Grève des bagagistes à l’aéroport de Zaventem

Depuis dimanche soir, les bagagistes de la société Aviapartner de l’aéroport de Zaventem étaient partis en grève pour protester, entre autres, contre la surcharge de travail due au manque structurel d’effectifs, contre les horaires inhumains et pour de meilleurs conditions salariales. Rapidement, les salariés bagagistes de la société Flightcare -l’autre société de traitement de bagages présente à Zaventem- avaient débrayé à leur tour, en solidarité avec leurs collègues.

Mardi après-midi, les nouvelles propositions de la direction avaient été rejetées au cours d’un référendum par une large majorité de 70% des travailleurs d’Aviapartner, de 58% chez Flightcare, exprimant clairement la détermination des travailleurs à ne pas se contenter de maigres concessions. Une majorité des deux tiers étant pourtant requise pour poursuivre la grève, une partie du personnel de Flightcare avait repris le travail en fin de journée. L’ensemble des bagagistes ont finalement repris le travail au cours de la nuit, suite à un accord intervenu entre syndicats et direction d’Aviapartner, qui prévoit entre autres de remplacer un certain nombre de contrats temporaires et de contrats à temps partiel en contrats à durée indéterminée et à temps plein.

Dès le début de la grève, tous les médias du pays se sont empressés de cracher leur haine contre les grévistes « preneurs d’otages » et leur « grève sauvage », remettant une fois de plus en cause le droit de grève par l’introduction d’un service minimum. Le vieil outil de la division des travailleurs (grévistes= travailleurs méchants / voyageurs = bons travailleurs qui pestent contre les travailleurs méchants) battait son plein dans les colonnes des journaux. La palme de la mauvaise foi revient sans doute à l’édito de Bernard Demonty (Le Soir de ce mardi 12 août), affirmant qu’ « en cette période de pouvoir d’achat réduit, un, deux ou trois jours de vacances qui s’envolent, c’est encore plus douloureux qu’hier ». Certes, la crise du pouvoir d’achat rend de plus en plus difficile pour beaucoup de familles de se payer des vacances, et beaucoup doivent rogner sur leur budget pour pouvoir s’offrir un peu de repos une ou deux semaines par an. Mais tout le cynisme vient du fait que ce même journal ne s’est pas gêné pour fustiger les actions syndicales que de nombreux travailleurs ont menées ces derniers mois pour exiger une augmentation de leur pouvoir d’achat !

Que dire, par exemple, de la page 3 qui rend compte des réactions prises sur le vif auprès de différents voyageurs présents à l’aéroport durant la grève ? Sur les quatre personnes interrogées, trois sont contre la grève et la dernière indifférente. « Je n’ai aucune empathie pour les grévistes », dit la première. « Un peu dur comme début de vacances », affirme le deuxième. « Les voyageurs sont une fois de plus pris en otages », enchaînent les troisièmes. Les médias voudraient dresser l’ensemble de l’opinion contre les grévistes de l’aéroport qu’ils ne s’en seraient pas pris autrement. Non pas que nous voulions nier les frustrations que peuvent engendrer les retards ou déviations de vol pour les voyageurs qui avaient reservé leur avion ces jours-ci. Mais les questions à se poser sont les suivantes : 1) qui est fondamentalement responsable de cette situation ? 2) la grève se fait-elle contre les voyageurs ou dans leur intérêt ? 3) les voyageurs sont-ils tous farouchement opposés à l’action de grève et insensibles aux revendications des bagagistes ?

Tentons de répondre à ces questions…

Grève sauvage ou travail sauvage ?

La société FlightCare a décidé, pour l’exercice 2007, d’affecter la somme de 7.992.837 € à la rémunération de ses actionnaires. Soit une augmentation de 17,02% par rapport aux dividendes distribués au titre de l’exercice 2006. (Source: Banque Nationale de Belgique). En comparaison, le salaire moyen d’un bagagiste tourne autour des 1200 euros. En ce qui concerne les conditions de travail, le tableau n’est pas plus rose. Un des travailleurs du check-in nous expliquait qu’en général, les bagagistes ne font pas long feu au sein de la société, du fait de l’énorme pression au travail et « des horaires de fou », pour reprendre ses propres termes. Cette même personne nous expliquait également que si, par le passé, l’équipe de bagagistes chargée de décharger un avion était au nombre de 6 ou 7, ils ne sont plus que 2 ou 3 actuellement pour effectuer la même quantité de travail. Ces informations sont corroborées par Jan Dereymacker – de la CNE, le syndicat chrétien- qui affirme qu’ « il est rare qu’une personne travaille ici plus de cinq ans d’affilée, car les conditions de travail et les horaires sont pénibles. » Les horaires difficiles, résultat direct du sous-effectif, sont en effet particulièrement criants et sont un des points de revendications central des travailleurs : flexibilité sans cesse revue à la hausse, horaire différent chaque jour, heures supplémentaires non-payées, connaissance des horaires mensuels seulement une semaine à l’avance, suppression des pauses pour des raisons de rentabilité,…

Ce ne sont pas les travailleurs qui prennent les voyageurs en otage, mais bien la direction des deux compagnies qui prend ses propres travailleurs en otage et les presse comme des citrons pour en tirer un maximum de profit. Tout cela se fait au détriment non seulement des salariés, mais aussi des conditions de sécurité et de confort alloués aux voyageurs. Si, par exemple, les voyageurs doivent attendre autant de temps avant de récupérer leurs bagages après l’aterrissage, qui en est responsable ? Les bagagistes qui ne font pas leur boulot assez vite, ou la direction qui refuse d’engager plus de personnel ?

Info ou intox ?

En ce qui concerne la vision relayée par les médias, représentant tous les voyageurs comme des « mangeurs de grévistes », nous avons pu nous rendre compte par nous-mêmes que la réalité est quelque peu différente. Les quelques passagers avec qui nous avons pu discuter, malgré les désagréments que pouvaient entraîner les retards ou déviations de leur vol, exprimaient de la compréhension quant aux raisons qui avaient poussé les travailleurs à partir en grève, l’un deux affirmant même que « de toute façon, ils n’ont pas d’autre choix pour se faire entendre », un autre qu’ « à leur place, j’aurais probablement fait pareil », ce dernier nous ayant même acheté un exemplaire de notre journal l’Alternative Socialiste. Et lorsque nous avons croisé des journalistes de la RTBF, qui venaient d’interroger un manager de la compagnie, et que nous leur avons demandé pour pouvoir exprimer notre point de vue sur la grève, ils nous ont répondu « que ce n’était pas leur travail d’interroger des voyageurs, qu’une autre équipe était responsable pour ça. » Etrangement, quand nous avons rencontré cette autre équipe, elle ne daigna pas nous interroger non plus; visiblement elle n’était intéressée que par les voyageurs anti-grève…

Les perturbations engendrées par la grève, largement étalées dans les médias jusqu’à l’écoeurement, ne peuvent masquer la similitude entre la situation que connaissent les bagagistes de l’aéroport de Zaventem et celle présente dans de nombreux secteurs. Cette grève des bagagistes ne peut en aucun cas être déconnectée des luttes qui ont pris place ces derniers mois partout dans le pays. Voilà pourquoi il est important que tous ces travailleurs puissent compter sur notre pleine solidarité.

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Première page de Lutte Socialiste