Génocide politique en URSS : la terreur stalinienne

accusesLorsque de grands crimes contre l’humanité sont mis en lumière, on espère toujours une sorte d’expiation, de blâme, que les coupables soient accusés et condamnés et que les leçons de ces tragiques événements soient apprises. Ce n’est parfois pas le cas.

Critique de Peter Taaffe de l’ouvrage «La terreur de Staline de 1937-1938 : génocide politique en URSS » de Vadim Z. Rogovin

Le génocide turc contre les Arméniens n’a par exemple jamais bénéficié d’une complète reconnaissance historique. Les crimes nazis contre les Juifs ont été étudiés de près, encore et encore, mais on entend généralement peu parler de la façon dont le NSDAP d’Adolf Hitler a accédé au pouvoir, avec l’aide des capitalistes qu’ils aient été allemands ou britannique, etc. Il est également peu connu que la cible principale d’Hitler, c’était en vérité les organisations de la classe ouvrière.

Lors de la «transition» vers la démocratie capitaliste en Espagne dans les années 1970, le «pacto de olvido» (pacte d’oubli) a permis aux tortionnaires et bourreaux du régime franquiste de rester impunis. Ce n’est que maintenant, alors que sont découverts les corps des personnes assassinées sous le régime de Franco, que leurs familles peuvent espérer la reconnaissance historique qui est due aux victimes. Et que l’acte d’accusation soit porté contre Franco, sa dictature et ceux qui l’ont soutenu.

Une reconnaissance historique similaire a été partiellement obtenue en Argentine de par l’action des héroïques «Mères de la Plaza» qui se sont battues pour que soient divulgués les noms des officiers responsables non seulement des assassinats de leurs fils et filles («les disparus») mais aussi du vol de leurs petits-enfants. Une tâche similaire reste à effectuer au Chili, où ceux qui ont soutenu le régime meurtrier du général Pinochet doivent encore être traduits devant les tribunaux de l’Histoire. On peut aussi parler de l’Afrique du Sud et sa «commission de la vérité».

Cependant, du point de vue du mouvement ouvrier et du marxisme, la plus grande « page blanche » reste le rôle du stalinisme, et en particulier le rôle crucial joué par les purges et procès de 1938 qui ont laissé sur l’ex-Union soviétique (URSS) une marque qui a encore ses conséquences aujourd’hui.

Soljenitsyne, chroniqueur des crimes de Staline, n’a pas été objectif dans le traitement de ces événements dans son essai «L’Archipel du Goulag». Il n’a jamais mentionné que les principaux accusés des fameux procès de Moscou étaient Léon Trotsky et son fils Léon Sedov. Il a scandaleusement minimisé le rôle crucial et héroïque des milliers de trotskystes qui ont résisté à Staline et au stalinisme jusqu’à la fin en les reléguant à une simple note historique. Quand bien même sont-ils largement inconnus en dehors des cercles marxistes, ils n’en représentent pas moins une importante source d’inspiration concernant la lutte contre le stalinisme et son «héritage», la barbarie du capitalisme russe actuel.

Soljenitsyne – qui a commencé en critique radical du stalinisme et a fini en chauvin nationaliste russe – a essayé de démontrer que le stalinisme était une «excroissance naturelle» du bolchevisme ainsi que l’expression «authentique» de la révolution russe. Nombreux sont ceux qui ont depuis lors cherché à l’imiter, à l’instar d’Orlando Figes dans son livre «Les Chuchoteurs. Vivre et survivre sous Staline» ou encore de Robert Service, dans son dernier livre consacré à Trotsky. Mais il existe également le travail du regretté Vadim Rogovin (1937-1998) qui brise la thèse de Soljenitsyne et de ses acolytes.

Il va d’ailleurs bien au-delà de ça. Son essai sur le stalinisme éclaire les nouvelles générations quant à l’utilisation des procès de Moscou et des purges staliniennes pour consolider le régime de Staline. Cela s’est durablement imprimé sur la Russie. En fait, entre le stalinisme – le régime d’une élite bureaucratique privilégiée – et le bolchevisme, il existe un véritable «fleuve de sang». C’est ce que démontre Rogovin dans quasiment chacune de ses pages. Il réfute dans ce processus tous les arguments des Soljenitsyne. Il décrit comment le mécanisme du stalinisme en tant que système politique a pris racine et s’est développé, comment il a été pris au piège de sa machine et comment l’héroïque génération qui avait fait la révolution d’Octobre 1917 a été démoralisée.

Le système social et politique du stalinisme a largement disparu avec l’effondrement de l’URSS et de l’Europe de l’Est il y a 20 ans. On en trouve encore des restes aujourd’hui dans l’appareil étatique chinois ou dans des pays comme la Corée du Nord. Il est toutefois très peu probable que la classe ouvrière tolère à nouveau une élite bureaucratique avide de pouvoir. Mais cela ne signifie pas que des éléments de cette même approche bureaucratique envers l’Etat et la société dans un futur régime «socialiste» ne puissent pas se manifester.

