Sans-papiers
La déclaration gouvernementale a suscité des espoirs parmi les sans-papiers… et surtout parmi leurs défenseurs belges. Une avancée a en effet été obtenue. Désormais, on tiendra compte de l’ « ancrage local » comme critère de régularisation. Est-ce suffisant pour crier victoire ?
Malheureusement, ce progrès reste très limité. Il n’y a toujours pas de loi qui reprenne les critères de régularisation. La commission indépendante qui devrait statuer sur les demandes de régularisation reste à l’état de projet. Il n’y a rien qui annonce un changement en matière d’expulsions et de détention dans les centres fermés (même pour les enfants) et encore moins de régularisation générale des sans-papiers. Et le dossier de l’asile et des sans-papiers reste dans les mains d’une ministre libérale flamande, Annemie Turtelboom.
Or, son prédécesseur Patrick Dewael, lui aussi VLD, a bloqué toute avancée sur la régularisation pendant quatre ans, malgré les mobilisations massives des sans-papiers, les occupations de dizaines d’églises, le développement d’un large mouvement de soutien dans la population. L’arbitraire est resté total dans les décisions d’expulsions et de régularisation. La seule chose qui a pu faire fléchir partiellement le gouvernement, ce sont les grèves de la faim de plusieurs semaines menées par de sans-papiers. Et encore, bien des promesses faites solennellement à ces occasions n’ont pas été tenues par la suite.
Pourquoi la droite, VLD en tête, est-elle aussi opposée à la régularisation ? Pour deux raisons principalement. L’une est politique. Mis sous pression par le Vlaams Belang, les libéraux flamands veulent garder l’image du shérif qui fait respecter la loi et expulse les clandestins. L’autre est économique. Une partie du patronat profite abondamment du travail clandestin, surtout dans la construction et l’horeca. Pour ces patrons, les sans-papiers sont la main-d’œuvre idéale, obligée d’accepter des bas salaires et des heures supplémentaires à gogo, de ne pas avoir de sécurité sociale,… et qui n’ose pas réclamer par peur de la police et des expulsions. Ces patrons font pression sur les partis de droite pour qu’ils bloquent toute régularisation parce que celle-ci ferait disparaître une grande partie des avantages qu’apporte la clandestinité aux patrons.
Sous Leterme comme sous Verhofstadt, les actions et les manifestations resteront le meilleur moyen pour empêcher les expulsions et pour avancer vers une régularisation générale des sans-papiers. Mais face au blocage imposé par la droite et le patronat, la solidarité humanitaire ne suffit pas. C’est surtout par la syndicalisation des sans-papiers et en mobilisant les syndicats qu’on pourra construire un rapport de forces qui pourra imposer la régularisation générale des sans-papiers et le droit au travail et à une vie décente pour tous, quelle que soit la nationalité.