Appel commun du CDF, MAS, PTB et RWF: Un engagement commun pour les libertés politiques et la démocratie

Face aux multiples obstacles dressés par le pouvoir à l’égard des petites listes lors de la campagne électorale, le CDF, le MAS, le PTB+ et le RWF ont tenu une conférence de presse et ont exposé une série de revendications pour modifier la législation électorale et d’autres mesures pour garantir plus de droits démocratiques. Ces propositions portent sur:

– la récolte de signatures de parrainage,

– le dépôt des listes de candidats et les possibilités de recours,

– le tirage au sort des numéros de liste,

– l’accès aux médias de service public,

– les subsides sur base des voix obtenues,

– le seuil électoral de 5%,

– la publication de textes légaux à le dernière minute.

Cette démarche commune est assez exceptionnelle dans la mesure où elle émane de formations politiques démocratiques aux programmes forts différents, voire antagonistes. Elle s’explique par l’acharnement avec lequel les partis traditionnels (MR, PS, CDH, Ecolo) entendent réduire au silence toute voix de l’opposition.

29-05-2004

Partageant une expérience politique qui, dans le respect de nos divergences respectives, nous confronte à un ensemble de verrous et d’obstacles légaux, et en particulier ceux que nous avons rencontré à la mi-avril, à Namur, lors de la présentation de nos listes européennes auprès du Bureau principal de collège,

Estimant que ceux-ci nous mettent en situation discriminatoire par rapport aux partis en place,

Considérant que la démocratie ne peut survivre sans l.apport d’initiatives et d’idées neuves et qu’il importe de mobiliser l’opinion publique sur le strict respect des principes de liberté et d’égalité dans l’exercice des droits politiques et électoraux, aujourd’hui altérés et donc menacés,

Nous, représentants de quatre formations démocratiques, lançons un appel commun pour la défense des libertés politiques.

Cet appel sera adressé aux Présidents des Assemblées législatives, au Premier Ministre, au Ministre de l’Intérieur, et aux Ministres-Présidents des gouvernements régionaux et communautaires.

Il sera communiqué à la presse.

Propositions en vue de modifier la législation électorale et autres mesures à prendre pour garantir l’égalité des droits.

1. Récolte de signatures d’électeurs en vue de la présentation de listes

S’il n’est pas anormal qu’un nouveau parti soit obligé d’être soutenu par un certain nombre de citoyens pour pouvoir présenter des listes aux élections, cette règle doit cependant se concevoir en fonction de sa finalité, et non en vue d’étouffer indirectement les nouvelles initiatives crédibles et nécessaires au débat d’idées. L’objectif ne devrait en effet pas être la neutralisation de toute concurrence potentielle pour les partis en place. Dans cette optique, il n’y a aucun sens à demander cette récolte de signatures de manière répétitive, d’une année à l’autre, à des partis ou mouvements politiques qui se sont déjà soumis à cette obligation.

Proposition : modifier la législation électorale de telle sorte que cinq mille signatures d’électeurs soient requises pour la présentation de listes et réputées valables pour un terme de cinq années consécutives.

2. Absence de recours

Il est inadmissible que les bureaux électoraux aient compétence pour prendre unilatéralement, et hors de toute possibilité de recours (autre que portant sur la seule éligibilité des candidats), la décision d’accepter ou de refuser une liste. Une telle décision engage en effet un droit politique fondamental.

Proposition : prévoir dans la législation une possibilité d’appel dans les trois jours contre les décisions de refus de listes prises par les bureaux électoraux. Ce recours devrait pouvoir être introduit auprès de la Cour d’appel du ressort concerné et être traité avant le tirage au sort des numéros de listes.

3. Présentation des listes par des électeurs signataires

Non interférence dans leur composition et véritable signification.

Discrimination en matière de délais.

