France: L’interdiction du burkini alimente l’islamophobie

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Pour l’unité des travailleurs contre le racisme, la division et l’austérité

La décision d’une trentaine de maires du Sud de la France d’interdire des plages le port de maillots de bain ‘burkini’, au motif fallacieux «d’incitation au terrorisme» et de «menace sur la sécurité publique» a suscité l’indignation internationale. En dépit d’une décision judiciaire rejetant cette interdiction anticonstitutionnelle, les maires en question affirment vouloir poursuivre sur cette voie. La question est devenue le centre d’un jeu dégoûtant en contrecoup des récents attentats terroristes en France.

Par Judy Beishon, article tire de The Socialist (hebdomadaire du Socialist Party, section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles)

Le maire de Cannes, David Lisnard, a été le premier à émettre une interdiction temporaire du port du burkini sur la plage en août. Plus de 20 autres maires ont par la suite émis des interdictions semblables. Les décrets ont été formulés contre les «maillots de bain montrant l’appartenance religieuse» mais les burkinis – un maillot de bain couvrant la majeure partie du corps – étaient clairement ciblés. Pour David Lisnar, il s’agit d’un «symbole de l’extrémisme islamique» qui «risquerait de perturber l’ordre public tandis que la France a été la cible d’attaques terroristes.»

Très peu de burkinis sont portés sur les plages françaises. Ces édits et les interventions policières ultérieures représentent une offensive propagandiste motivée de manière flagrante contre les musulmanes qui se rendent à la plage pour se détendre.

Ces interdictions draconiennes sont venues de maires des deux principaux partis politiques pro-capitalistes français – Les Républicains (LR, droit officielle) et quelques-uns du Parti soi-disant «socialiste» du président François Hollande – et servent de moyen de diversion face à la complète absence de véritable solution de ces politiciens quant à la prévention du terrorisme ou à la manière de remettre sur ses rails l’économie française en déclin.

Les ministres du gouvernement ont adoptés des positions divergentes sur les événements. Le Premier ministre Manuel Valls a été parmi les partisans des interdictions, exacerbant ainsi les divisions au sein de son parti, alors que la ministre de l’éducation Najat Vallaud-Belkacem a sèchement souligné: « Rien n’établit de lien entre terrorisme, Daech, et tenue d’une femme sur une plage. »

Le Conseil d’Etat, peut-être inquiété par l’incrédulité et les condamnations qui s’élevaient sur la scène internationale, s’est prononcé, vendredi 26 août, contre l’arrêté «anti-burkini» de Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes). Un certain nombre de maires de droite ont promis de maintenir leurs interdictions en dépit de cette décision, et le maire de Villeneuve-Loubet, Lionnel Luca (membre de l’Assemblée Nationale, LR) a clairement indiqué qu’il continuera d’utiliser la question, attisant ainsi le racisme et la division. Il a déclaré que la décision du Conseil d’Etat stimulerait «l’Islamisation rampante» et que «loin de calmer les choses, cette décision ne peut qu’accroître les passions et les tensions, avec le risque de problèmes que nous voulions éviter.»

Ce sont les paroles et les actes de ces hommes politiques pro-capitalistes favorables à l’interdiction du burkini qui exacerbent les tensions. En stigmatisant tous les musulmans, ils créent un climat qui verra l’augmentation de l’aliénation des jeunes musulmans ainsi qu’un plus grand nombre d’agressions racistes, physiques et autres, sur les musulmans. Loin de réduire l’influence de la très petite minorité de djihadistes, ils leur donnent de cette manière une manière de se présenter comme les défenseurs des droits des musulmanes condamnées à une amende pour ce qu’elles portent.

L’interdiction des burkinis est en outre susceptible d’augmenter leur utilisation. Combien de personnes avaient d’ailleurs entendu parler d’un burkini ou en avait vu un seul avant que ces maires ne lancent leurs attaques? Aujourd’hui, les initiateurs australiens de ces burkinis déclarent que leurs ventes ont augmenté. Après l’imposition de l’interdiction du port du voile intégral sur les lieux publics en 2011 par l’ancien président Nicolas Sarkozy, diverses estimations ont indiqué une augmentation du nombre de femmes qui y avaient recours tandis qu’un nombre incalculable peut avoir cessé de quitter leurs maisons. Maintenant, nombreuses sont celles qui se voient interdire de se rendre à la plage.

La position scandaleuse et polarisatrice de Lionnel Luca, député-maire LR de Villeneuve-Loubet, et d’autres qui ont pataugé dans cette question, a sans doute été motivée dans la perspective des élections présidentielles et législatives de 2017 afin d’instrumentaliser la peur de la mondialisation, de l’immigration et du terrorisme à des fins électorales. Le meilleur exemple est à ce titre celui de Nicolas Sarkozy qui veut être réélu président l’année prochaine et qui tente de prendre des voix au Front National de Marine Le Pen en soutenant pleinement les interdictions de burkinis.

Sarkozy a fortement soutenu les interdictions, qualifiant le burkini de «provocation d’un islam politique qui teste la résistance de la démocratie.» Il s’est aussi déclaré désireux d’étendre les interdictions au niveau national et également d’élargir cette interdiction au port du voile «à l’école, à l’université, dans les services publics, les entreprises. »

Les droits des femmes

Mis à part les questions «d’ordre public» et de lutte contre le terrorisme (en passant par la fausse question de l’hygiène publique qui a même été soulevée!), le respect des droits des femmes et la promotion de la laïcité ont été des prétextes majeurs derrières ces interdictions du burkini. Certains partisans des interdictions – surtout à « gauche » – ont justifié leur position en raison de ces deux questions, en reconnaissant que les codes vestimentaires impliquant le recouvrement des corps des femmes peuvent constituer un symbole de contrôle des femmes par les hommes. Certes, aucune femme ne devrait être forcée à porter (ou non) un vêtement contre son gré, que ce soit pour des raisons religieuses ou morales, dans tous les pays du monde.

