Mexique : regain de violence avec crise économique en arrière-plan

Jeudi 13 novembre, le Mexique a occupé une place importante dans les actualités, suite aux attaques armées subies par trois bus au Chiapas. Parmi les victimes, 28 Flamands, ce qui explique l’intérêt soudain des médias du nord pour la problématique. La mauvaise volonté de la police est caractéristique et le lien avec les rebelles Zapatistes douteux. Cela fait déjà un certain temps que le Mexique est aux prises avec des problèmes de violence ; les attaques armées contre des bus n’en sont qu’une des formes. La violence relative à la drogue est bien plus problématique.

Article de Wouter. Photos par Eline. Tous deux sont partis au Mexique en octobre, aussi bien à la capitale que dans des régions comme Oaxaca et le Chiapas.

Enlèvements

Peu avant notre départ, des protestations de masse avaient eu lieu à Mexico Ciudad contre la violence persistante et croissante depuis des années, les meurtres et les enlèvements. Fin septembre, le Zocalo (une grande place dans le centre historique de Mexico City) a été envahi par un flot de manifestants. Beaucoup portaient de grandes photos de membres de leur famille et d’amis disparus.

Les statistiques ne reprennent pas tous les enlèvements, loin de là. Beaucoup n’osent pas déclarer une disparition. Il arrive souvent que les victimes soient assassinées avant même que la rançon ne soit payée. La crainte de la police a aussi à y voir ; elle est bien souvent impliquée dans ces disparitions et autres violences. Des agents de tous niveaux y sont compromis jusqu’au cou. Durant les neufs premiers mois de cette année, 651 personnes ont été enlevées.

Corruption

Afin de combattre la corruption, le gouvernement Calderon a promis, fin septembre, des prêts sociaux pour les agents intègres. S’ils se laissent quand même corrompre par après, les logements sociaux leur seront confisqués. Les agents de police mexicains, tout comme beaucoup d’autres, sont sous-payés. Ils gagnent à peine 600 à 700 euros et ne reçoivent que peu de considération sociale. Mais ce n’est pas rien qu’une question d’argent ; des agents ont aussi été tués pour avoir refusé leur collaboration, active ou passive, à la mafia. C’est donc aussi une question de survie. La corruption s’est développée avec l’histoire ; elle est en rapport avec la naissance de l’état mexicain. Le PRI a gouverné pendant une période ininterrompue de plus de 70 ans (1929-2000). Pendant tout ce temps, la police a fonctionné dans un état de parti unique et a réprimé toute opposition.

Impunité et assassinats de journalistes

Le Mexique se place dixième au monde sur l’échelle d’impunité. Seulement 1% des délits de violence a été poursuivi avec succès. 14% des assassinats de journalistes. Pour ceux-ci, le Mexique est l’endroit le plus dangereux sur terre ; plus dangereux encore que l’Irak et l’Afghanistan, ravagés par l’occupation et la guerre civile. La moitié des 75 assassinats de journalistes durant ces deux dernières décennies a eu lieu après 2004.

L’assassinat de Brad Will, il y a deux ans, a reçu une grande attention de la presse mexicaine au mois d’octobre. Il était caméraman pour Indymédia et avait sympathisé avec les fédérations de l’enseignement et la coalition de gauche APPO qui s’étaient engagées dans une confrontation avec le gouvernement, à Oaxaca. Il fut abattu alors qu’il filmait les combats de rue à Santa Lucià del Camino. 27 personnes au moins ont perdu la vie lors des répressions qui ont suivi cette révolte. Deux membres d’APPO ont été récemment arrêtés dans le cadre de l’enquête criminelle. Les parents de la victime ont immédiatement déclaré que le gouvernement cherche un bouc émissaire et qu’il refuse de chercher les assassins dans le milieu policier. La commission nationale des droits de l’homme et certains membres du parlement affirment qu’aucune autopsie et aucun examen balistique sérieux n’ont eu lieu. Brad Will n’aurait pas été abattu à une distance de 2 mais bien de 30 mètres. Ceci aurait dû être le point de départ de toute enquête. De plus, le tribunal refuse de traiter l’affaire comme étant l’assassinat d’un journaliste parce que l’homme avait un visa touristique.

Violence en relation avec la drogue

La violence a surtout lieu dans les états du nord, à la frontière des USA. Les bandes sont impliquées dans une lutte pour le contrôle des différentes routes de la drogue. Mais une véritable guerre fait aussi rage entre les cartels de la drogue, l’armée et la police. A Juarez, les criminels n’ont pas hésité à envoyer quatre têtes à la police. L’été dernier, Calderon a augmenté les forces de 40 000 hommes, avec peu de résultat jusqu’à présent. Ceci est l’une des principales raisons des critiques à son égard et de sa chute de popularité. Le grand étalage d’une rare prise, comme celle du gros poisson Eduardo Arellano Felix, n’y changera rien.

Le 3 novembre, on dénombrait 58 assassinats ; le plus grand nombre en 1 jour. Certains d’entre eux étaient des policiers. La semaine dernière, le compteur était à 4 325 pour cette année ; une moyenne de 12 par jour. Pour toute l’année passée, le nombre était de 2000. Sous Fox, une moyenne de 1000 par an. Près de la moitié ont eu lieu dans la ville de Juarez. Un petit millier de policiers suspects y ont été mis à la porte. Ceux qui sont restés ont reçu une augmentation salariale de 35%, dans l’espoir de conserver leur loyauté. Le vide a été comblé par l’armée qui contrôle la ville, à présent.

Pendant longtemps, l’on a pensé que les citoyens, eux au moins, n’étaient pas touchés ; cela a changé le 15 septembre, jour de la fête nationale. Les barons de la drogue ont fait exploser deux bombes à Morelia, Michoacan, l’état dont Calderon est originaire. Le Mexique n’est plus seulement un pays de transit ; de nos jours, la drogue corrompt ; il est devenu un important marché pour la vente. Cela se remarque aussi dans l’image de rue : les ‘narcotiques anonymes’ y poussent comme des champignons.

Police fédérale décapitée

En septembre, le numéro deux de la police fédérale a été assassiné et ce, malgré toutes les mesures de précaution. Chaque nuit, il dormait à un endroit différent et secret, il avait sa propre escorte armée mais il a quand même été liquidé. Et ceci, à Mexico City, où, jusqu’alors, le gouvernement était relativement fort dans sa lutte contre les cartels de drogue du nord.

Le 4 novembre, un avion s’est écrasé dans un parc de Mexico City. Mourino se trouvait parmi les morts. En tant que ministre des affaires intérieures, il était responsable de la police. Selon certains, une organisation malveillante y serait mêlée. Ils soupçonnent la mafia de la drogue. Peu après, le chef de la police nationale a remis sa démission. Le top trois étant hors circuit, la police semble bien se retrouver sans direction.

Crise économique

La situation économique, elle aussi, est dramatique. 8,5 millions de mexicains travaillent à l’étranger, principalement aux USA. Ils sont presque tous peu scolarisés. Maintenant que la récession s’étend, ils sont les premiers à en souffrir. Etant donné qu’ils travaillent souvent illégalement, ils sont des victimes faciles, comme les intérimaires. Ces derniers mois, des centaines de milliers ont perdu leur emploi et sont massivement revenus au Mexique. L’argent qu’ils envoyaient annuellement à la maison, des milliards de pesos, disparaît aussi. Ceci est un coup sérieux pour l’économie mexicaine qui est déjà aux prises avec une inflation colossale. Selon un rapport récent de l’OCDE, c’est au Mexique que le gouffre entre les revenus est le plus grand. Mais cela fera la matière pour un prochain article.

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