Le cruel système capitaliste est responsable de la crise des réfugiés

La campagne référendaire pour le maintien ou nom de la Grande-Bretagne dans l'Union Européenne se prépare et la question des migrations a été placée au centre du débat par les campagnes pro-big business tant du côté du maintien que de celui de la sortie. Certains de ceux qui sont – à juste titre – repoussés par le nationalisme de la campagne capitaliste pour quitter l'UE seront tentés de voter pour rester en son sein dans l'espoir que cela puisse être synonyme d'une attitude plus humaine envers les réfugiés fuyant la guerre.

Éditorial de l’hebdomadaire The Socialist, journal du Socialist Party (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles) 

Mais la vérité est toute différente. La discussion portant sur les réfugiés menace de déchirer l’UE, elle met en évidence à quel point les politiciens capitalistes – européens ou non – sont incapables d’offrir une solution à la crise des réfugiés. Ils tentent tous de se décharger du problème sur d’autres pays que le leur, tout en laissant les réfugiés vivre dans des conditions inhumaines effroyables.

Les politiciens capitalistes à l’échelle continentale se présentent comme des «durs sur la migration» en jouant sur les craintes des travailleurs quant à la capacité des services publics à faire face à une augmentation du nombre de réfugiés, services publics dont les budgets été coupés jusqu’à l’os par ces mêmes politiciens capitalistes.

Contrairement à la propagande des gouvernements capitalistes, la plupart de ceux qui tentent d’atteindre l’Europe n’ont entamé un tel périple qu’en conséquence d’une situation véritablement désespérée. Parmi ceux qui arrivent d’abord en Grèce (actuellement plus de la moitié du total) plus de 85% sont issus de Syrie, d’Afghanistan, d’Irak et de Somalie. Dans tous ces pays, l’intervention militaire occidentale a contribué à créer les situations de cauchemar qui contraignent maintenant la population à prendre la fuite. La plupart n’atteindront jamais l’Europe. Autour de six millions et demi de réfugiés syriens sont par exemple déplacés à l’intérieur même du pays.

La guerre d’Irak

Le gouvernement travailliste de Grande-Bretagne dirigé par Tony Blair a pris part à l’invasion de l’Irak en 2003 malgré l’opposition massive de la population, intervention qui a marqué le début de l’enfer sur terre qui a depuis lors englouti une bonne partie du Moyen-Orient – surtout la Syrie. L’actuel gouvernement britannique conservateur de David Cameron a rejoint les bombardements effectués par les USA en Syrie aux côtés de la France et d’autres pays. Cela ne fera rien pour ramener la paix en Syrie, cela ne fera qu’augmenter la mort, la misère et le nombre de réfugiés contraints de fuir pour sauver leur vie.

Et cela coûte une fortune – 438.000 £ (environ 556.000 euros) par raid aérien selon le journal Metro. Alors qu’une fortune est dépensée pour faire pleuvoir la mort sur les Syriens, peu d’entre eux se voient accorder l’asile. Au cours du dernier trimestre de 2015, après que Cameron ait été forcé de promettre d’aider les demandeurs d’asiles syriens sous la pression publique, seuls 339 d’entre eux ont reçu le statut de réfugié par le gouvernement britannique.

Mais l’UE n’est pas non plus un havre pour les réfugiés: elle n’est pas connue sous le nom d’Europe-Forteresse pour rien. La tragédie des réfugiés qui se noient dans la Méditerranée a précisément été causée par la politique de l’UE au cours de ces dernières années.

La construction de murs énormes, gardés par des soldats armés, a stoppé les gens qui traversent l’Europe par voie terrestre, ils ont donc pris la mer. Les politiciens capitalistes d’Europe, y compris le gouvernement britannique, ont réagi en réduisant le nombre de navires de sauvetage. La logique barbare de l’argument était que si plus de réfugiés se noient, cela convaincra les autres de ne pas venir.

Cette incroyable cruauté n’a bien entendu pas fonctionné. Le nombre de noyés a augmenté de façon exponentielle. En avril 2015, 1.308 migrants sont soupçonnés d’être décédés de cette façon, contre 42 dans le mois d’avril précédent, quand les bateaux de l’opération Mare Nostrum étaient encore en activité.

L’été dernier, les politiciens capitalistes ont temporairement changé leur fusil d’épaule face à la clameur publique qui a suivi les photographies d’un enfant en bas âge syrien noyé, Aylan Kurdi. Un certain nombre de pays – en particulier l’Allemagne – ont assoupli leurs frontières et ont permis à plus de réfugiés d’entrer. Cette phase n’a cependant pas duré longtemps.