Aujourd’hui, Cuba, en dépit de ses réalisations sociales considérables et de son économie planifiée, n’est pas une démocratie ouvrière. Au Venezuela, le gouvernement chaviste a appliqué des mesures progressives qui ont bénéficié à la classe ouvrière et aux pauvres que nous appuyons sans réserve. Mais, malheureusement, cela a été accompagné d’une approche de plus en plus autoritaire et semi-militariste qui a aliéné de nombreux travailleurs mis de côté par les « cadres » chavistes.

Un des facteurs qui provoque l’utilisation de ce genre de méthodes est qu’il n’y a pas encore eu de bilan complet des causes réelles du stalinisme et de son impact sur la société d’un point de vue socialiste et marxiste. Les idées et l’analyse de Léon Trotsky dans les années 1930 n’étaient qu’une petite voix qui ne pouvait atteindre un public de masse. Il est temps de préparer ce terrain aujourd’hui. L’œuvre de Rogovin est un pas capital en cette direction.

Rogovin est très complet dans sa description détaillée des crimes et du système bureaucratique présidé par Staline, ce qui pourrait être un peu intimidant pour ceux qui ne connaissent pas cette période. Mais c’est la première fois que ce livre est traduit en anglais et c’est un «must» pour tous ceux qui souhaitent comprendre ce qui s’est passé en Russie et ses conséquences pour aujourd’hui. Ceux qui sont déjà familiers avec ces événements, à travers les écrits de Trotsky et de ceux d’autres historiens conscientisés de cette période, trouveront une mine d’informations supplémentaires qui ne sont pas nécessairement d’intérêt pour le lecteur non-« politisé», mais qui représentent un élément vital pour notre connaissance de cette période.

Mais même sans connaissance de Staline ou du stalinisme, on peut beaucoup apprendre avec ce livre de ce qui est arrivé et nous espérons que les lecteurs se dirigeront ensuite vers des conclusions marxistes, c’est-à-dire trotskystes. En effet, l’un des grands mérites de Rogovin est que, contrairement à d’autres, il reproduit fidèlement à chaque étape l’analyse de Trotsky, complétée par ses propres recherches et d’autres sources. Quel contraste avec d’autres écrivains, même ceux qui «admirent Trotsky» mais qui ont mutilé, parfois inconsciemment, les pensées et les conclusions de celui-ci sur l’analyse du stalinisme! Même ceux qui ont déjà lu le matériel de Trotsky peuvent gagner énormément à relire son analyse dans le cadre du développement des procès, des réaction face à ceux-ci, de la manière dont les purges se sont déroulées, de leurs conséquences et de l’empreinte laissée sur la société russe.

La vérité à propos des Grandes Purges

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La répression s’est accompagnée d’une gigantesque opération de falsification historique, notamment des photographies. Sur l’exemple ci-dessus, Trotsky disparait des côtés de Lénine.

Les « Grandes Purges » ainsi que les procès de Moscou se sont déroulés à partir de juillet 1936 jusqu’à la fin de 1938. A ce jour «toute la vérité» n’a pas été publiée car, comme Rogovin l’écrit, cela « menaçait de saper le régime politique post-stalinien « . Après le célèbre XXe Congrès du Parti communiste de l’Union soviétique (PCUS) en 1956, seulement quelques doses de vérités «recevables» ont été autorisées par les héritiers de Staline. Même alors, ces vérités partielles se mélangeaient avec des «mythes staliniens jamais vérifiés et des falsifications en tout genre». Staline a été renversé de son piédestal en tant que «chef suprême» par les révélations de Khrouchtchev lors du congrès de 1956. Craignant néanmoins d’aller trop loin, Khrouchtchev et les dirigeants staliniens russes ont même plus tard accepté une réhabilitation partielle de Staline.

À la fin des années 1980, comme Rogovin le souligne, avec l’apparition de nouvelles sources et matériaux au sujet des Grandes Purges, il aurait été possible de présenter une image claire des raisons de l’existence de ces purges et procès. Cependant, l’effondrement du stalinisme à la fin des années 1980 et au début des années 1990 – et le retour au capitalisme qui a suivi – a mis à mal toute tentative d’enquêter honnêtement sur ces événements. Les rares à avoir essayé ont été submergés par la vague de propagande anti-communiste, dans ce qu’on appelle des revues «démocratiques» qui ont malicieusement déformé ce qui était arrivé. Rogovin avait raison quand il écrivit: «Ces opérations idéologiques ont servi le même but que les falsifications historiques produites par l’école stalinienne: cautériser, tromper, déformer et empoisonner la mémoire historique et la conscience sociale du peuple soviétique.»

Le totalitarisme stalinien, selon ces revues, serait né du caractère «criminel» du bolchevisme. Rogovin a méticuleusement et étape par étape réfuté les distorsions délibérées de ce qui a eu lieu et en particulier les tentatives de relier les procès de purge et les monstruosités du stalinisme à la période héroïque de la révolution russe et le régime démocratique de Lénine et de Trotsky. En réalité, le stalinisme n’était pas un «prolongement» du bolchevisme, mais sa négation. Ceci est clairement souligné par le chapitre «Opérations de masse», décrivant la façon dont la Grande Purge a été lancée lors de la réunion du Politburo du PCUS le 2 Juillet 1937.

