Etat des lieux de l’extrême-droite en Belgique: stoppons le danger avant que cela ne dérape!

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Le nombre d’actions de l’extrême-droite contre les réfugiés a augmenté ces dernières semaines. Il y a eu des manifestations à Gand, Zeebrugge et Louvain. Il ne s’agissait pas de grandes actions mais le message raciste était plus ouvertement mis en avant que par le passé. L’extrême-droite veut se profiler plus durement et dépasser les partis traditionnels. Faute de réponses sociales aux problèmes de la société, les partis traditionnels reportent eux aussi la responsabilité de la crise des réfugiés sur les réfugiés-mêmes. Dans les médias sociaux, on dirait que tous les égouts ont été ouverts pour laisser s’écouler un flot de racisme grossier. Le mouvement des travailleurs doit répondre à ce phénomène même si cela impose d’aller à contre-courant.

Par Geert Cool

Retour de l’extrême-droite?

Dans les sondages, le Vlaams Belang recommence à croître et la rhétorique devient plus rance. Le leader Dewinter l’a reconnu dans une interview dans le magazine Humo – dont la soif de sensationnel pousse visiblement à offrir un forum à l’extrême-droite. Il y déclarait : “J’entends des politiciens émettre des propositions pour lesquelles nous avons été condamnés dans le temps, des choses qui vont plus loin que notre programme en 70 points.” Et encore : “Les partis traditionnels roulent déjà à 120 km/h, faut-il qu’on passe à la vitesse supérieure et qu’on roule à 150, 160.”

Dans la partie francophone de notre pays, il n’y a pas encore de grande force d’extrême-droite, mais le potentiel est là, ce qui a déjà été confirmé à maintes reprises. Des sondages qui évaluaient le soutien à Marine Le Pen et au FN français donnaient, ces derniers mois, 25 à 30% à Bruxelles et en Wallonie. C’est plus significatif qu’il y a quelques années.

Ailleurs en Europe, les forces d’extrême-droite et de droite populiste enregistrent aussi de hauts scores. Des sondages pour les élections présidentielles françaises de l’année prochaine indiquent que Marine Le Pen pourrait être présente au deuxième tour et passer le premier tour avec 25 à 28%. Aux Pays-Bas, les sondages placent le PVV de Wilders en première place.

En Europe de l’Est, les néo-nazis ne se débrouillent pas mal. En Slovaquie, le parti anti-Roms du néo-nazi Kotleba a récemment récolté 8% des voix. Le parti traditionnel de l’extrême-droite SNS a également dépassé les 8%. Le site belge d’extrême-droite ‘‘Rechts Actueel’’ situait Kotleba et son SNS comme suit : “Même Aube Dorée est facilement intellectuellement supérieure à Kotleba.”

La crise du capitalisme renforce le racisme

Une réponse du mouvement des travailleurs doit être renforcée. Il faut développer le mouvement anti-guerre, y compris pour s’opposer à la participation de la Belgique aux guerres en Afghanistan, en Irak, en Lybie et bientôt en Syrie, est nécessaire. Ce n’est pas par hasard que ce sont les pays d’où proviennent la plupart des réfugiés. Il faut aussi activement lutter contre la politique d’austérité, qui sape les conditions de vie de la majorité de la population. Les politiciens traditionnels reportent trop facilement la responsabilité sur les réfugiés alors que ce sont les nombreux cadeaux aux grandes entreprises qui favorisent le développement du fossé entre les super riches et le reste de la population.

L’extrême droite veut profiter de la situation pour se renforcer. Cela peut conduire à une polarisation où l’attention se focalise sur les réfugiés et à l’augmentation de la violence raciste. Rien que l’année dernière, il y a eu plus de 1000 faits de violence contre des centres de réfugiés en Allemagne. Laisser le champ libre à l’extrême-droite signifie d’encourager cette violence. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous accordons de l’importance aux actions contre l’extrême-droite, comme nous l’avons fait à Gand où nous avons tout mis en œuvre pour parvenir à constituer une plateforme pour une marche de la solidarité le 21 février. Le succès de cette action a rendu d’autres marches possibles à Zeebrugge (le 6 mars) et à Louvain (le 17 mars).

Nous profitons de la mobilisation pour ces manifestations pour aborder nos solutions pour la crise des réfugiés et l’austérité. Une simple prise de position morale ne suffit pas. La crise capitaliste mène à une société plus dure. Sans aller à l’encontre du capitalisme et sans défendre une société où les moyens seraient disponibles pour satisfaire les besoins de la majorité sociale, il ne sera pas possible de mettre définitivement un terme au racisme et à d’autres formes de division. La crise capitaliste renforce l’espace pour les préjugés racistes, alors que le racisme est un obstacle dans la lutte contre le capitalisme puisqu’il détourne l’attention des véritables responsables de la crise.

D’où vient le danger ? Petit who’s who de l’extrême-droite.

Les actions de l’extrême-droite de ces derniers mois ont été organisées par Pegida, le Voorpost, le NSV,… avec, à chaque fois, des délégations du Vlaams Belang mais aussi des néo-nazis. Petit aperçu de ces groupes.

