Un “Pacte de solidarité” après le “Pacte des générations” ?

Les six organisations patronales belges (d’entreprises et de classes moyennes, nationales et régionales) ont présenté en commun un « pacte de solidarité » dans lequel elles présentent leur vision commune des réformes nécessaires pour assurer l’avenir de « notre » prospérité. Les organisations patronales veulent 500.000 emplois supplémentaires d’ici 2020.

Karel Mortier

Ce Pacte de Solidarité réclame pour cela une poursuite des baisses de charges, une flexibilisation accrue du marché du travail et un « assainissement » de l’administration: «la politique doit alléger au maximum toutes les charges qui pèsent sur les entreprises.» En langage compréhensible : la collectivité doit surtout se mettre au service des employeurs.

Danger : flexicurité en vue !

Les employeurs introduisent aussi la notion de flexicurité dans notre pays. Ce mot barbare signifie une activation acharnée des chômeurs combinée à une formation aux frais de la communauté afin d’assurer que celui dont l’emploi devient superflu soit préparé dans un délai minimal à devenir rentable à un autre poste de travail. Dans cet objectif, les patrons veulent « moderniser » la législation des licenciements (lisez : l’assouplir notamment en raccourcissant la durée des préavis), augmenter les allocations de chômage – qu’ils appellent de façon subtile «l’assurance» de chômage – mais en les limitant à une durée fixée à l’avance et en les rendant dépendantes de la volonté du chômeur à se former afin d’atteindre non pas une sécurité d’emploi, mais au moins une sécurité « de travail » maximale (en acceptant donc de voler d’un emploi à l’autre).

Toutes les organisations patronales nationales et régionales sont aussi tombées d’accord sur le fait qu’une réforme d’Etat est nécessaire pour que les régions obtiennent plus de compétences parce que les différences économiques entre les régions sont, selon elles, trop grandes pour qu’une politique commune puisse être menée. « Les choix politiques, socio-économiques et écologiques peuvent être plus efficaces quand ils sont à la mesure des différents besoins des entreprises de chaque région. » On ne mentionne ainsi plus dans ce texte d’économie belge, mais bien trois économies distinctes qui demandent chacune leur propre politique.

Les employeurs plaident donc pour « responsabiliser » les régions en leur accordant plus d’autonomie sur le plan du marché du travail et de la politique fiscale. Les patrons sont en fait tombés d’accord sur le fait une concurrence fiscale et sociale entre régions peut leur rapporter plus.

Les conséquences de la politique néolibérale

Le patronat veut donc accélérer la politique néolibérale. Nous connaissons pourtant bien les conséquences de cette politique au cours de ces 25 dernières années.

Bien que plus de personnes soient au travail, 15% de la population vivent en dessous du seuil de pauvreté, contre 6% dans les années ‘80. Un célibataire dépendant du CPAS, avec 684 euros par mois, vit par définition en dessous du seuil de pauvreté de 822 euros.

Le nombre de personnes faisant appel aux banques de nourriture a augmenté sans cesse 13 ans d’affilée. En 2006, 106.900 personnes ont eu recours aux colis alimentaires, contre 70.000 en 1995.

Celui qui s’en sort mieux n’échappe pas nécessairement à cette spirale. La centrale de crédit de la Banque Nationale a constaté fin 2007 plus 7,5 millions d’accords de crédit. C’est surtout le nombre d’achats à crédit pour de petits montants qui a fortement augmenté ces dernières années (de 75% entre 2003 et 2007). Par rapport à 2000, le nombre de familles qui ont eu recours au CPAS afin de s’en sortir avec leur budget a augmenté de 49%.

Entre-temps, la réaction des syndicats face aux attaques systématiques des patrons se fait attendre. Un communiqué de presse ou une interview apparaît de temps en temps mais pour le reste, ils restent très silencieux. La discussion autour de la réforme d’Etat paralyse la politique belge depuis presque un an maintenant et les syndicats n’ont toujours pas de réponse commune, ne parlons même pas d’alternative. Les organisations patronales ont donc le champ libre pour leur propagande car les syndicats leur laissent la place dans le débat politique…

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