L’ampleur de la répression

La répression, la sélection arbitraire des victimes et la manière dont la peine leur était infligée est à la fois épouvantable de par son horreur et de par son ampleur. Une première directive en 1937 proposait d’arrêter plus d’un quart de million de personnes; et autour de 72.000 devaient être condamnés avec un plan conçu « pour éliminer 10.000 personnes dans les camps ». Un bureaucrate décrit comment cela fut réalisé: «Au cours d’une soirée, nous pouvions étudier jusqu’à 500 cas, et nous condamnions des personnes à raison de plusieurs par minute, certains à être fusillé, d’autres à diverses peines de prison,… Nous n’étions même pas en mesure de lire la citation à comparaître, et encore moins de regarder le contenu des dossiers » !

Au début de 1938 à Moscou, trois personnes -une troïka- « ont examiné les cas de 173 malades qui se trouvaient en prison; 170 d’entre eux ont été condamnés à être fusillés ». L’un d’entre eux a témoigné plus tard: «Nous avons éliminé ces personnes uniquement parce qu’ils étaient malades et qu’aucuns ne pouvaient être admis dans les camps. » Alors que les bases sociales du fascisme et du stalinisme étaient différentes – l’une reposant en fin de compte sur le capitalisme, l’autre sur une économie planifiée – il y avait néanmoins une symétrie, comme Trotsky l’a commenté, dans leurs méthodes sanguinaires arbitraires. En fait, les assassins et tortionnaires de la SS nazie ont ouvertement avoué avoir appris de l’appareil russe de «sécurité», le NKVD.

La deuxième «opération de masse» a été prise à l’encontre des représentants d’un certain nombre de nationalités. Cela concernait principalement ceux ayant leurs propres territoires, faisant partie de l’empire russe, mais qui étaient devenus des Etats indépendants après la révolution d’Octobre (les Polonais, les Finlandais, les Lettons, les Lituaniens et les Estoniens). Les représailles staliniennes étaient particulièrement féroces contre les communistes originaires de ces états, arbitrairement condamnés comme étant des agents de leurs gouvernements respectifs. La plupart avaient été contraints de chercher l’exil en Union soviétique en raison de l’oppression et du terrorisme qu’ils avaient trouvé «chez eux».

Leopold Trepper fut le célèbre chef héroïque de l’organisation russe clandestine de renseignements sous les nazis, «l’Orchestre Rouge», une organisation ayant rompu avec le stalinisme et loué le trotskysme. Celui-ci a estimé que 80% des émigrés révolutionnaires en Russie ont été réprimés et beaucoup, sinon la plupart, ont été tués au cours des grandes purges de Staline.

Beaucoup d’entre eux ont été torturés et la répression a atteint une telle ampleur que des émigrés bulgares ont mis en garde le chef de la Komintern (la IIIe Internationale) de Staline, Georgi Dimitrov, en ces termes: «Si vous ne faites pas tout le nécessaire pour arrêter ces répressions, nous allons tuer Yezhov, ce contre-révolutionnaire [chef du NKVD, plus tard lui-même victime d’une purge et abattu]».

Huit cents communistes yougoslaves furent également arrêtés. Tito, qui est devenu chef de l’Etat stalinien yougoslave après la Seconde Guerre mondiale, a joué un rôle dans l’organisation de la destruction de son propre parti à Moscou. Lorsque Tito demanda à la fin des exactions qui allait diriger le Parti communiste de Yougoslavie (CPY), Dimitrov fut surpris: «Vous êtes le seul qui reste (…) C’est une bonne chose que vous au moins soyez encore là, sinon nous aurions dû dissoudre le CPY.» Tous les Yougoslaves arrêtés et fusillés ont été tués avec la bénédiction de Tito et Milovan Djilas, qui fut lui-même plus tard un« dissident » sous le régime de Tito et chassé du cercle magique du « titisme ».

Ceux accusés de «trotskysme» furent expulsés du parti communiste yougoslave. Cela n’a pas empêché certains « trotskystes égarés », les prédécesseurs de l’actuel Secrétariat Unifié de la Quatrième Internationale (SUQI, dont la LCR est la section belge), de décrire plus tard Tito comme étant un «trotskyste inconscient». Ils ont même organisé des brigades de travail de jeunes dans les années 1950 pour aider l’Etat yougoslave dans sa première période au pouvoir lorsque Tito est entré en collision avec Staline.

Une répression similaire a été lancée contre le Parti communiste de Pologne, qui avait commis le péché impardonnable de soutenir l’opposition de gauche en 1923-24. Adolf Warski, l’un des fondateurs des partis sociaux-démocrates et communistes de Pologne, fut abattu à l’âge de 70 ans. Le même sort fut réservé aux dirigeants du Parti communiste allemand. Ceux-ci avaient cherché refuge en Russie contre les horreurs du nazisme, pour y rencontrer les mêmes horreurs cette fois-ci infligées par l’appareil de sécurité de Staline.

En janvier 1989, lors du IXe Congrès du Sozialistiche Einheitspartei Deutschlands (SED), le parti au pouvoir de l’ancienne République démocratique allemande (RDA), il a été signalé qu’au moins 242 membres éminents du Parti communiste allemand avaient péri en Union soviétique.