Les avatars rencontrés lors du dépôt de nos listes européennes sont révélateurs. Le Bureau principal de collège de Namur a reconnu lui-même que la législation électorale était peu claire, mais a avalisé une interprétation restrictive, et selon nous tendancieuse, en vertu de laquelle les électeurs signataires devaient avoir connaissance de la composition complète de la liste avant d’en signer la présentation et la liste devrait, le cas échéant, en apporter les preuves. Cette interprétation crée un nouvel obstacle et n’a aucun sens. Les électeurs ne comprennent d’ailleurs nullement que leur signature implique une quelconque approbation de leur part sur la composition même de la liste. Ce qu’ils comprennent par contre, c’est qu’il leur est demandé de marquer accord pour que tel ou tel parti ou mouvement politique puisse présenter une liste aux élections, sachant que leur signature n’emporte aucun adhésion personnelle à ce parti ou mouvement. En outre, cette interprétation contraire au sens commun crée une discrimination entre les partis représentés au Parlement et ceux qui ne le sont pas. Pour ceux-ci, en effet, les listes doivent être complètes un ou deux mois avant les autres, sans pouvoir être sujettes à aucune modification. De facto, les délais pour la composition des listes ne sont pas les mêmes pour les uns et pour les autres. Il s’agit d’une discrimination de plus.

Proposition : modifier la législation, et plus particulièrement l’article 21 de la loi du 23 mars 1989, en précisant clairement que les électeurs signataires ne présentent pas eux-mêmes une liste, mais marquent accord pour que tel ou tel parti ou mouvement politique puisse présenter une liste aux électeurs.

4. Système hybride de tirage au sort des numéros de listes

D’une circulaire de l’Intérieur, émise le 12 avril de cette année, il ressortait qu’à la différence des partis en place dont le numéro national attribué vaut pour toutes les listes, européenne et régionales, les autres partis devaient faire l’objet d’un tirage au sort séparé par arrondissement électoral. Cette règle, différente de celle de l’an dernier où les numéros des listes Sénat avaient été systématiquement étendus aux listes Chambre, ne se justifiait nullement pour les partis qui présentent des listes aussi bien à l’Europe que dans les différentes circonscriptions régionales. Elle crée une confusion et une discrimination supplémentaire, et inutilement vexatoire, sans compter les coûts additionnels qui en résultent pour les tracts et affiches affublés de numéros différents selon les circonscriptions électorales (14 circonscriptions francophones). Heureusement, sur notre insistance, les numéros européens ont été étendus aux listes régionales en Wallonie par des bureaux électoraux qui se sont montrés compréhensifs et cohérents.

Tel ne fut cependant pas le cas à Bruxelles où le bureau s.est réfugié derrière des motifs de forme.

Par ailleurs, rien ne justifie que le tirage au sort des numéros pour les partis représentés dans les assemblées se fasse avant le dépôt de leurs listes, et celui des autres listes après.

Proposition : effectuer un premier tirage au sort des numéros, commun aux listes représentées dans les assemblées et aux listes qui ne sont pas représentées, mais qui sont présentes dans toutes les circonscriptions. Effectuer un second tirage pour les listes qui ne sont pas présentes partout. Les numéros attribués lors du premier tirage seraient les mêmes pour tous les scrutins (par exemple Chambre et Sénat, Europe et Régions).

5. Accès inégal aux médias de service public

Ces médias sont financés par les contribuables. Il serait donc souhaitable qu’ils tiennent compte de l’ensemble des opinions publiques et politiques, majoritaires ou minoritaires, qui s’expriment dans le champ démocratique. Dans cette optique, l’ensemble des partis qui présentent des listes partout, qu’ils soient ou non représentés dans les assemblées, devraient pouvoir y accéder. La RTBF a récemment décidé d’accorder un tribune électorale de deux minutes aux « petits » partis qui en feraient la demande, mais au prix de 2 500 euros (lorsque la RTBF elle-même réalise la tribune). Ce montant est exorbitant pour ces partis qui, rappelons-le, n’émargent à aucun subside public. En outre, le temps d’antenne accordé (deux minutes) est très court, trop court si l’on prend en considération le temps offert aux partis en place, dans le cadre non seulement de tribunes électorales, mais aussi des nombreux débats auxquels ils sont seuls à être invités. Or, on sait que plus de 60 % des électeurs reconnaissent avoir été influencés dans leurs choix tout particulièrement par les médias audio-visuels. Les temps d’antenne accordés ne respectent même pas le rapport des voix obtenues lors des scrutins antérieurs.

