‘‘Les cheminots qui font grève sont les activistes climatiques du 21e siècle’’

socialistchange_01La citation est de l’activiste bien connue Naomi Klein qui est l’auteure de quelques livres, le dernier étant consacré au changement climatique. Cette citation donne une idée des enjeux politiques de la lutte contre le changement climatique qui se sont péniblement heurtés aux maigres résultats de la COP21. Dans cet article, nous évaluerons l’accord de la COP21 et nous reviendrons sur les défis les plus importants pour le mouvement environnemental.

Par Michael Bouchez, article issu du mensuel Lutte Socialiste

Au bout du compte, l’acquis le plus important de la COP21 a été l’implication de milliers de personnes et d’organisations dans les protestations en marge du sommet. Ils ont une fois de plus illustré que les conséquences du changement climatique et du réchauffement de l’atmosphère préoccupent des millions de gens qui attendent des solutions réelles avec impatience. Cette nécessité et cette espérance pour une réponse radicale ont, malgré l’état d’urgence en France et à Bruxelles, attiré plus de 10.000 de manifestants à Ostende tandis que des centaines de milliers de manifestants se réunissaient dans d’autres pays et que plusieurs manifestations prenaient place à Paris.

Contrairement aux politiciens et médias dominants et leurs messages de victoire, la plupart des activistes climatiques sont très réalistes : les gouvernements et les parties prenantes dans les pourparlers climatiques n’ont offert aucune réponse au changement climatique (voir ci-dessous). Beaucoup d’activistes ne sont plus surpris de le constater, mais cela ne doit pas conduire à la passivité ou à l’abattement. Au contraire, nous ferions mieux d’en tirer les conclusions pour armer le mouvement en lui donnant des revendications politiques puisqu’il s’est avéré pour la énième fois que les gouvernements n’arriveront pas à proposer de solutions qui vont à l’encontre du secteur pétrolier, des lobby nucléaires et des multinationales.

Durant la COP21, le capitalisme vert a été promu par un grand nombre de lobbies, de multinationales pétrolières,… qui ont saisi l’occasion pour se parer d’un verni écolo. Entretemps, de nombreux exemples viennent constamment se rajouter à une longue liste illustrant les effets néfastes du marché libre sur l’environnement. Le scandale de fraude aux normes écologiques n’est plus limité à VW, la pratique semble également être partagée chez Opel et Renault. Il n’y a pas que le climat qui est compromis par l’appât du gain, il en va de même avec la santé publique. A Flint, dans l’Etat américain du Michigan, l’état d’urgence a été décrété à la suite des effets de l’austérité dans l’approvisionnement en eau de la ville. L’eau potable était infectée de concentrations de plomb dramatiquement élevées (voir ci-dessous).

Notre propre gouvernement suit la même logique. La politique d’austérité dans les transports publics est à l’ordre du jour. La ministre Galant veut couper 3 milliards d’euros dans les chemins de fer d’ici 2019. Cela provoquerait la perte de 6.000 emplois chez Infrabel, la SNCB et HR-rail. L’idée est de préparer la SNCB à la privatisation. La formule est bien connue en Grande-Bretagne : les prix y sont parfois 5 fois plus élevés qu’en Belgique et les trains roulent beaucoup moins fréquemment. Comment cela pourrait-il stimuler les transports en commun ? Parallèlement à ça, bouchons et embouteillages provoquent énormément d’émissions de CO2, mais les voitures de société sont subventionnées à hauteur de 4 milliards d’euros. Y toucher est un tabou pour ce gouvernement de droite. Les dépenses pour ces subventions doivent apparemment être récupérées via les coupes budgétaires dans la SNCB. Du transport polluant est donc subventionné au détriment du transport collectif… À quelle logique avons-nous affaire ? Des investissements dans les transports en commun pourraient les rendre plus attractifs, efficaces et respectueux de l’environnement, mais les services publics n’offrent pas autant de bénéfices aux entreprises et ne présentent donc aucun intérêt pour notre gouvernement néolibéral.

La question est donc de savoir comment le mouvement en défense de l’environnement pourrait coupler ses revendications à la défense des services publics comme la SNCB. Est-ce qu’on continuera à nous faire croire que le marché libre et ses représentants politiques sont capables d’offrir une réponse ? Seules des revendications liant l’écologie au contrôle démocratique des moyens de production et à des investissements dans les services publics sont capables d’unir les masses pour construire un large front dans lequel le mouvement des travailleurs aura à jouer un rôle central.