Au début de 1937, la majorité des Schutzbundists autrichiens avait déjà été arrêtés. Ils étaient membres de l’organisation militaire socialiste qui, après la défaite de l’insurrection antifasciste de 1934 avaient émigré en Russie et y avaient été alors reçus comme des héros.

Le même sort a été rencontré par les Hongrois, qui constituaient probablement le plus important groupe d’expatriés vivant en Union soviétique. 10 des 16 membres du premier Comité central du Parti communiste hongrois furent tués, ainsi que 11 des 20 commissaires du peuple de la République soviétique hongroise de 1919. L’une de ces victimes était Bela Kun, qui avait dirigé la République soviétique hongroise. À la fin des années 1980, il a été révélé dans un document jusque-là tenu secret qu’Imre Nagy, devenu premier ministre hongrois en 1956, avait joué un rôle actif dans les années 1930 dans l’élimination des dirigeants de son propre parti. Il avait pendant longtemps été un informateur secret du NKVD. Ironie du sort, après le soulèvement de 1956, il est devenu premier ministre de Hongrie, mais a été abattu par la suite dans le cadre de la répression menée par les successeurs du NKVD, le KGB.

Rogovin commente : «Au total, plus de communistes des pays d’Europe de l’Est ont été tués en Union soviétique que dans leur propre pays pendant l’occupation d’Hitler.» Un leader communiste lituanien a fait remarquer que du fait de la décimation du Comité central du Parti communiste lituanien aux mains de Staline et de ses bourreaux, «moi seul est resté en vie! Et je suis resté en vie seulement parce que j’aidais à des activités clandestines dans la Lituanie fasciste.»

Le même sort a frappé les partis communistes mongol, japonais et beaucoup d’autres. La paranoïa apparente de Staline envers toutes choses non-russes (ironiquement, il était lui-même «non-russe», puisque Géorgien) a été révélée plus tard dans les archives secrètes du NKVD où l’on trouva notamment divers témoignages contre Palmiro Togliatti, le leader du Parti communiste italien, Harry Pollitt, secrétaire général du Parti communiste de Grande-Bretagne, Jacques Duclos du Parti communiste français, Mao Ze-dong et d’autres. Les lettons, alors que beaucoup d’entre eux avaient participé à la lutte clandestine contre le tsarisme et aux révolutions de 1905 et 1917, ont été impitoyablement réprimés par Staline.

Le troisième procès de Moscou (en mars 1938) est traité en détail par Rogovin. Les 21 accusés étaient d’anciens hauts dirigeants de l’URSS, y compris Boukharine et Rykov, et d’anciens trotskystes. Ceux-ci n’étaient seulement que les plus visibles de ceux qui ont subi la persécution de Staline, mais des milliers d’autres n’ont pas été autorisés à comparaître. Beaucoup ont été abattus sans procès public et la propre signature de Staline se trouvait sur les condamnations à mort. Sa personnalité malveillante a été personnellement exprimée dans le cas d’Avel Yenukidze, lui-même collaborateur de longue date de Staline dans la persécution des autres, y compris de l’Opposition de gauche (les partisans de Trotsky). Il est tombé sous la hache du bourreau en raison d’un désaccord avec Staline sur le sort des anciens proches collaborateurs de Lénine, Kamenev et Zinoviev.

Il confie: «Mon crime consistait en ceci: quand il m’a dit (à la fin de 1934 – VR), qu’il voulait mettre en scène un procès, puis assassiner Kamenev et Zinoviev, je tentai de le convaincre autrement. «Soso» [surnom de Staline] Je lui ai dit, «il n’y a pas d’argument, ils vous ont fait beaucoup de mal, mais ils ont depuis longtemps payé pour cela: vous les avez expulsé du parti, vous les maintenez en prison, leurs enfants n’ont rien à manger (…) Ce sont de vieux bolcheviks, comme vous et moi » (…) il m’a regardé comme si j’avais tué son père et a dit : « Souviens-toi, Avel, celui qui n’est pas avec moi est contre moi ». »

«Une Guerre civile unilatérale»

Yenukidze, comme Trotsky l’a fait remarquer, était un bureaucrate, mais il ne pouvait pas effacer tous ceux qui étaient liés à la révolution russe. Pour Staline, pourtant, ce fut le cas. Les purges et procès des années 1930 furent une véritable «guerre civile unilatérale», dont le but était d’assurer la contre-révolution bureaucratique incarnée par Staline ainsi que son entourage contre les derniers vestiges du parti bolchevique et des liens qu’ils avaient encore avec la révolution russe elle-même. En effet, beaucoup de ceux qui ont fait face aux procès et ont été abattus avaient depuis longtemps capitulé devant Staline.

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Comité central du Parti Bolchevique en 1917. Une bonne partie de ses membres ont été exécutés ou assassinés par le stalinisme (cliquez sur la photo pour l’agrandir).