Rapidement les différents pays de l’UE ont commencé à se chamailler en essayant de se décharger des réfugiés. L’accord de Schengen censé permettre la libre circulation dans de grandes parties de l’UE (sans la Grande-Bretagne) a été suspendu dans les faits alors que divers pays ont réintroduit des contrôles à leurs frontières nationales les uns après les autres.

L’Etat turc

La dernière ruse qui a émergé d’un sommet de l’UE est d’essayer de payer le gouvernement turc pour qu’il agisse comme une police des frontières en retenant les réfugiés qui tentent d’atteindre l’Europe. En retour, les dirigeants européens ont promis 6 milliards € d’aide à l’Etat turc (bien que l’engagement précédent de 3 milliards € n’a toujours pas été effectivement payé) et d’accélérer les négociations d’adhésion à l’UE.

En outre, pour chaque individu renvoyé dans l’Etat turc, l’UE a accepté de prendre un réfugié syrien de ce pays (où il y en a actuellement plus de 600.000). Ce plan désespéré sera un cauchemar logistique quand il faudra le mettre en oeuvre.

Cela n’incitera pas non plus le gouvernement Erdogan à essayer d’arrêter les bateaux de réfugiés qui partaient pour la Grèce. Au contraire, l’Etat turc peut conclure que permettre aux bateaux de partir forcera l’UE à accepter plus de Syriens.

Dans leur désespoir pour se décharger de la crise des réfugiés sur l’Etat turc, l’UE a fermé les yeux sur le caractère antidémocratique du régime turc et la guerre qu’il mène contre le peuple kurde. Le gouvernement turc est encore récemment intervenu pour reprendre en main le plus grand journal du pays parce qu’il avait osé le critiquer.

Le gouvernement turc mène une guerre civile brutale contre le peuple kurde dans le sud-est du pays qui a fait des centaines de morts. Il a également été bombarder des villages contrôlés par les Kurdes en Syrie, ce qui a efficacement aidé l’Etat Islamique (Daesh). Les puissances européennes n’ont rien fait de plus que de doucement réprimander le président Erdogan pour ce crime.

Les propositions de l’UE visent aussi à transformer la Grèce en un enclos géant – un camp de prisonniers en réalité – pour les réfugiés. Il y aura bientôt environ 70.000 réfugiés bloqués en Grèce suite à la fermeture de la frontière de la Grèce avec la Macédoine. Cette décision n’a pas été prise par le gouvernement macédonien à lui seul, elle provient d’un «mini-sommet» qui a réuni les autorités autrichiennes et les Etats d’Europe centrale et orientale. La Grèce n’a même pas été invitée.

La grande majorité des réfugiés n’a pas pour objectif de rester en Grèce mais de traverser le pays pour se rendre en Europe du Nord. Ils se retrouvent maintenant affamés et sans abri dans les rues de Grèce. La Grèce souffre déjà des conséquences d’une vicieuse politique d’austérité imposée par l’UE, avec plus de 50% de taux de chômage parmi les jeunes et le salaire moyen qui a chuté de plus d’un tiers. Le pays est maintenant censé se débrouiller avec les réfugiés qui parviennent à atteindre l’Europe .

Le contrôle des décisions d’accorder ou non l’asile ne peut pas être laissé entre les mains des conservateurs ou des gouvernements tout aussi impitoyables du reste de l’UE. Le mouvement des travailleurs à travers l’Europe devrait exiger que des comités élus des travailleurs, avec des représentants des organisations de migrants, disposent du droit d’examiner les demandes d’asile et d’accorder l’asile.

Beaucoup de gens de la classe ouvrière – en Grèce, mais aussi en Grande-Bretagne et dans d’autres pays – estiment qu’alors qu’ils sympathisent avec les souffrances des réfugiés les services publics de leur pays et l’offre de logements ne peuvent pas faire face au nombre de personnes à la recherche d’un abri. Cette idée est martelée par les politiciens de droite qui racontent constamment que si les travailleurs ne sont pas assez payés ou ne peuvent pas trouver de logement ou d’emploi décent, c’est à cause des migrants.

Les plus pauvres

Parallèlement, ce sont généralement les communautés les plus pauvres de la société qui doivent accueillir les réfugiés. En Grande-Bretagne, par exemple, les entreprises privées sur lesquelles le gouvernement s’est déchargé de la responsabilité des réfugiés en matière de logement ont un «modèle d’affaires» pour loger les réfugiés dans des logements compris dans les endroits de Grande-Bretagne où les loyers sont les plus bas.

Pendant ce temps, dans les arrondissements les plus riches de Londres, il y a environ 75.000 propriétés résidentielles inoccupées, la plupart appartenant à des spéculateurs uniquement intéressés par les profits qu’ils peuvent réaliser. Si les maisons appartenant aux spéculateurs étaient réquisitionnées par le gouvernement, cela permettrait de fournir des logements tant pour les 68.000 ménages actuellement enregistrés comme sans-abri en Grande-Bretagne que pour les réfugiés.

