP, Anja Deschoemacker

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