Visite militante de Liège et BBQ
Il y a tout juste une semaine, nous avons organisé une petite visite de Liège avec sur base de l’histoire des luttes et des révoltes populaires dans la cité ardente, qui a décidément bien mérité son surnom… C’était pour nous l’occasion de commencer les vacances et nos campagnes d’été par une rencontre agréable à laquelle un peu plus d’une trentaine de personnes ont pris part, dont de jeunes ouvriers qui ont fait la connaissance de notre organisation à travers notre campagne pour plus de pouvoir d’achat.
Cette activité s’est déroulée une semaine à peine après la soirée de fin d’examen des Etudiants de Gauche Actifs, qui a également été une belle petite réussite. Réussite visiblement dans la droite lignée des traditions liégeoises, aux dires d’un certain Hubert Thomas… Ce dernier avait déclaré en 1541: «Personne ne croirait que les Liégeois sont buveurs au-delà de toute mesure, et moi-même je n’aurais rapporté cet amour du vin de mes compatriotes si je ne savais qu’aujourd’hui l’art de boire congrûment n’est pas compté par eux au nombre des vices, mais bien estimé à l’égal des premières vertus… Celui qui se montre sobre et frugal est méprisé, bafoué : on s’écrie qu’il doit avoir sur la conscience quelque crime qu’il craint de dévoiler pendant son ivresse.» Hum…
1.000 ans de luttes populaires à Liège
Bien entendu, c’est un autre aspect de l’histoire populaire de notre ville qui a été mis à l’honneur durant la visite, celui de la combativité du peuple liégeois au cours de l’histoire. La Cité Ardente peut s’enorgueillir de quelques beaux faits d’armes propres à rendre fiers les militants d’aujourd’hui… Notre guide n’a pas manqué d’insister sur ce point : Jean Peltier n’est pas seulement militant de longue date et passionné d’histoire, c’est aussi un amoureux de sa ville qui sait susciter l’intérêt, et avec beaucoup d’humour, ce qui ne gâche bien évidemment pas les choses…
Parmi tous les évènements hauts en couleur (rouge…) qui parsèment l’histoire de Liège, l’épisode de la Révolution liégeoise de 1789 est probablement le plus connu. Dès que les échos de la révolution française sont parvenus aux oreilles des Liégeois, le Prince-Evêque qui exerçait le pouvoir a été chassé. Après plusieurs années de luttes, en 1795, le rattachement à la France est voté, ce qui est un fait unique en Europe. Ce fait est révélateur de l’adhésion aux idéaux révolutionnaires portés par la jeune République, mais aussi des liens étroits que le parti populaire, à Liège, avait entretenu avec la France au cours des siècles précédents. Cette date a signifié la fin de la principauté de Liège et d’une histoire indépendante d’un millénaire, mais c’est loin d’être la seule à retenir pour les révolutionnaires d’aujourd’hui.
Ainsi, en 965 déjà, une révolte populaire éclate contre la politique fiscale de l’évêque Eracle (peut être un ancêtre de Didier Reynders ?).
Peu de temps après arrive l’évêque de Liège le plus célèbre, Notger, qui est aussi un seigneur féodal. C’est à partir de ce moment que la Principauté prend corps peu à peu. Il redescend de Publémont où s’était réfugié Eracle, fait construire une nouvelle cathédrale et un nouveau palais Place Saint-Lambert (l’actuel date de 1536), plusieurs collégiales et une nouvelle muraille autour d’une zone élargie incluant un centre économique (Place du Marché) et commerçant (en Neuvice).
Pendant les 5 premiers siècles de son existence, la principauté de Liège est une région très riche grâce aux terres fertiles de Hesbaye, aux bois des Ardennes, à la pierre, la houille et le fer que l’on trouve en abondance. Le commerce s’effectue d’abord le long de la Meuse, puis se développe un peu partout en Europe. Liège est alors célèbre pour son artisanat (dinanderies, textile), pour ses banquiers et son art, essentiellement religieux. Tout cela suscite les convoitises de l’extérieur… mais aussi des luttes pour mieux répartir cette richesse à l’intérieur.