La description de Rogovin de la détérioration des figures auparavant majeures qu’étaient Boukharine, Zinoviev, Kamenev, et même du plus proche collaborateur de Trotsky, Christian Rakovsky, illustre l’état physique et moral auquel ils avaient été réduits aux mains de Staline et de ses hommes de main. Boukharine a par exemple promis que si sa vie lui était épargnée il irait mener une campagne favorable aux procès et mènerait une lutte mortelle contre Trotsky. En demandant clémence, il déclara : «Au cours des dernières années, j’ai appris à valoriser d’une manière intelligente et à vous aimer.» En vain; il fut abattu, comme le fut Rakovsky.

Staline est une fois de plus dans ce livre révélé comme un véritable maître de l’intrigue, façonnant pour la plupart des «crimes odieux» basés sur des incidents passés qu’il avait eu avec ceux qu’il voulait écraser. Boukharine, membre dirigeant du cercle intime de Lénine, a été accusé de vouloir fomenter une guerre civile dans les années 1930 en raison d’incidents survenus durant les négociations du traité de Brest-Litovsk (1918), quand Boukharine s’était opposé au traité.

Pourquoi ces anciennes personnalités majeures, d’un calibre intellectuel considérable, se sont-ils rabaissé ainsi devant Staline et son appareil répressif ? Pourquoi Staline avait-il besoin d’annihiler ceux qui pourtant avaient déjà capitulé ? L’auteur cite les paroles de Victor Serge, lorsqu’il montre la différence entre les trotskystes les zinoviévistes et les boukhariniens: «Notre opposition est contre le parti de Staline dans son entièreté, alors que l’opposition dirigée par Zinoviev et Boukharine [opposition anciennement dirigée par] est au sein même du parti de Staline ».

L’appareil bureaucratique reposant sur une économie planifiée est un régime de crise et en crise de par sa nature même. Le mécontentement inévitable des masses contre les zigzags constants de la politique stalinienne provoquait des doutes et des interrogations, un défi de taille pour l’appareil répressif de Staline.

Dans la période des collectivisations forcées – fin des années 1920 et début des années 1930 – Staline pouvait encore invoquer comme bouc émissaire la menace des capitalistes naissants sous la forme de «koulaks» (paysans riches) pour expliquer les difficultés de l’Union soviétique, ces difficultés étant en réalité le produit d’un gouvernement bureaucratique chaotique.

Mais après leur anéantissement, qui a coûté l’équivalent d’une guerre – il y eut plus de victimes que dans la guerre civile de 1920-21- il n’y avait pas de chiffre ou de tendance qui puisse permettre une «diabolisation» évidente. Trotsky et son fils furent donc sélectionnés par Staline comme étant les principaux accusés.

L’influence de Trotsky et de l’Opposition de gauche internationale sur Staline

Staline craignait plus que quiconque l’influence de Trotsky, de son fils Léon Sedov et de l’Opposition de gauche internationale. Malgré le manque de ressources, les descriptions toujours brillantes et précises de Trotsky du gaspillage et de la corruption découlant de l’incompétence de l’appareil bureaucratique stalinien ont eu un impact majeur. Même des sections de la bureaucratie ont été affectées par le diagnostic des maux de l’Union soviétique et de l’appel de Trostky à une révolution politique pour renverser le stalinisme et ses soutiens internationaux.

De nombreuses figures historiques ont été liées à Trotsky en un amalgame absurde. Cette collaboration présumée est allée jusqu’à la période pré-1917, où ils auraient apparemment été des agents de puissances étrangères et par la suite des agents d’Hitler! Trotsky lui-même a noté à l’époque que, selon les rapports des procès, des accusés ainsi que des ambassadeurs et des maréchaux auraient été subordonnés à une seule personne (lui-même) et sur ses ordres auraient été poussés à détruire les forces et la culture productives de la nation. Il a ensuite ajouté: «Mais ici surgit une difficulté. Un régime totalitaire est par essence une dictature dotée d’un appareil répressif. Or, si tous les postes clés de l’appareil sont occupés par des trotskystes, qui sont sous mon commandement, pourquoi dans ce cas Staline se trouve-t-il au Kremlin, et pourquoi suis-je en exil?»

La tentative de dépeindre Trotsky cherchant à prendre le pouvoir pour le pouvoir seul et à s’accaparer toutes les richesses matérielles l’accompagnant a été très facilement réfuté par les modestes – très modestes – conditions de son existence quotidienne. L’auteur souligne que trouver des boucs émissaires pour la dislocation économique, les pénuries, etc., était la raison d’être de ces procès.

Le procès Radek-Piatakov de janvier 1937, était par exemple une tentative d’éliminer la responsabilité de ceux qui se trouvaient au sommet, Staline et sa clique, des erreurs et échecs dans le domaine de l’industrie lourde. Dans le procès du «Bloc trotskyste de droite» il fut principalement sujet de la désorganisation délibérée de ces branches de l’économie qui affectent le plus la population: l’économie municipale, le commerce, la production de produits de consommation de masse, et ainsi de suite.

staline.retoucheD’où les accusations de sabotage, ce qui a conduit à l’absurde situation de convois entiers d’œufs disparaissant et d’un manque conséquent de produits de base. Alexander Orlov, un agent du NKVD qui a déserté et pour un temps s’est rapproché du trotskysme, a commenté plus tard que la pénurie de beurre signifiait que «toute une génération d’enfants nés à partir de 1927 (…) ne connaissant pas même le goût du beurre. De 1928 à 1935, les citoyens russes pouvaient voir le beurre dans les vitrines de ce qu’on appelle les magasins de commerce extérieur, où tout était vendu uniquement en échange d’or ou de devises.»