Naomi Klein l’a déclaré sans ambiguïté : les cheminots en grève sont les activistes environnementaux du 21e siècle. En s’opposant à la casse des services, ils défendent des solutions respectueuses de l’environnement. Pourtant, la grève des cheminots a été condamnée par la majeure partie des journalistes, qui avaient visiblement rapidement oublié leur indignation lorsque les représentants belges se sont rendus à la COP21 sans qu’un accord n’ait été conclu entre les régions et donc sans contribution à formuler par le gouvernement fédéral. Les multiples dossiers concernant la COP21, les messages catastrophiques sur le changement climatique… n’étaient apparemment que du “remplissage”. Dès que les premières actions ont pris place autour de revendications qui pourraient réellement jouer un rôle contre les émissions de gaz polluants, les journalistes ont vite oublié ce qu’ils avaient précédemment écrit.

Défendre notre environnement fait partie intégrante du combat pour un système centré sur les besoins et les intérêts de la majorité de la population plutôt que sur la soif de profits d’une élite sans cesse plus restreinte. Le mouvement écologiste doit soutenir la lutte des travailleurs des différents secteurs afin de construire des liens qui seront précieux pour les manifestations écologistes. De la même manière que nous avons arraché nos conquêtes sociales grâce à la mobilisation du mouvement des travailleurs, la lutte contre le capitalisme permettra d’obtenir une société plus saine pour la planète.


 

COP21 : un accord historique ?

Il faudrait beaucoup de bonne volonté de la part des activistes climatiques pour qualifier d’historique l’accord du sommet de Paris. Des recommandations existent bien, sans aucune proposition chiffrée ou obligatoire. On parle de ‘‘responsabilités communes mais différenciées’’ et de ‘‘capacités respectives’’, ce qui masque que les efforts sont subordonnés aux intérêts économiques de l’élite de l’un ou l’autre pays. L’accord “invite” les différentes parties ou “leur conseille” de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre les effets du réchauffement climatique “à leur propre discrétion” et en fonction de “leur propre potentiel”.

La réalisation de cette responsabilité se produirait grâce à des objectifs de réductions plus élevés – qui ne sont par ailleurs pas mis en œuvre – et par une promesse de financement climat de 100 milliards de dollars pour aider les pays plus pauvres. Ce financement de 100 milliards est présenté comme une contribution énorme des pays riches. En réalité, il est loin en-dessous des besoins et fait pâle figure à côté des 498 milliards de dollars de subsides annuels pour les énergies fossiles (chiffres de 2013). À cause de la pression entre autres de l’Arabie Saoudite et de l’industrie pétrolière, on n’a rien dit sur les combustibles fossiles. Le commerce des droits d’émissions de carbone peut aussi tranquillement se poursuivre.

Au sujet des décisions d’apparence radicale, comme la réduction du seuil critique concernant l’augmentation des températures pour 2050 à 1,5 degrés Celsius au lieu de 2 degrés, on constate juste que l’accord ne montre en aucune manière comment réaliser cet objectif plus contraignant. Au contraire, sur base des promesses d’efforts proposés à la COP21, des scientifiques ont estimé qu’on arrivera à une augmentation de 2,7 degrés pour 2050! La première évaluation est prévue en 2023, et aucune sanction n’est prévue pour les pays qui n’atteindraient pas leurs objectifs.


Le saturnisme à Flint, Michigan

A Flint, dans le Michigan, l’approvisionnement en eau a été réorganisé en 2014 afin de réduire les coûts, et s’est fait depuis la rivière à Flint plutôt qu’à partir de Detroit comme cela se faisait auparavant. Cependant, l’eau de la rivière était tellement corrosive qu’elle absorbait le plomb des conduites d’eau usées, qui finissait dans l’eau potable des ménages. Des tests ont démontré que l’eau contenait tellement de plomb qu’elle pouvait être considérée comme un déchet toxique. Résultat : 12.000 personnes ont un taux de plomb trop élevé dans leur sang, il y a eu une dizaine de morts et de nombreux malades.

Une pollution pareille n’est pas insurmontable. C’est le résultat d’un choix politique guidé par la maximisation des profits plutôt que par le souci d’offrir le meilleur service aux citoyens en investissant dans un approvisionnement en eau correct. Pendant plusieurs mois, les plaintes des habitants ont été ignorées. Lorsqu’on s’attaque aux ‘‘coûts’’ des services publics, ce sont les moins riches qui en pâtissent les premiers. Le réalisateur Michael Moore, originaire de Flint, a déclaré à juste titre que ceci n’était pas simplement une crise de l’eau, mais surtout une crise de la pauvreté et une crise raciale. Flint est en effet l’une des villes les plus pauvres des États-Unis, au quatrième taux de chômage le plus élevé du pays, et 53 % de ceux qui en souffrent son afro-américains.

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