Car le peuple connaît dans la principauté des conditions de vie très difficiles et dès le début, des luttes opposent les pauvres aux riches et aux puissants. C’est ainsi que Huy, qui dépend de la Principauté, connait la première Charte des Libertés au nord des Alpes, en 1066. Plus réticent à accorder des libertés sous son propre balcon, l’Evêque de Liège n’accordera les premières libertés aux Liégeois qu’en 1198.
Dès le 13e siècle, les luttes sociales s’aiguisent. Le Prince-Evêque et les nobles, qui acceptent mal de voir leurs privilèges rabotés, essaient de récupérer l’intégralité du pouvoir. Les métiers résistent à la politique du Prince-Evêque et essaient de conquérir de nouveaux droits. Régulièrement, le Prince-Evêque est obligé de faire appel à des seigneurs étrangers pour résister militairement aux soulèvements populaires. En 1255 se déroule l’insurrection des batteurs de Dinant, en 1297 le soulèvement du commun de Huy et en 1302 la révolte des métiers de Saint-Trond. Mais la plus grande lutte a lieu à Liège en 1312. C’est la Mal Saint-Martin.
Quand les Liégeois brûlent les églises…
Avec les nobles et les curés dedans !
Le jour de la Saint-Anne, le 3 août, les nobles ont tenté de récupérer l’intégralité de leur pouvoir, raboté au cours des dernières années. Le rassemblement des seigneurs était prévu durant la nuit, Place du Marché, où des renforts du comte de Looz devaient rejoindre le groupe et mettre le feu à la halle aux viandes. C’est que, dix ans plus tôt, un boucher avait coupé la main d’un noble, ce qui avait ouvert la voie à des luttes et des victoires du peuple contre les nobles…
Mais des domestiques des seigneurs avaient éventé la surprise en annonçant l’attaque. A la deuxième torche lancée sur le quartier, les bouchers, rejoints par les autres métiers, sortent de leurs cachettes et se jettent avec fureur sur les assaillants. Durant toute la nuit, la bataille fait rage. A l’aube, les soldats du comte de Looz manquent toujours à l’appel, les troupes des seigneurs commencent à faiblir. Tout comme Eracle en son temps, ils se réfugient alors sur les hauteurs de Publémont pour attendre les renforts.
Après des heures de bataille, les nobles semblent reprendre du terrain. C’est alors qu’arrivent des renforts… mais pas ceux attendus! De Vottem, d’Ans, de Montegnée, de Saint-Léonard, de Huy et d’ailleurs, les troupes des métiers arrivent, bien décidés à vaincre ou mourir. Suite à la violence du nouvel assaut, les seigneurs sont repoussés et cherchent refuge dans la collégiale, en pensant que personne ne violerait l’asile accordé par les lieux saints. Ils avaient raison. Plutôt que d’y entrer, les Liégeois y ont mis le feu. C’est à ce moment que le Tiers-Etat a obtenu un droit de veto. Par la suite, le peuple de Liège a pu être bien plus tranquille…
Les 600 Franchimontois
Les luttes pour les libertés vont continuer par la suite, faites d’avancées et de reculs – mais Liège a aussi des ennemis à l’extérieur (le Brabant, notamment, qui est l’ennemi héréditaire). Au 15e siècle, la principale menace vient de Bourgogne. Avec l’extension de ce duché, Liège est prise en étau.
La Bourgogne multiplie les pressions (tentative de coup d’Etat en 1433 – Louis de Bourbon, neveu de Philippe le Bon, est nommé Prince-Evêque en 1466) puis passe à l’action (prise et sac de Dinant 1466, puis prise de Liège novembre 1467). Liège se révolte en septembre 1468, mais est assiégée en octobre de la même année. C’est l’épisode célèbre des 600 Franchimontois, qui tentent une sortie pour assassiner Charles le Téméraire. Ils sont massacrés et le pillage, les massacres et les incendies dureront 7 semaines : les murailles et les 2/3 de la ville sont détruits. Environ 10.000 des 25.000 habitants sont tués, des milliers d’autres réussissent cependant à prendre la fuite.