Mais les lois destinées à les découvrir ou les couvrir ne vont pas aider la lutte pour l’obtention de ce droit fondamental; elles favorisent plutôt la division tout en limitant le droit de chaque femme de décider elle-même de ce qu’elle veut porter ou non. Le sécularisme des institutions publiques doit être défendu, tout comme le droit de tout individu de pratiquer une religion et de revêtir ce qu’il choisit aussi longtemps qu’il ne cherche pas à imposer ses croyances à quelqu’un d’autre.

Les femmes ne portent pas le voile ou le burkini uniquement pour des raisons religieuses. Pour certaines, il s’agit de tradition, de culture ou d’identité ; pour éviter les regards sur leur corps ou tout simplement pour protéger leur peau du soleil. Pour d’autres, il s’agit de montrer leur opposition au racisme ou aux guerres impérialistes qui ont tué des centaines de milliers de musulmans.

Le fait que les politiciens capitalistes favorables à l’interdiction du burkini ne puisent en réalité pas leurs motivations dans la défense des droits des femmes est illustré par leur soutien aux mesures d’austérité sauvages (contre les pensions, les emplois, les conditions de travail,…) qui frappent les femmes avec encore plus d’impact.

L’axe central de l’amélioration considérable de la vie des musulmanes de même que de toutes les femmes de la classe des travailleurs et de la classe moyenne passe par le rejet de l’austérité et l’instauration d’un programme de création d’emplois décents avec égalité salariale, d’augmentation des allocations sociales, de construction de logements sociaux véritablement abordables ou encore de crèches gratuites.

La répression d’État

Après le terrible massacre de 86 personnes à Nice le 14 juillet lorsqu’une personne à bord d’un camion est passée dans la foule, le gouvernement français a prolongé l’état d’urgence introduit après les attentats terroristes de Paris l’année dernière. Cela ne va pas empêcher que de nouvelles atrocités soient commises, comme l’a illustré une semaine plus tard l’assassinat brutal revendiqué par l’Etat Islamique d’un prêtre catholique dans une église près de Rouen. L’extension des pouvoirs de la police et le déploiement de milliers de soldats dans les rues ne sont qu’une manière pour le gouvernement de montrer qu’il fait quelque chose. La tentative est bien vaine comme en témoigne le très faible taux de popularité de François Hollande.

Les mesures répressives exceptionnelles ont un but spécifique pour gouvernement : elles peuvent être utilisées – et l’ont été – contre les manifestants opposés aux politiques gouvernementales. Des protestations écologistes ont fait face à des restrictions, de même que certains participants aux mouvements de masse de cette année contre la «Loi Travail».

Ce mouvement a impliqué des millions de travailleurs des secteurs public et privé dans un cycle d’actions et de manifestations contre une loi qui ouvre la porte à de plus longs horaires, à moins de sécurité d’emploi et à d’autres mesures qui équivalent à une charte pro-patronale au détriment des travailleurs. Ce mouvement comprenait les blocus des raffineries de pétrole; des grèves dans les chemins de fer, dans les centrales nucléaires et ailleurs ainsi que la participation de la jeunesse des écoles secondaires et des universités ou encore les débats des rassemblements « Nuit Debout » dans les centres villes. Parallèlement, des centaines de grèves ont éclaté sur d’autres questions: le salaire ou les conditions de travail chez les contrôleurs de la circulation aérienne, les pilotes et d’autres travailleurs.

C’est par le développement de tels mouvements de masse unitaires des travailleurs, au côté d’une réelle représentation politique des travailleurs,  qu’il sera possible de combattre les partisans du terrorisme et les conditions qui leur ont permis de se développer que ce soit au Moyen-Orient, en France ou ailleurs.

Les dévastations en Irak et en Afghanistan pendant et après les brutales occupations impérialistes occidentales ont créé le terreau de l’escalade terroriste. Ajoutons à cette image catastrophique – et à  la guerre en Syrie et aux interventions militaires françaises en Afrique – la discrimination et la pauvreté subie par de nombreux musulmans et d’autres sections de la classe ouvrière en France et alors prend forme le contexte sous-jacent aux atrocités terroristes en France. L’extrême droite et le terrorisme se nourrissent du mécontentement, de la colère, du désespoir, des inégalités, des discriminations et de la pauvreté.

L’Islam politique de droite, qui prend la forme d’organisations telles que l’Etat Islamique, doit être fortement combattu, à la fois à cause des atrocités commises ainsi qu’en raison de leur idéologie réactionnaire profondément contraire aux intérêts de la classe ouvrière et de l’égalité des femmes.

Une écrasante majorité des musulmans condamnent le terrorisme. Ils représentent d’ailleurs la majorité des victimes de celui-ci à travers le monde. Même à Nice, environ un tiers des personnes fauchées par le chauffeur de camion étaient musulmanes.

Un dixième de la population active en France est au chômage, environ 17% de ceux issus de l’immigration et encore plus parmi la jeunesse. la croissance économique fut de zéro en France dans le trimestre avril-juin de cette année, ce qui illustre la maladie du capitalisme français – comme du système capitaliste à travers le monde.

La réponse ne réside pas dans des mesures qui s’apparentent à des écrans de fumée de l’Etat aggravant le racisme et la division, mais chez les travailleurs unis dans l’action en posant jeter les bases de la construction du nouveau parti pour et par les travailleurs, authentiquement socialiste, propre à lutter contre le racisme, le sexisme et toute l’austérité.

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