Algérie: le risque d’une explosion sociale?

En Algérie, les tensions s’accumulent. Les grèves de l’automne dernier, la colère du peuple devant l’inaction de l’Etat pour reloger les victimes du tremblement de terre de Boumerdes, les émeutes quasi insurrectionnelles qui se multiplient dans de nombreux villages… en sont autant de démonstrations. Les classes dirigeantes sont très divisées comme l’a montré la scission du FLN entre les partisans de Benflis, ancien premier ministre, et ceux de Bouteflika.

Alexandre Rouillard

Le processus de restauration du capitalisme a été ralenti suite aux grèves dans de nombreux secteurs mais il a entraîné de nombreuses privatisations qui n’ont été évidemment profitables, que pour les anciens dirigeants. Ils essaient de se transformer au plus vite en capitalistes alors que le peuple vit toujours dans de mauvaises conditions. En 2003, l’Algérie a une croissance de 6,8%, mais le chômage officiel reste à 24%.

Des milliards pour qui?

En quatre ans de croissance continue, les dirigeants algériens ont largement permis que certains s’enrichissent sur le dos du peuple. La croissance ne repose en fait que sur deux secteurs: les hydrocarbures et l’agriculture, tous deux tournés avant tout vers les exportations. La balance commerciale est largement excédentarie (les exportations ayant rapporté 10 milliards d’euros de plus que les importations).

Par contre, l’industrie et le bâtiment ont eu des croissances très faibles. Autrement dit, les milliards engragés ne vont ni directement à la grande masse des algériens ni même dans l’accomplissement de travaux publics ou le développement d’infrastructures et de services publics.

Le début de restauration du capitalisme et l’accroissement de la production de gaz et de pétrole n’ont profité qu’aux mêmes: les dirigeants algériens et les nouveaux capitalistes. Tous accumulent des capitaux en attendant les prochaines privatisations. L’économie algérienne risque à tout moment une situation de rupture, ses capacités de production n’ayant pas été plus développées, sauf dans les hydrocarbures. Le risque de recourir de plus en plus aux importations peut en plus provoquer une vague d’inflation qui détruira les maigres augmentations de salaires gagnées l’an dernier.

Comment réagir?

Les grèves récentes dans les transports, les industries du pétrole etc. ont montré une réelle combativité des travailleurs algériens. Les émeutes dans de nombreux villages montrent que la colère contre les classes dirigeantes est loin d’être éteinte mais qu’elle cherche une voie.

Le peuple algérien voit bien qu’une poignée s’enrichit sur le dos des travailleurs. Les acquis de la révolution algérienne qui avait, malgré la bureaucratie, assuré un certain niveau de vie et de développement, sont liquidés.

Les partis qui ont participé à la presidentielle et les courants islamistes se battend en fait pour se partager le gâteau. Quant à la grande centrale syndicale, l’UGTA, elle avait accepté les privatisations, ne demandant que des aménagements en termes de "transparence" et c’est contre l’avis de sa direction que la base du syndicat a lutté.

Le président Bouteflika a reconduit le même gouvernement qu’avant les élections. Les négociations continuent entre l’Algérie et l’OMC sur l’ouverture du marché algérien à la concurrence. Nul doute que le peuple algérien aura beaucoup à souffrir des nouvelles mesures qui risquent d’être prises. Bouteflika avait ralenti son programma de privatisations sous la pression des grèves, par crainte que les luttes ne s’étendent à toute la société. L’offensive du capitalisme va donc continuer et même se faire encore plus violente.

Cette période va certainement voir une multiplication des luttes. C’est autour de celles ci contre les privatisations, pour de réelles infrastructures (routes, habitations, etc) que les travailleurs, les jeunes, les paysans pauvres etc peuvent se rassambler et avancer vers un nouveau parti. Ils devront alors se doter d’un programme de défense des intérêts des capitalistes algériens ou étrangers. Seule une organisation authentiquement socialiste de l’économie permettra que les énormes richesses de l’Algérie aillent réellement à l’ensemble de la population, pour la satisfaction de ses besoins, et mettre fin à l’exploitation capitaliste avec son cortège de misère, de chômage, de discriminations sexistes ou religieuses.

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