Caterpillar: occupation, mobilisation et extension du combat pour la nationalisation

caterpillar_travailleursPour la nationalisation sous le contrôle des travailleurs

«Vous pouvez déposer tous les amendements que vous voulez, si vous pensez que ce qui se passe aujourd’hui, c’est parce que le système se trompe… Le système capitaliste ne se trompe jamais. Lui, il a toujours continué son histoire. Nous, nous avons abandonné la nôtre, parce que le capitalisme nous a fait peur des dérives qu’il y a eu. Et puis dire que la classe des travailleurs et les citoyens n’ont plus besoin d’avant-garde, je n’ai jamais entendu quelque chose d’aussi grave. L’avant-garde, c’est les gens qui se mobilisent, pour lesquels les sentiments vont plus loin, c’est des gens qui travaillent, qui étudient, c’est les gens qui titillent la classe ouvrière, ils sont nécessaires, parce que si on pense que les travailleurs vont tous se réveiller en une fois, on va attendre encore longtemps.» (Roberto D’Orazio lors de la lutte des travailleurs contre la fermeture des Forges de Clabecq)

Tract du PSL // Tract en version PDF

C’était il y a vingt ans. Mais D’Orazio exprime ici ce que beaucoup d’entre nous savent très bien : les patrons de Caterpillar ne se trompent pas. Ils continuent juste leur histoire. Le temps où les fermetures et les restructurations s’expliquaient par les pertes, c’est du passé. Ça date de l’époque où les capitalistes devaient encore faire face à un mouvement des travailleurs capable d’imposer des limites, de réguler le système, de dompter les capitalistes.

Nous vivons aujourd’hui dans un monde globalisé où les intérêts financiers passent loin devant le besoin de marchandises. Où les gouvernements sont en pleine compétition fiscale et instaurent une pression sur les salaires et les conditions de travail. Où des multinationales, comme Caterpillar, réduisent la capacité de production suivant la loi du marché. Diminuer l’offre, ça permet de gonfler les prix et de réaliser plus de profits en dépit d’une baisse du chiffre d’affaires. Et elles le font en premier lieu là où elles ont le moins besoin de cette capacité tout en espérant rencontrer peu de résistance.

Chaque bouclier est le bienvenu, mais ce ne n’est ni avec des amendements, ni avec des lois Renault, Imbev, Ford ou Caterpillar que l’on arrête les multinationales. Ce ne sera pas non plus avec une unité nationale autour d’un gouvernement qui refuse de récupérer 940 millions d’Euros d’impôts non payés par les multinationales et pourtant jugés injustes et illégaux par la Commission européenne. Et quand Charles Michel menace d’utiliser tous les moyens juridiques, c’est l’aveu qu’il ne les a pas épuisés auparavant.

Selon Paul Magnette, qui répondait à Olivier Chastel, ‘‘personne ne croit à la réquisition’’. Si elle n’est que ‘‘temporaire’’, pour forcer la direction à rouvrir une ligne de production ou pour trouver un repreneur privé, c’est en effet extrêmement improbable. Mais sa propre proposition visant à contester le raisonnement économique de la direction de Caterpillar pour la faire revenir sur sa décision n’a pas plus de chance d’aboutir. Qu’importe les moyens publics que Magnette espère mobiliser pour l’arroser. Raoul Hedebouw propose un Arrêté royal pour forcer Caterpillar à négocier. Au lieu d’exiger de répartir autrement les quotas de production entre les différents sites, comme Raoul le propose, il faudrait plutôt répartir le travail par une réduction du temps de travail partout et sans perte de salaire.

Mais, pour reprendre l’idée de D’Orazio, renouons surtout avec notre histoire. Comment ? C’est aux travailleurs les plus combattifs de titiller leurs collègues, de proposer l’occupation du site pour en faire le centre névralgique de la lutte pour le maintien de chaque emploi. Comme aux Forges de Clabecq, des assemblées générales régulières permettraient de discuter collectivement d’un plan d’action sérieux et offensif. A Clabecq aussi, des milliers de travailleurs s’étaient mobilisés immédiatement en soutien. La délégation avait complètement exploité ce potentiel. Elle avait invité ces travailleurs à participer aux assemblées des Forges. Elle organisait aussi les plus motivés de ces sympathisants dans des réunions régulières avec la délégation. Elle a ainsi non seulement obtenu leur solidarité, mais aussi leur capacité de mobilisation et d’organisation.