Pegida: un nouveau venu?

Après les actions réussies de Pegida (‘Européens Patriotes contre l’islamisation de l’Occident’) en Allemagne, l’extrême-droite a pris la même voie dans le reste de l’Europe. En Flandre aussi. Du côté francophone, les tentatives n’ont rien donné. La concurrence fut rude pour le contrôle de la franchise. Des éléments plus radicaux s’en sont mêlés mais, finalement, c’est le Vlaams Belang qui a raflé l’essentiel de la mise.

Parmi les organisateurs centraux de Pegida-Vlaanderen, nous retrouvons le duo Rob Verreycken et Bert Deckers, tous les deux anciens membres du Vlaams Belang. Maintenant qu’ils ne sont plus liés au parti par leur emploi, ils osent se montrer plus radicaux. Lorsqu’ils ont cherché à monter le groupe ‘Vlaanderen Identitair’ (pendant flamand de Nation), ils avaient notamment organisé un meeting avec Aube Dorée. Rob Verreycken travaille actuellement comme assistant parlementaire de l’eurodéputé néonazi allemand Udo Voigt (NPD).

A la manifestation de Pegida à Anvers, le 9 janvier dernier, le Vlaams Belang était dominant mais on trouvait aussi des groupes néo-nazis originaires des Pays-Bas. De nouvelles couches n’ont pas été attirées et même les organisateurs sont des habitués des milieux d’extrême-droite.

Les anciennes organisations: NSV, Voorpost, …

Le 21 février, le Voorpost manifestait à Gand. Cette organisation sert souvent de service d’ordre au Vlaams Belang et aux groupes apparentés. Le public n’était pas très différent de celui présent lors de la marche antérieure de Pegida à Anvers. Le Voorpost a été dirigé pendant des années par Luc Vermeulen qui, en même temps, travaillait pour le Vlaams Belang. Vermeulen est maintenant pensionné, mais il continue à participer aux actions. Son successeur est le Gantois Nick Van Mieghem, condamné en 2015 pour slogans racistes. Lors de la manifestation du Voorpost, le leader du VB Dewinter défilait sans souci aux côtés de néo-nazis qui témoignent de leur admiration pour Hitler. La photo ci-contre montre Dewinter à côté d’un néo-nazi portant la combinaison de chiffres 88 sur sa veste, en référence à la huitième lettre de l’alphabet et à ‘Heil Hitler’. Belle compagnie…

Le 17 mars, c’était au tour des étudiants du Vlaams Belang: l’association des étudiants nationalistes / Nationalistische Studentenvereniging (NSV). Le NSV manifestait à Louvain sous le même slogan que Pegida à Anvers et Zeebrugge et le Voorpost à Gand. Ces dernières années, le NSV a rencontré des difficultés aux universités. Le groupe estudiantin a perdu de sa dynamique et sa manifestation annuelle est de plus en plus petite. Cela rend la protestation à leur encontre moins évidente parce que moins concrète. Le NSV espère maintenant pouvoir profiter des mobilisations contre les réfugiés pour se refaire une nouvelle santé. Le Vlaams Belang ayant électoralement perdu de sa superbe, il n’est pas exclus qu’une voie plus radicale et plus violente soit choisie.

Les problèmes de Nation

Le groupe autour d’Hervé Van Laethem (ancien membre de la milice privée interdite Vlaamse Militanten Orde et du groupe L’Assaut) a essayé, ces dernières années, de s’ériger comme force francophone la plus dynamique. Cela a vite conduit à un exemple flagrant de surestimation personnelle et au passage à la violence. Le 1er juin 2015, un sans-abri a été passé à tabac au Parlement européen après qu’une provocation contre une action des sans-papiers ait échoué. Cela a occasionné de lourdes amendes et à des tensions internes. La tentative de mettre en place un pendant flamand sous le nom de ‘Vlaanderen Identitair’ a été mise au frigo.

Nationalistes autonomes et autres nazis

Enfin, il y a divers plus petits groupes de néo-nazis. Ces groupes vont et viennent très rapidement. Le dernier groupe était celui des ‘‘Autonome Nationalisten’’ (Nationalistes autonomes) dirigés par le criminel condamné Chris Berteryan, qui était déjà actif dans les années 1990 et a participé à des tentatives d’intimidation de notre campagne antifasciste flamande Blokbuster, en particulier à Bruges.

Ces tentatives ont échoué grâce à la mobilisation active contre la violence d’extrême-droite. Berteryan a croupi en prison pendant des années pour attaques à main armée et possession de drogues et il y retournera bientôt: début mars, il a été condamné à six mois de détention et à une amende de 600 euros pour avoir collé des autocollants nazis à la caserne de Dossin, à Malines. Les ‘‘Autonome Nationalisten’’ vont-ils disparaître suite à cela comme ce fut le cas de son ‘Odal actiecomité’ (Comité d’action Odal) lors de son précédent séjour en prison ? Cela pourrait offrir un espace pour la Nieuw-Solidaristisch Alternatief (N-SA) d’Eddy Hermy, mais il est détesté des autres néo-nazis et donc très isolé.

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