La dimension internationale des procès et le soi-disant lien que Trotsky et ceux connectés à lui auraient eu avec Hitler, Churchill ou le Mikado japonais (selon les circonstances) fut ainsi fait afin d’invoquer le «démon», la menace étrangère qui « menaçait l’union soviétique ». Dans le chapitre 18 « Trotsky à propos des procès de Moscou », l’auteur donne une reproduction fidèle de l’analyse que fit Trotsky des procès à propos notamment des motifs de Staline, du rôle des accusés, etc. Trostky a également souligné le fait que selon Staline, même les chefs de l’industrie, du transport, de l’agriculture et de la finance étaient presque tous des saboteurs.

Pourtant, ce sont ces gens même qui avaient donné au mouvement révolutionnaire 30, 40, même 50 ans de vie (comme l’avait fait Rakovsky) et avaient pourtant, aux dires des accusations, mené un «travail subversif» afin de permettre la restauration du capitalisme!

Prises ensemble, les accusations de Staline ont volontairement entaché l’honneur du bolchevisme et ont dépassé celles des émigrés blancs qui avaient accusé Lénine, Trotsky et d’autres dirigeants bolcheviques de mener à bien la révolution d’Octobre au nom de l’état-major allemand !

La bureaucratie « … se bat pour ses revenus, ses privilèges, et son propre pouvoir »

Les raisons et les méthodes employées dans les procès de Moscou ont pris de multiples facettes. La montée au pouvoir de la bureaucratie a provoqué l’opposition et l’indignation des masses, en particulier suite à la croissance des inégalités. Dans le même temps, la défaite de la révolution espagnole ne put qu’exercer un effet sur les bureaucrates de la période précédente qui s’étaient accommodés du régime.

La bureaucratie n’est pas arrivée à ces procès monstrueux par un bond, mais par sa domination progressive. Comme l’a dit Trotsky, cette bureaucratie montante « en théorie (…) lutte pour le communisme. Mais en réalité elle se bat pour ses revenus, ses privilèges, et son propre pouvoir. »

Craignant un soulèvement de masse, Staline considérait avec méfiance ceux qui se trouvaient sous sa domination mais qui étaient toujours liés à l’expérience de la révolution d’Octobre 1917. Dans le cas d’un soulèvement, des personnalités pourtant discréditées comme Kamenev et Zinoviev auraient pu devenir, en premier lieu, les points focaux immédiats et responsables du soulèvement des masses. Nagy, ancien agent du NKVD, a par exemple joué un rôle semblable dans la révolution hongroise de 1956.

Par conséquent, dès qu’il y eut des protestations de l’opposition, même parmi les sections staliniennes pourtant inclinées à l’appareil de répression, Staline prit la décision de liquider l’ensemble des strates de décision qui avaient ainsi évolué jusqu’en 1937. La place fut prise par une nouvelle génération sans passé révolutionnaire ou de liens avec les traditions du bolchevisme. Presque tous les anciens représentants de la couche dirigeante furent exterminés. La nouvelle couche bureaucratique sans histoire devint politiquement homogène et entièrement subordonnée à la volonté du leader.

Khrouchtchev, par exemple, n’était pas un vieux bolchevique et n’avait ni participé à la lutte clandestine sous le tsarisme, ni à la révolution, ni à la guerre civile. Mais, comme beaucoup de ses semblables, il avait été promu à la direction du parti. Cela allait avoir un effet décisif sur la suite, à la mort de Staline, concernant le «dégel» et l’ouverture relative qui eut lieu sous son règne. La répression sanglante de Staline, les purges, les procès monstrueux et les exécutions de masse avaient renouvelé la bureaucratie. Cela eut un effet décisif sur le changement fondamental du caractère de la bureaucratie.

Le développement d’une aile «fasciste» fut représentée par Fedor Butenko, un envoyé de Roumanie, qui annonça sa rupture avec le bolchevisme en 1938. Quelques jours après son annonce, il refit surface à Rome, où il déclara qu’il n’avait jamais été un communiste de conviction et que, dans ses opinions politiques, il était plus proche du fascisme ukrainien.

Trotsky commenta par la suite : « Butenko a-t-il dû renoncer à beaucoup? Avait-il à détruire une importante partie de lui-même? Nous ne le pensons pas. Une partie grandissante de l’appareil stalinien est composée de fascistes qui ne s’assument pas. Mais comparer le régime soviétique dans son ensemble au fascisme est une erreur politique vulgaire dans laquelle les dilettantes d’ultra-gauche sont enclins à tomber, ignorant la différence fondamentale dans ses fondations sociales. Mais la symétrie des superstructures politiques, la similitude des méthodes totalitaires, est frappante. Butenko est un symptôme d’une énorme importance: il nous montre les carriéristes de l’école stalinienne dans leur forme la plus naturelle ».