A cette époque, le capitalisme n’avait pas encore subi sa Grande Récession. Des luttes sociales existaient bien, mais pas de l’envergure de l’opposition au gouvernement Michel. La délégation de Clabecq était tout de même parvenue à mobiliser 70.000 travailleurs à sa Marche Multicolore à Tubize et Clabecq. A Caterpillar aussi, Il faudra lier la lutte au combat global contre l’austérité et l’agression patronale. Les travailleurs de Caterpillar pourraient aller rendre visite aux autres entreprises dans la perspective de la grande manifestation syndicale nationale du 29 septembre prochain. Comme le demandent les délégués de la CGSP ALR (Administration Locales et Régionales) Bruxelles dans leur motion de solidarité, les travailleurs de Caterpillar devraient se trouver en tête de cortège le 29 septembre afin d’illustrer la complète solidarité de chaque travailleur du pays.

Au déclenchement de la crise économique, les banques dites systémiques avaient été nationalisées. Et à Gosselies, Caterpillar, ce ne pas systémique peut-être ? Cette fermeture ne menace-t-elle pas toute une communauté ? N’entrainerait-elle pas dans son sillage de nombreux fournisseurs, sous-traitants et indépendants? En 2013, un sondage de La Libre/RTBF avait dévoilé que 43% de la population belge était favorable à la ‘‘nationalisation/régionalisation pour prolonger l’activité’’ (36% en Flandre, 52% à Bruxelles et 53% en Wallonie). Voyons voir quel site fermerait si la direction de Caterpillar savait que quelque part se trouve un gouvernement qui n’accepterait pas que la production finisse aux poubelles. Nous avons du reste déjà suffisamment payé avec les nombreux cadeaux fiscaux que la multinationale a reçus.

Charles Michel ne voulait-il d’ailleurs pas investir dans l’infrastructure ? Les machines sont là pour être saisies. Pendant que nous arrangeons notre infrastructure avec ces machines, Michel peut utiliser la créativité de nos universités pour élaborer un ‘‘projet durable’’ pour une ‘‘fabrique de machines multifonctionnelle’’ comme celle de Gosselies. Il peut imposer à la banque nationalisée Belfius de mobiliser de l’argent frais, au lieu de pousser les épargnants vers le marché des capitaux à risques. Voilà qui serait une ‘‘politique industrielle intégrée’’. La participation et le contrôle démocratique des travailleurs et de la collectivité garantiraient une vision à long terme tout en mettant un frein à la soif de profits rapides de propriétaires qui se fichent de la communauté dans la région touchée.

Allons-nous vraiment attendre jusqu’aux prochaines élections? D’ici là, une bonne partie des indemnités de départ des travailleurs de Caterpillar aura été écumée par le gouvernement. Depuis la fin 2013, une prime de départ n’est plus cumulable avec le chômage et les autorités fiscales savent où nous trouver. Au lieu d’apporter un grand changement, le fatalisme de gauche pourrait contribuer à la victoire de la droite. L’occupation, la mobilisation et l’extension du combat pour l’emploi, voilà qui changerait les relations de forces.

Le PSL ne nie pas l’importance des élections, mais elles sont indissociables de la lutte sociale. Cette dernière ne permet pas toujours d’attendre la date d’une prochaine élection. Le mouvement syndical a besoin d’un parti de lutte. C’est ce que beaucoup espèrent que Corbyn fera du parti travailliste en Grande-Bretagne, ce que beaucoup de Grecs espéraient que Tsipras fasse de Syriza, ce que bon nombre d’électeurs de Bernie Sanders espéraient qu’il ferait aux États-Unis et ce que beaucoup d’Espagnols attendent de Podemos. Le PSL réitère son invitation à toute la gauche radicale, au PTB en premier lieu, pour réfléchir ensemble à la manière de garantir l’existence d’un parti de lutte offrant plus que ‘‘votez pour moi la prochaine fois’’. Vous voulez renforcer cette idée et soutenir notre programme? Rejoignez le PSL.

MANIFESTATION pour l’emploi et en solidarité avec les travailleurs de CATERPILLAR ce vendredi 16 septembre à 10h à Charleroi.

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