Les réfugiés et les migrants ne sont pas responsables de l’austérité sans fin que nous avons enduré en Grande-Bretagne et dans toute l’UE. En Grande-Bretagne 80 milliards £ (environ 100 milliards d’euros) ont été coupés des dépenses publiques sous le précédent gouvernement de David Cameron (où les conservateurs étaient en coalition avec les Libéraux-Démocrates). Ce montant est identique à celui des bonus reçus par les banquiers depuis que la crise économique a commencé.

Si nous laissons les gouvernements européens rejeter à tort la responsabilité de l’austérité sur les migrants au lieu de pointer du doigt le système capitaliste en crise et les banquiers et milliardaires qui en bénéficient, les capitalistes vont réussir à broyer nos conditions de vie. Il est vital que le mouvement des travailleurs offre une issue faute de quoi l’extrême droite pourra en profiter.

Le fait que l’UE soit en pleine crise existentielle devant son incapacité d’accueillir environ un million de réfugiés sur une population totale de 500 millions est une vibrante condamnation du projet capitaliste européen. Pourtant, selon le journal The Guardian, il y a onze millions de foyers inoccupés dans l’UE, soit assez pour résoudre la crise du logement de la population et abriter les réfugiés.

La richesse existe pour fournir une aide aux réfugiés – mais elle ne doit pas être recherchée dans les poches de ceux qui souffrent déjà d’austérité. Cette richesse, il faut la saisir dans les caisses du pourcent le plus riche de la société, à la fois en Grande-Bretagne et à l’étranger. Abdullah Kurdi, le père des tout-petits qui se sont noyés dans l’été, a ainsi souligné que les régimes du Moyen-Orient ne font rien non plus pour aider les réfugiés, pas même reconnaître le droit d’asile dans leur pays.

Le référendum sur l’appartenance à l’Union Européenne

De vastes sommes détenues par les élites milliardaires d’Arabie Saoudite et d’autres régimes du Moyen-Orient sont placées au loin en Grande-Bretagne et dans d’autres pays européens. Plus de 80% des propriétés d’une valeur de plus de 2 millions de £ à Londres sont propriétés de personnes issues des milieux d’affaires de l’étranger, dont beaucoup du Moyen-Orient. Les richesses des élites du Moyen-Orient en Europe devraient être elles aussi saisies pour s’occuper des réfugiés qui fuient leurs régimes et leurs guerres.

The Socialist (hebdomadaire de la section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Angleterre et au Pays de Galles) exhorte ses lecteurs à voter en faveur de la sortie de l’UE lors du prochain référendum sur cette question, sur une base socialiste et internationaliste. L’UE, comme le démontre le traitement réservé aux réfugiés, n’est pas internationaliste.

C’est en substance un rassemblement de grandes entreprises à travers l’Europe afin de maximiser les marchés et les profits. Loin d’aboutir à l’harmonie européenne, comme l’illustre la crise actuelle des réfugiés, tout problème grave conduit à une augmentation des tensions nationalistes alors que les différentes classes capitalistes d’Europe tentent d’assurer qu’elles ne doivent pas supporter le fardeau.

Les lois et les traités de l’UE sont conçus pour aider les classes capitalistes d’Europe au détriment de la classe ouvrière et des pauvres. En conséquence de quoi les plus modestes propositions visant à faire payer le 1% le plus plus riche de la société pour la crise seraient déclarées illégales en vertu du droit de l’UE. Bien sûr, cela ne suffirait pas pour empêcher un gouvernement socialiste déterminé à mettre en oeuvre de telles politiques, mais cela représenterait une difficulté supplémentaire à surmonter.

Un gouvernement qui instaurerait une politique véritablement socialiste ne serait pas isolé. Il serait même extrêmement populaire, non seulement dans son pays mais aussi à l’échelle internationale. Il serait en mesure de lancer un appel international pour mobiliser le soutien des travailleurs à travers l’Europe et le monde.

La seule manière de mettre définitivement fin à la crise des réfugiés est de se battre pour un monde socialiste démocratique. Il y aura toujours des gens contraints de fuir leur pays, non pas par choix, mais en désespoir de cause à la suite de guerres, d’une catastrophe environnementale et de famines en restant dans le cadre du système capitaliste.

Une société socialiste pourrait exploiter les richesses, la science et la technique créées par le capitalisme pour satisfaire les besoins de la majorité de la population à travers le monde. Ce n’est que sur cette base qu’il serait possible de disposer d’un monde où les gens seront libres de se déplacer s’ils le souhaitent et non pas pour fuir un cauchemar.

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