Dans le même temps, les sections de l’ancienne bureaucratie, comme Ignace Reiss, firent défection vers la gauche, vers la Quatrième Internationale (fondée en 1938 sous la direction de Trotsky). Reiss fut assassiné par des agents staliniens. Mais comme Trotsky a continué à commenter : « les rangs de l’appareil soviétique sont remplis de bureaucrates d’un cadre d’esprit de type bourgeois». Rogovin souligne à juste titre que cette couche a considérablement augmenté dans les années 1980 lorsque l’effet abrutissant de la bureaucratie commença à étouffer définitivement les pores de l’économie planifiée russe.

L’immortelle et héroïque résistance des trotskystes

Il existe dans ce livre de nombreux chapitres dont les détails et anecdotes sont abondants, même trop nombreux pour être tous racontés ici. Mais le rôle héroïque des marxistes, en particulier des trotskystes détenus dans les camps, est incroyable. Les incidents que Rogovin aborde sont bien connus, souvent venant d’épisodes précédemment entendus, y compris la grève de la faim et le soulèvement de Vorkuta en 1937.

Ici est dessinée la résistance immortelle et héroïque de ces 10.000 trotskystes qui défièrent Staline et apportèrent leur soutien à Trotsky et à la Quatrième Internationale dans la toundra gelée des steppes sibériennes. Leur grève de la faim en mars 1937 prit fin en une victoire complète. De ce fait, ils furent traités comme des prisonniers politiques, et toutes leurs demandes satisfaites. Mais cela ne fut que le décor pour des représailles brutales, menées dans le plus grand secret.

Mille deux cents trotskystes furent ainsi rassemblés dans une usine de briques, à 20 kilomètres de la mine de Vorkouta. Les exécutions furent effectuées par Kashketin, un officier du NKVD souffrant de « psychoneurosis schizoïde ». L’ordre des exécutions fut signée personnellement par Staline.

Certains de ceux-ci, à l’instar de Poznansky, un ancien secrétaire de Trotsky, furent torturés avec une sauvagerie particulière pendant leur interrogatoire. Cela a été suivi par des exécutions de groupe et des dizaines de prisonniers envoyés dans la toundra quasi quotidiennement. Selon Rogovin, « ils tiraient non seulement sur les trotskystes eux-mêmes, mais sur tous les membres de leur famille qui étaient avec eux ».

Il poursuit: « Quand un mari était tué, sa femme emprisonnée était automatiquement envoyée à la fusillade; et pour les opposants les plus significatifs, leurs enfants ayant atteint l’âge de 12 ans étaient également soumis au même régime. » Une telle opération pouvait durer dix heures. Ce massacre de masse des plus braves pris ensemble avec les purges de masse, a joué un rôle crucial dans la destruction de la «mémoire» de la classe ouvrière. Aucun groupe important n’a ensuite été laissé dans la société soviétique qui fut capable de défier Staline sur un programme clair de la démocratie ouvrière.

En ce sens, la mémoire collective des masses et leur capacité à se réunir plus tard pour contester d’une manière consciente le régime stalinien fut éliminée. En particulier, l’alternative socialiste, son programme et les idées de la démocratie ouvrière, fut anéantie dans l’Union soviétique en tant que force consciente. Voilà pourquoi Trotsky, à la suite des procès, a déclaré que le centre de gravité du mouvement révolutionnaire mondial avait passé temporairement le sol russe – où un régime stalinien féroce régnait en toute puissance- vers d’autres régions du monde.

Bien sûr, cela n’a pas empêché l’émergence de mouvements spontanés allant dans la direction d’une révolution politique – comme la Hongrie l’a montré en 1956 -. Ces soulèvements ont eu lieu dans le contexte d’une opposition de masse à l’influence étouffante du stalinisme.

L’auteur pose la question suivante : qui a finalement bénéficié des Grandes Purges ? La réponse qu’il fournit, et que l’histoire atteste, est à une toute nouvelle couche de la bureaucratie. Sans liens avec le passé, cette bureaucratie grandit dans un milieu de plus en plus bourgeois, l’identification au «socialisme» signifiant une vie confortable, une existence privilégiée et protégée de leur propre classe. Si ceux-ci et Staline ne furent pas renversés par la suite, surtout après la catastrophe du début de la Seconde Guerre mondiale, c’était principalement en raison des avantages d’une économie planifiée qui permit au régime de jouer un rôle relativement progressiste pour un temps. Ce fut le cas même après la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’« Union soviétique» fit un rétablissement rapide et phénoménal dû à la dévastation de la guerre.

