Economiser jusqu’au moment où les universités ne sauront plus garder la tête hors de l’eau?

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[VU DE FLANDRE] L’infrastructure de l’enseignement supérieur coûte 123 millions d’euros, le gouvernement en prévoit 28,6.

Cet été il a été révélé que différentes universités flamandes doivent contracter des emprunts pour le maintien de leurs bâtiments. Après des années de manque de moyens, les réserves des universités ont complètement fondu. Le seul moyen de garder la tête hors de l’eau, c’est de faire usage des taux d’intérêt historiquement bas et d’emprunter. Un pis-aller, aucunement une solution à long terme.

Article d’un syndicaliste de l’université de Gand

Les universités de Bruxelles (VUB), Gand et Hasselt ont déjà emprunté pour l’entretien de l’infrastructure. La rénovation et la construction de bâtiments sont nécessaires au vu de la croissance du nombre d’étudiants. Le gouvernement flamand ne prévoit pourtant que 28,6 millions d’euros pour l’infrastructure des universités. En 2011, les cinq universités flamandes avaient besoin de 123 millions d’euros pour leur équipement et leurs bâtiments. Ils reçoivent cinq fois moins.

De plus en plus d’économies

Auparavant, ce fossé était comblé par des transferts de moyens initialement prévus ailleurs. Mais les mesures d’austérité sont passées par là et les universités trouvent de moins en moins de moyens à réallouer. Le gouvernement précédent avait économisé 120 millions d’euros dans l’enseignement supérieur. En deux ans le gouvernement actuel a brisé ce record : 50 millions en 2015 et 80 millions en 2016 (avec l’objectif de 400 millions en tout pour 2019). C’est prometteur pour le budget 2017 qui sera décidé cet automne. Les responsables des universités et hautes écoles continuent à espérer que les économies s’arrêtent. Entretemps, les emprunts servent à limiter la casse.

La ministre de l’enseignement Hilde Crevits (CD&V) continue à nier le problème : ‘‘Les budgets des universités sont encore en équilibre, donc il n’y a pas de problème’’, a-t-elle affirmé après la discussion sur le budget régional en 2015. Le 18 mars 2016, les syndicats de l’enseignement supérieur flamand ont mené une action contre l’austérité. La ministre disait : ‘‘Je fais de mon mieux, mais nous vivons dans une période d’austérité.’’ Les efforts de la ‘‘ministre qui faisait de son mieux’’ livraient leur résultat un mois plus tard : des 130 millions d’euros économisés en deux ans, le gouvernement a rendu 2,5 millions d’euros. La ministre parlait de ‘‘revenir sur les économies’’. Elle pense vraiment que nous allons avaler cela ?

Emprunts et moyens privés ne sont pas de solutions à long terme

Il y a quand même au moins un ‘fou’ qui s’est fait tromper par le ministre: le recteur de l’université d’Anvers Alain Verschoren. Pendant que les autres recteurs ont expliqué la situation financière difficile de leur université pour expliquer qu’ils doivent faire des emprunts pour l’infrastructure, le recteur Verschoren déclarait que les moyens prévus par le gouvernement sont suffisants et que les universités doivent aller chercher des moyens privés. Est-ce que le recteur Anversois se réjouit déjà tellement de la fin de son mandat qu’il ne se soucie plus de ce que vit le personnel de son université ? N’est-il pas au courant de l’augmentation de la charge de travail, des conditions de travail toujours plus flexibles et de l’insuffisance de l’infrastructure ? Est-il aveugle aux chiffres ?

Entre 1995 et 2000, le nombre d’étudiants est passé de 146.344 à 207.954, soit une augmentation de 42%. Au cours de la même période, le nombre d’employés avec des tâches d’enseignement (donc sans les chercheurs) est passé de 12.413 à 12.390. Le nombre de nouveaux doctorats à des universités Flamands a augmenté entre 1995 et 2012 de 600 à 1.650 par an, le nombre de publications a triplé entre 1992 et 2009. Entretemps, le gouvernement a continué à faire des économies. Pendant les élections pour un nouveau recteur à Anvers, le poulain de Verschoren, son vice-recteur Meeusen, a perdu d’une façon surprenante face à son challenger Herman Van Goethem. Un signe que la vision de Verschoren sur l’austérité n’était pas très populaire parmi le personnel et les étudiants ?

Il nous faut une position nuancée sur la question des emprunts et des moyens de financement privés. Les économies de ce gouvernement imposent un lourd fardeau sur l’avenir de l’enseignement supérieur. En empruntant maintenant, les universités peuvent remettre les plus grands problèmes à dans quelques années. Sans les emprunts, il sera impossible de faire les investissements urgents et nécessaires. Il faut tenir compte de ce dilemme.

Mais en même temps, il faut souligner que les emprunts ne sont pas une solution à long terme. Dans les années à venir, les emprunts devront être remboursés. A moyen terme, les universités risquent de ne plus avoir assez de moyens pour payer les échéances et faire de nouveaux investissements qui seront nécessaires. Sans refinancement public, les universités seront obligées de prendre des mesures d’austérité sans issue dans l’enseignement supérieur. Les problèmes actuels de la charge de travail, l’insuffisance de l’infrastructure et les hausses des minervaux ne vont faire que s’aggraver d’une façon drastique.

Déjà organiser la résistance

Les syndicats dans l’enseignement supérieur et un nombre d’organisations étudiantes comme les Etudiants de Gauche Actifs (EGA) commencent déjà à préparer la résistance. Ces dernières années, nous avons vu des actions contre l’augmentation du minerval. EGA a organisé des actions de lycéens à Gand. Toute une génération de lycéens a eu une expérience importante de résistance et de lutte contre l’austérité. Ils vont profiter de cette expérience dans les luttes à venir.

Au début de l’année scolaire en 2015, les syndicats ont mené des actions. Ils avaient fait le bilan de la performance de l’enseignement supérieur et des moyens financiers prévus par le gouvernement flamand. L’enseignement peut présenter des chiffres de croissance spectaculaires, tant en nombre d’étudiants qu’en résultats de recherche. Toutefois, le financement public a continué de baisser. Le gouvernement reste en défaut sur ses propres engagements de 2000 avec les accords de Lisbonne. Ces accords stipulaient que le nombre d’étudiants devrait augmenter et que les résultats de la recherche devraient croître. Le personnel dans l’enseignement a fait sa part. Le gouvernement avait promis de passer à 2% du Produit Régional Brut pour l’enseignement supérieur. Pour 2015, cela signifiait une augmentation du budget de l’actuel 1,7 milliards d’euro à 3,8 milliards ! Ces chiffres montrent le sous-financement de l’enseignement supérieur.

Il faut donc continuer la lutte : nous devons organiser les étudiants et les membres du personnel contre l’austérité. Nous ne pouvons pas compter sur le bon esprit des gouvernements, il faut lutter. Des moyens, il y en a, l’austérité n’est qu’une expression de la réticence politique pour chercher des financements chez les multinationales, les spéculateurs ou les très riches au lieu de faire payer les travailleurs et leurs familles. Luttons pour utiliser les moyens pour les besoins réels de la société : enseignement et recherche de qualité, mais aussi des transports publics, des soins de santé, le logement,… En bref : une vie décente pour tout le monde.

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