Unidos Podemos: des résultats en dessous des espérances mais qui confirment le potentiel à gauche

espagne26J

Dimanche 26 juin, les Espagnols se sont à nouveau rendus aux urnes, six mois après les élections de décembre 2015. L’instabilité politique consécutive au discrédit croissant des deux partis traditionnels qui ont appliqué l’austérité a rendu caduques les tentatives de formation d’un gouvernement. Même si on est encore loin du record de la Belgique de 541 jours sans gouvernement, pour l’Espagne c’est une première.

Par Boris (Bruxelles)

Pas de restauration du bipartisme

Les élections de décembre 2015 ont été marquées par la fin du bipartisme du PP (Parti Populaire, droite) et du PSOE (social-démocratie) et par un tournant à gauche avec la percée de Podemos (20,7 %). Il faut y voir l’expression de la radicalisation d’une large couche de la population et de l’essor de divers mouvements de masse. Les résultats de ces nouvelles élections confirment généralement ce processus, malgré un électorat et une campagne très volatiles.

En juin, le PP a consolidé sa position de premier parti malgré les multiples scandales de corruption qui l’éclaboussent. En décembre, il avait perdu plus de 3,6 millions de voix tandis que le PSOE obtenait le pire résultat de son histoire. La bourgeoise espagnole et l’establishment européen ont prôné un gouvernement de grande coalition PP et PSOE, éventuellement élargi au petit parti populiste de droite émergeant Ciudadanos, pour fidèlement continuer sur le chemin de l’austérité.

Avec ces nouvelles élections, ils espéraient quelque peu restaurer leur autorité. Le PP a pu récupérer 700.000 voix et remonter de 28,7 à 33 %. Il reste encore très éloigné de sa majorité absolue, mais un gouvernement minoritaire de droite n’est pas à exclure. Le PSOE arrive à se maintenir à 22 %, une réussite selon lui au vu des sondages qui prévoyaient qu’il soit dépassé par Unidos Podemos, l’alliance conclue entre Podemos, Izquierda Unida (IU, Gauche Unie) et les confluences régionales en Catalogne, en Galice et en Communauté valencienne. L’abstention qui a augmenté de 3,7 % a surtout impacté le score d’Unidos Podemos. Malgré le recul d’un million de voix pour Unidos Podemos obtenant 21,1 % et de 400.000 voix pour Ciudadanos avec 13 %, la classe dominante ne peut toutefois pas rétablir son système bipartite et résorber profondément l’instabilité politique.

Podemos juge les résultats peu satisfaisants, même si la gauche conserve ses 71 députés. Une certaine déception est compréhensible surtout au vu des sondages qui, dès l’annonce d’une alliance entre Podemos et IU, les avaient immédiatement propulsés devant le PSOE, à une position de combat face au PP. En proie à la panique, tout l’establishment a mené une campagne d’intimidation contre Unidos Podemos et le ‘‘spectre du communisme’’. Le résultat reste néanmoins très important et illustre le grand potentiel à gauche. Le soir des élections, Pablo Iglésias – le leader de Podemos – a estimé correcte l’alliance avec IU et Alberto Garzon – le nouveau leader d’IU – et a appelé à continuer cette confluence de gauche.

Développer Unidos Podemos comme nouvelle social-démocratie ou défendre un programme de rupture anticapitaliste ?

La construction d’une confluence de gauche dans toute l’Espagne est une avancée rendue possible par la progression du soutien à cette idée parmi la base de Podemos et d’IU, ainsi que par le poids moins prépondérant de Podemos vis-à-vis d’IU dans les sondages.

Le processus de “modération” de Podemos s’est traduit, durant la période de tentative de formation d’un gouvernement avant l’annonce des nouvelles élections, par des concessions visant à conclure un accord de coalition avec le PSOE en prétendant faire ainsi barrage à la droite. Cela a même provoqué une courte crise du fait qu’une aile de la direction était favorable à accord avec le PSOE et Ciudadanos. Le PSOE, comme l’a confirmé son accord avec Ciudadanos, n’est pas prêt à en finir avec l’austérité. C’est inhérent à la bourgeoisification des partis sociaux-démocrates.

Pablo Iglésias, lors de la campagne, a présenté Podemos comme “la nouvelle social-démocratie” en proposant au PSOE une “quatrième voie” basée sur des investissements publics financés par de nouvelles tranches d’imposition sur les plus hauts revenus et en étalant un peu la réalisation des objectifs budgétaires de façon négociée avec l’Union européenne. Cette même approche a conduit Syriza à appliquer l’austérité en Grèce. Toute une couche d’activistes craint la perspective d’un Tsipras espagnol.

Alberto Garzon (IU) a, quant à lui, fait pencher la balance à gauche dans la rhétorique et le programme d’IU et a mieux tiré les leçons de la capitulation de Syriza. Il juge l’UE irréformable et est “prêt à assumer les conséquences d’une politique économique souveraine en faveur de la majorité, telle que l’expulsion de notre pays de l’UE” tout en défendant des mesures socialistes dans son programme comme la nationalisation de secteurs stratégiques de l’économie. IU peut jouer un rôle important à condition de maintenir ses critiques de gauche envers la direction de Podemos.

Une dynamique de comités de campagne s’est mise en place, comme durant les élections locales. Ce développement peut varier de ville en ville, mais il est important. Notre section-sœur en Espagne, Socialismo Révolucionario, a activement participé à la campagne tout en défendant des mesures socialistes (investissements publics massifs, refus du paiement de la dette publique, droit à l’autodétermination des peuples, nationalisation des banques et des secteurs stratégiques de l’économie, etc.).

Si Unidos Podemos peut être développé au point de constituer une véritable confluence de gauche à la base, avec des comités ouverts à tous ceux qui veulent résister à l’austérité et réunissant militants de gauche, syndicalistes combatifs et activistes des nouveaux mouvements sociaux, la dynamique pourrait aller bien au-delà des urnes pour construire la lutte dans la rue et dans les entreprises afin d’en finir avec l’austérité et de créer les conditions pour un futur gouvernement des travailleurs.


[Soirée-Débat] Unidos Podemos : Vers un gouvernement de gauche en Espagne ?

Mercredi 29 juin à partir de 19h au Pianofabriek, 35 rue du Fort, Saint Gilles (Bruxelles).

Avec pour oratrices :

  • Beatriz de la Cruz (militante d’Izquierda Unida – Bélgica)
  • Marisa Cabal (militante du PSL-Bruxelles et collaboratrice de Socialismo Revolucionario).

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