De nouveau la crise sur BHV

Un point de vue marxiste

Presque un an après les élections, la population continue à regarder avec stupeur le vaudeville politique. Dans une période où de plus en plus de gens peinent à maintenir leur niveau de vie, la bagarre autour de BHV est repartie de plus belle.

Anja Deschoemacker

Pourquoi le district électoral de Bruxelles-Hal-Vilvorde fait-il ainsi flamber les émotions ? C’est un dossier symbolique dans lequel les « grands principes nationalistes » jouent à fond. Mais c’est aussi une question bien concrète où tout changement de structure aura des conséquences pratiques et une question très « technique » parce que le statut particulier de BHV est devenu une exception depuis l’introduction des districts électoraux provinciaux.

L’excitation actuelle trouve son origine dans la défaite électorale historique du CVP en 1999. Le parti gouvernemental par excellence a du devenir un parti d’opposition, mais avec un espace très réduit pour le faire. Il ne pouvait en effet pas vraiment s’opposer à la politique néolibérale du gouvernement violet (sauf pour dire qu’elle n’allait pas assez loin). Il a donc essayé, comme il l’avait fait plusieurs fois par le passé, d’aller puiser dans sa réserve électorale nationaliste flamande en aiguisant ses revendications communautaires et en concluant un cartel avec la N-VA.

De l’autre coté de la frontière linguistique, le carrousel de BHV se déroule au milieu d’une lutte pour le pouvoir entre le PS et le MR. La scission de BHV ne ferait pas seulement perdre un gros paquet de votes au MR mais provoquerait aussi des problèmes internes avec le FDF. Quant au PS, s’il embraye aussi sur la question communautaire, c’est parce que sa crédibilité sur le plan social est fortement minée après 20 années de participation dans des gouvernements néolibéraux.

Des deux côtés de la frontière linguistiques, les partis se sont englués dans la surenchère communautaire. Celui qui apparaîtra comme trop indulgent sera décrit par les autres comme « traitre » à la propre communauté linguistique. Mais celui qui plongera à nouveau le pays dans le chaos en provoquant des élections anticipées à cause d’une rigidité exagérée devra aussi payer un prix électoral pour cela, tellement la population en a marre, et cela partout dans le pays.

Il y a des problèmes à Bruxelles-Hal-Vilvorde, comme les prix exorbitants du logement, les difficultés qu’ont les minorités pour avoir accès à des services dans leur propre langue, les harcèlements mutuels,… Mais ni la scission de BHV (l’option des partis flamands) ni l’élargissement de Bruxelles (celle des partis francophones) ne résoudront ces problèmes. Aucune mesure institutionnelle ne rendra plus abordable le coût du logement dans la périphérie bruxelloise – seul un développement massif du logement social pourrait y parvenir. Mais entretemps, les faits accomplis et les provocations verbales s’accumulent. La seule manière d’arrêter ce cercle devenu vicieux est de mener la lutte pour des droits bien définis pour tous les travailleurs et leurs familles, à commencer par le droit de travailler et d’avoir accès aux services publics dans sa propre langue.

Le seul groupe dans la population qui pourrait résoudre ce problème – parce qu’il ne veut pas soumettre la majorité de la population à des intérêts minoritaires et n’a donc pas d’intérêt à la diviser – est la classe des travailleurs, la grande majorité de la population en Belgique qui travaille ou qui vit d’une allocation.

Mais cette classe ne peut faire jouer à plein sa force afin de conquérir un progrès social que quand elle est unifiée. C’est pourquoi les travailleurs flamands doivent s’opposer aux politiciens flamands nationalistes qui prétendent parler en leur nom. C’est pourquoi aussi les travailleurs francophones ne doivent pas identifier les travailleurs flamands avec les politiciens et des organisations patronales flamandes comme le VOKA ou l’UNIZO.

La raison fondamentale pour laquelle tous les partis considèrent la moindre question de façon communautaire est qu’aucun parti ne défend les intérêts de l’ensemble du mouvement ouvrier et que ces partis ont, au contraire, tout intérêt à pouvoir diviser la population travailleuse. Et c’est encore plus vrai aujourd’hui qu’hier, alors que la crise économique qui commence va conduire inévitablement à de nouvelles attaques contre la population.

Les syndicats jouent un rôle important en défendant l’unité de la concertation sociale, de la sécurité sociale et de la politique du marché d’emploi. Mais pour élaborer un vrai point de vue représentant les intérêts de notre classe, un parti des travailleurs est nécessaire, au sein duquel un point de vue indépendant et uni du mouvement ouvrier pourra être élaboré de façon démocratique.


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