6,57 euros de l’heure: l’esclave légal, ça existe en Belgique

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Le parc d’attractions Plopsaland De Panne est propriété de Studio 100, une entreprise belge (loin d’être dans le besoin) qui produit des émissions de télévision pour la jeunesse et possède cinq parcs d’attractions ainsi que des groupes de musique. Un de ses managers a récemment quitté le navire avec plusieurs millions. D’où provient tout cet argent ? Aucun mystère, cela découle directement de la stratégie commerciale de l’entreprise liée à des salaires très bas pour le personnel. Plopsaland De Panne recourt ainsi à des étudiants jobistes payés aux minimums légaux. Pour un étudiant de 16 ans, il s’agit de 6,57 euros de l’heure. Un porte-parole de Plopsaland s’est récemment vanté que l’entreprise était flexible au point de permettre à ses jobistes de se rendre aux festivals qu’ils souhaitent. Il aurait pu rajouter : «Vous devez travailler tout un mois pour vous payer le billet d’entrée d’un festival.»

Les salaires des étudiants jobistes diffèrent beaucoup. Dans l’horeca et les parcs d’attractions, ils sont très faibles : 6.57 euros de l’heure à 16 ans ; 7,07 euros de l’heure à 17 ans et 9,30 euros de l’heure pour les plus de 18 ans. Selon l’entreprise spécialisée dans l’intérim Manpower, la moyenne est de 10,46 euros de l’heure. Cette estimation ne tient naturellement pas compte du travail non déclaré, parfois encore moins bien payé que le salaire minimum. Pour les étudiants, cela représente peu, mais encore moins pour les employeurs puisque la contribution à la sécurité sociale est minimale. Le salaire brut et le net sont à peu près égaux. La même chose vaut pour les flexi-jobs dans l’horeca, qui concernent déjà 10.000 travailleurs alors que cette possibilité n’existe que depuis le début de cette année (voir notre article à ce sujet). En gros, il s’agit de salaires au rabais qui n’implique que rarement que quelque chose soit payé à la collectivité. Le secteur du travail à bas salaires connait donc une progression conséquente.

Le gouvernement a décidé d’augmenter le nombre d’heures que les jobistes sont autorisés à prester jusqu’à 475 heures par an. L’Open-VLD a voulu aller encore plus loin, jusqu’à 550 heures. Selon Benoit Lannoo, ancien porte-parole de Joëlle Milquet (CDH), la mesure ne vise «qu’à choyer les patrons avec une main-d’œuvre plus flexible.» Cela n’a rien à voir avec le fait de permettre aux étudiants de gagner plus d’argent. D’autre part, la politique qui sévit dans le secteur de l’enseignement comme ailleurs pousse de plus en plus de jeunes à devoir travailler afin de pouvoir faire face aux coûts de leurs études. L’objectif principal de ces salaires réduits à la portion congrue est bien entendu d’offrir aux patrons une main-d’œuvre non qualifiée toujours moins chère alors que le chômage touche plus particulièrement les travailleurs non-qualifiés.

Dans une carte blanche du 8 juillet à deredactie.be, Benoit Lannoo n’y va pas par quatre chemins: «Dans notre pays, il y a des milliers de demandeurs d’emploi peu qualifiés. Une étude menée par le Service Public Fédéral de la Sécurité Sociale a récemment calculé leur nombre: «Alors que le taux d’emploi global dans notre pays en 2015, avec 67,5%, reste au niveau de ceux des années précédentes suite, on observe une diminution du taux d’emploi des personnes avec un faible niveau d’éducation – en Flandre et en Wallonie – de 49% en 2007 à 45% en 2015.» La logique actuelle est de les mettre en concurrence avec des étudiants dont le travail est sans cesse plus flexible. Est-ce qu’un patron de l’horeca va prendre le temps de coacher des travailleurs peu qualifiés alors qu’il peut faire appel à un étudiant qui reviendra à moins cher en termes de sécurité sociale pour le faire travailler deux heures de plus ?»

Selon Lannoo, la modification du régime de travail des étudiants coûtera 8.000 emplois réguliers. Il note aussi qu’il n’est plus question de dialogue social: «Avant, les patrons et les commerçants devaient patiemment supporter le dialogue social, maintenant, ils reçoivent gratuitement ce qu’ils veulent du gouvernement-Michel.»

Souvent, l’opposition sociale à la politique antisociale est présentée comme une chose des temps anciens, typique d’une génération qui défend ses privilèges sans accorder d’attention à l’avenir de la jeunesse. Mais il semble bel et bien que la politique des autorités affecte très durement la jeunesse. Récemment, il a été dévoilé que le nombre de bénéficiaires du RIS (le Revenu d’insertion sociale accordé par les CPAS) a augmenté de 13,2% l’an dernier pour toucher 116.146 personnes. Parmi eux se trouvent 30,9% de personnes âgées de moins de 25 ans. «Il est désolant de constater que c’est en particulier le groupe des jeunes qui est le plus durement touché. Cela peut mettre un lourd fardeau sur leur avenir», a déclaré Julien Van Geertsom, du service public fédéral de l’intégration sociale.

Dans le secteur le moins bien payé du pays, l’horeca où les flexi-jobs ont vu le jour, l’âge moyen du personnel est également le plus bas, 34,8 ans en moyenne. Et les jeunes accepteront encore plus facilement des emplois flexibles et précaires s’ils y sont préparés durant leurs études. C’est le seul type d’emplois que réserve aujourd’hui le capitalisme à la majorité de la population. Et ceux qui tomberont à l’eau et émargeront aux CPAS ne sont pas encore au bout de leurs peines (voir notre article à ce sujet :).

Cette politique antisociale prive les jeunes de leur avenir. Il est grand temps de riposter. Non pas en interdisant le travail des étudiants, les étudiants peuvent gagner un peu d’argent en toute sécurité. Mais pourquoi ne pas le faire aux conditions des travailleurs ordinaires? Nous défendons également un enseignement gratuit et de qualité accessible à tous ainsi que le développement de structures et institutions de loisirs abordables. Retirons nos festivals des mains des multinationales ! Ensemble, jeunes et moins jeunes, luttons avec acharnement contre la politique antisociale du gouvernement !

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