Proposition : prévoir un dispositif strictement respectueux de l’égalité de traitement (non dépendant du nombre de voix obtenues lors du scrutin antérieur, et qu’il y ait ou non des élus sortants) pour l’octroi des tribunes politiques et électorales, de même que la gratuité de la production par les médias de service public.

6. Discrimination financière

Depuis quelques années, les partis représentés à la Chambre ou au Sénat bénéficient de subsides de l’État. Ces subsides sont accordés annuellement, sur base à la fois d’un forfait et du nombre de voix obtenues. Ils portent sur plusieurs millions d’euros et sont donc loin d’être négligeables. Ils permettent de couvrir les frais d’implantation (immeuble occupé) et de fonctionnement (salaires du personnel rémunéré, services d’études, secrétariat, réseau d’ordinateurs, mobilier de bureau, photocopieuses, téléphone…) du parti concerné. Par ailleurs, lors de chaque élection, ces mêmes partis perçoivent une enveloppe spéciale additionnelle destinée à les indemniser des frais engagés dans la campagne électorale. Ceci, sans compter les interventions financières de chaque assemblée parlementaire au profit des groupes politiques qui y sont représentés. Et tout ceci est payé par l’argent du contribuable, qu’il soit ou non électeur de ces partis en place. A l’inverse, les formations politiques non représentées ne bénéficient d’aucune subsidiation. Cette situation discriminatoire ne se justifie pas lorsque ces formations ont obtenu des voix lors de scrutins antérieurs. Elle aggrave leur handicap relatif, dans la mesure où ces formations politiques ne peuvent s’appuyer sur aucune infrastructure, sur aucune personne rémunérée, sur aucun secrétariat, service d’études, etc. devant supporter tous leurs frais sur leurs seuls membres cotisants.

7. Seuil d éligibilité de 5 %

Même si d’autres pays l’ont adopté, le seuil d’éligibilité est une entorse manifeste au principe de la proportionnalité et une mesure dont l’effet vise à décourager les initiatives nouvelles dans le champ démocratique. Or, une démocratie a besoin de renouvellement, de débats d’idées et d’opinions, de diversité et de changement. Pour la Région de Bruxelles-Capitale, la conséquence de ce seuil sera que là où il fallait 6 000 voix pour obtenir un élu, il en faudra dorénavant près de 20 000. Le seuil d’éligibilité vise surtout à consolider les partis en place et à leur éviter toute concurrence sur les marges.

Proposition : abolir le seuil d’éligibilité, anti-démocratique et discriminatoire.

8. Circulaires tardives

La règle des 5 % a été adoptée trois mois avant les élections, alors qu’une directive européenne exige que la législation électorale ne soit pas modifiée dans l’année même des élections. Par ailleurs, l’arrêté royal et les circulaires pour l’organisation des élections du 13 juin ont été pris et publiés à la mi-avril ! Soit quelques jours seulement avant le dépôt des listes ! Cette manière de procéder n’est pas acceptable.

Proposition : exiger que l’ensemble des dispositions électorales soient définitivement arrêtées au moins six mois avant le jour du scrutin.

Bruxelles, le 27 mai 2004

Benoît Veldekens (CDF)

Guy Van Sinoy (MAS)

David Pestieau (PTB+)

Paul-Henry Gendebien (RWF)

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