Charles le Téméraire décède en 1477 devant Nancy et le Perron, symbole des libertés liégeoises déménagé à Bruges en 1468, est ramené à Liège l’année suivante. Les institutions démocratiques sont rétablies, mais il faudra du temps pour que Liège se reconstruise.
La vie reste très dure pour les pauvres. Lors de la crise agricole de 1491, les étrangers sont expulsés… de même que les femmes dont le mari est à la guerre ! C’est dans ce contexte que se déroule la révolte des habitants de la banlieue (les Rivageois). C’est aussi à partir de ce moment que les inégalités de classe prennent un tour de plus en plus aigu au sein du Tiers-Etat.
Inégalités au sein du Tiers-Etat
En 1620, deux « partis » font leur apparition: les Chiroux (nobles, grands bourgeois, tourné vers l’Empire germanique) et les Grignoux (petite bourgeoisie et peuple, tourné vers la France). Les surnoms donnés aux factions sont explicites: les « mangeurs de tartes aux pommes » pour els riches contre les « mangeurs de boudins » pour les pauvres. L’agitation sociale est alors permanente, à tel point qu’en 1684 est construite une citadelle, à l’emplacement de l’actuel centre hospitalier de la Citadelle, pour surveiller la ville.
Les princes-évêques et la noblesse essaient de conserver l’ordre ancien, la grande bourgeoisie veut augmenter sa part de pouvoir tandis qu’une partie de la petite-bourgeoisie (surtout les avocats) est pour sa part gagnée aux idées des Encyclopédistes français (avec parfois un écho chez certains Princes-Evêques !).
Il reste encore à parler de la grève générale de 1886, la première de Belgique, partie de Liège à l’occasion du 15e anniversaire de la Commune de Paris. Le quotidien La Meuse a écrit à cette époque: « Le spectre rouge n’est pas une chimère. Le Spectre rouge, aujourd’hui même, montre sa face hideuse en Irlande et en France, en Russie et en Angleterre. En Irlande, où les crimes agraires sèment la terreur, à Londres, où le pillage, le vol, brisent les vitrines, à Decazeville, où des milliers de malheureux, enrôlés par des scélérats, désertent leur travail et laissent leurs enfants manquer de pain, le Spectre rouge a montré sa face hideuse et agité son linceul sanglant (…). Oui, là est le vrai danger, car il menace l’édifice social, le travail et la liberté (…). C’est à l’œuvre de la défense et de la préservation sociale qu’il faut appeler tous les bons citoyens, tous les vrais libéraux, et ce n’est pas en décrétant le suffrage universel, en donnant le droit de vote aux ignorants et la toute puissance électorale aux imbéciles que l’on fera chose utile pour le pays et le salut public ».
Mais les luttes du mouvement ouvrier se sont déroulées à l’extérieur de la ville, à Seraing ou encore Herstal, et pour faire une visite en racontant cette histoire, il nous faudrait un bus… Pour l’année prochaine ?
BBQ dans notre local remis à neuf
Après la visite, histoire de reprendre des forces après une longue marche, un barbecue était organisé à notre local, repeint et rénové. Cela nous permet de maintenant avoir sur Liège un centre qui dispose d’une petite salle de réunion, d’un bureau spécifiquement réservé à l’organisation, d’une réserve, etc. Tout comme la visite, c’était l’occasion de récolter un peu de soutien pour notre fonds de lutte, afin de pouvoir payer les tracts, affiches, etc. qui nous permettent de poursuivre nos activités. Les discussions sont allées bon train et chacun garde un souvenir très fort de cette soirée agréable… en attendant de poursuivre ces discussions et de participer activement aux actions de notre parti!