Une caste privilégiée consolidée

La bureaucratie fut consolidée et cela permit ainsi de former une caste privilégiée dans l’immédiat de ces événements exceptionnels. La «norme» acceptée étant le dirigisme comme méthode autoritaire imposée du sommet. Khrouchtchev lui-même commenta à quel point les ingénieurs placés sous les ordres du célèbre stakhanoviste Diukanov se plaignirent des « méthodes de direction» utilisés par celui-ci: «Si quelque chose n’allait pas droit ou quelque chose n’avait pas été fait, il n’avait qu’un seul argument : « Attention ou c’est la fessée ! » Et deux fois par jour, chacun de nous, les ingénieurs, allions le voir pour recevoir notre punition. »

Rogovin donne des exemples des antécédents pro-bourgeois de nombre de bureaucrates qui, après les Grandes Purges, gravirent les échelons sur les « traces » de Staline. Cette élite dirigeante qui est née de ces purges a dominé la société pendant un demi-siècle. Même après le XXe Congrès du PCUS un effort important a été fait afin d’empêcher d’enquêter sur les antécédents des purges, les crimes du régime stalinien, parce que cela aurait menacé les fondements de leur domination.

Le léger soulèvement d’un coin du voile par Khrouchtchev afin de révéler les crimes staliniens lors du soi-disant «dégel» a conduit à la révolution politique de 1956 en Hongrie. Terrifiée, la bureaucratie se sentant menacée a finalement retiré Khrouchtchev lui-même du pouvoir. Rogovin commente : «changeant continuellement leurs slogans, ces « héritiers des héritiers » de Staline ont conduit la nation avec les yeux bandés vers l’effondrement, le chaos économique, et la catastrophe politique. Ainsi, la Grande Purge rejaillissait sur le sort de notre pays un demi-siècle plus tard. »

L’orgie de propagande capitaliste qui a inondé la Russie post-1989 a pour le moment évincé les voix, telles celle de Rogovin, qui exigent un réel examen des procès de Moscou. Les héritiers bourgeois de la bureaucratie stalinienne qui ont conduit la société à l’impasse de la fin des années 1980 ne peuvent pas mener à bien cet examen. Par conséquent, dans le pays de la révolution d’Octobre et des géants qu’elle a produit, les véritables leçons de ces événements et sa dégénérescence ultérieure le long des lignes du stalinisme restent inconnus par la majorité. Trotsky est une figure calomniée dans la Russie contemporaine, en particulier par les parvenus pro-capitalistes nés de la bureaucratie. Dans leur étreinte enthousiaste du capitalisme, ils veulent faire disparaître toutes les vraies leçons du stalinisme et les procès de purge odieux. Mais le livre de Rogovin nous fournit les munitions politiques pour contrer cela.

La falsification délibérée par les pro-capitalistes

Dans le monde capitaliste, il y a une falsification délibérée du nombre réel de victimes tuées lors des purges, avec des comparaisons brutes faites au nombre de victimes d’Hitler. Rogovin démontre de façon détaillée et informée que le nombre de victimes de la purge est en réalité énormément exagéré.

Bien entendu, même une personne jugée et condamnée sur de fausses accusations est victime d’un crime. Mais le but de cette «thèse» capitaliste est d’accumuler de plus en plus de responsabilités sur les épaules du stalinisme et de ce fait, selon bon nombre de ces écrivains, du «bolchevisme» de ce terrible chapitre de l’histoire. La tâche de la nouvelle génération, en particulier de la classe ouvrière, est de trouver la vérité, sous le tas de mensonges et de distorsions, des vraies raisons des procès de Moscou, et le rôle de ses principaux accusés, Léon Trotsky et son fils, Sedov, afin d’expliquer les idées claires du socialisme enfin libre de l’influence du stalinisme, et de déployer la bannière de la démocratie ouvrière. Dans ce livre, Rogovin prend un pas de géant dans cette direction.

Sans contrôle conscient de la machine d’Etat par la classe ouvrière, même si cela résulte en une révolution, la tendance à la bureaucratie peut se développer. Et cela constitue un danger non pas uniquement dans les pays économiquement sous-développés – comme la Russie l’a montré-. Partout, même dans les pays industrialisés «avancés», les problèmes d’une couche bureaucratique conservatrice, dans les syndicats et dans le mouvement des travailleurs, se manifestent encore aujourd’hui. Aux lendemains d’une révolution réussie ces tendances même peuvent se manifester. Elles ne peuvent ainsi être vérifiées que par un programme de contrôle et de gestion des travailleurs.

Telle est la leçon du stalinisme et de l’importance aujourd’hui d’une compréhension claire des causes de son développement.

Trotsky a prédit qu’au lendemain de son renversement, des statues de Staline seraient renversées sur les places et dans les rues de Russie, et à leur endroit des plaques et des statues des héros de l’opposition de gauche seraient érigées, de celles et ceux qui ont combattu et péri à Vorkuta et dans les nombreuses autres chambres de torture du NKVD.

La première partie de sa prédiction a été remplie mais malheureusement pas la seconde. Il faudra une rénovation et la renaissance de la classe ouvrière russe, ainsi que celle de leurs frères et sœurs à l’échelle internationale pour que cela puisse se produire –ce qui sera fait. Trotsky, dans le temps, deviendra plus largement connu, notamment dans l’ex-URSS elle-même. Et cela, dans une large mesure sera dû aux efforts de l’auteur de ce livre, Vadim Rogovin.

La terreur de Staline de 1937-1938 : génocide politique en URSS, par Vadim Z. Rogovin, publié par Mehring Books, Oak Park, Michigan, États-Unis.

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