L’avenir de Bombardier à Brugges est incertain.

Selon le journal « De Standaard », la SNCB a entrepris des pourparlers avec l’entreprise allemande Siemens pour la livraison de rames pour le Réseau Express Régional de Bruxelles pour un montant de plus d’un milliard et demi d’euros. Cette nouvelle a de suite inquiété Bombardier à Bruges, qui avait espéré obtenir le contrat.

Article de Karel Mortier

Bombardier était en concurrence avec trois autres entreprises pour obtenir ce contrat. Le porte-parole de Bombardier affirme que l’avenir de l’entreprise de Bruges et des 850 membres du personnel est en jeu. Aujourd’hui, il y a encore du travail pour quelques années, grâce à une commande de trains à deux étages pour la SNCB et de trams pour la STIB. Cela assure le travail jusque, respectivement, 2009 et 2013 mais, pour la période qui suivra, il n’y a encore aucune commande, ce qui signifie que l’avenir de l’établissement à Bruges est en jeu. Bombardier avait déjà dit auparavant que l’avenir de son installation à Bruges serait dépendant des commandes qu’ils obtiendraient en Belgique.

Le 11 mars, à Bruges, il y a eu un arrêt de travail et une réunion à l’Hôtel de Ville. Celle-ci a rassemblé 300 travailleurs et les syndicats ont demandé l’appui des politiciens locaux auprès de la direction de la SNCB, afin que le contrat puisse encore être accordé à Bombardier. Les syndicats affirment qu’il ne faut pas seulement tenir compte du prix mais aussi de l’emploi local. Selon les syndicats, les rames de la concurrence n’existeraient que sur papier et seraient de moins bonne qualité que celles qui seraient fabriquées à Bruges.

Le 14 mars, le personnel est allé à Bruxelles pour mettre la pression auprès de la direction de la SNCB. Landuyt (SP.a) a déjà réagi en disant qu’il interpellerait Leterme sur le cours de la procédure. Selon Landuyt, Leterme doit contrôler si un traitement égal des différentes candidatures est bien garanti. Pol Vandendriesche (CD&V) était présent à l’Hôtel de Ville et veut un « signal » de tous les parlementaires brugeois, en dehors des différences de partis.

Bombardier, à Bruges, mieux connu sous le nom « la Brugeoise », est un des plus importants pourvoyeurs d’emploi dans la ville et la dernière entreprise en Belgique qui fabrique de façon indépendante et complète des trains et des trams. Si c’était la fin de la Brugeoise, non seulement 850 emplois directs et 500 indirects seraient perdus (selon la direction), mais aussi beaucoup de connaissances et d’habileté disparaîtraient pour toujours de notre pays, comme cela a déjà été le cas plus tôt dans la construction navale, après la fermeture du Boelwerf à Temse.

La réaction des syndicats est compréhensible et ils ont raison de réagir de suite et de prendre l’initiative afin de préserver l’emploi à Bruges, mais la question est de savoir si le protectionnisme ou l’appel à acheter des produits belges est la meilleure réaction face à la décision possible de la SNCB de commander chez Siemens. Finalement, Bombardier utilise l’argument de l’emploi en premier lieu pour obtenir des commandes belges aux meilleures conditions, afin de faire un maximum de bénéfices. A chaque fois qu’il y a un problème ou que Bombardier n’arrive pas à obtenir une commande (quelle qu’en soit la raison), la menace de fermer l’installation de Bruges s’élève. La réaction des politiciens brugeois est facile à prévoir. Les gardiens du marché libre et de la libre circulation des marchandises et des services en Europe, font un tour à 180° lorsqu’ils sont confrontés aux conséquences et à la logique de leur propre politique lors des deux dernières décennies.

Le financement défectueux de la SNCB et l’introduction de la logique de marché dans le secteur du rail font que le prix devient un des arguments les plus déterminants lors du choix d’un fournisseur. D’une part, les politiciens reprochent à la SNCB que les coûts sont trop élevés et, d’autre part, on lui reprocherait de choisir l’option la moins chère. Les politiciens locaux se présentent depuis des décennies comme les défenseurs de la libre concurrence et du libre marché. La réaction de Landuyt pointe aussi les possibilités limitées qu’ont les politiciens de réagir. Tout le monde à Bruges connaît l’importance du contrat Réseau Express Régional pour Bombardier. Sans aucun doute, cela fait longtemps que les politiciens brugeois sont en train de conspirer mais cela n’a pas marché. A présent, ils veulent se protéger contre des réactions de colère du personnel.

Le contrat offre une occasion d’emploi jusque 2016 au maximum et après, le risque d’être à nouveau confronté à un manque de commandes reviendra. Si le gouvernement belge prend la décision (quelle qu’en soit la raison) d’acheter des rames à l’étranger, alors ce gouvernement devra aussi prendre ses responsabilités envers les travailleurs de Bruges qui en seront les victimes. Cela signifie bien plus que poser des questions parlementaires ou le fait de donner un « signal ». Le gouvernement doit tout faire pour que l’emploi et les connaissances soient maintenus à Bruges , sans pour autant entrer dans le chantage de Bombardier qui pourrait éventuellement se répercuter dans le porte-monnaie des utilisateurs des transports en commun, des contribuables et, à la fin, des travailleurs eux-mêmes.

Ce n’est pas une solution de signer un chèque en blanc à Bombardier en lui passant des commandes sans tenir compte des besoins spécifiques des transports publics ou des coûts qui en découleraient pour les utilisateurs. C’est l’option la plus facile pour les politiciens qui ne devront pas payer la note et qui n’utilisent pas les transports publics. Cela permettrait peut-être une continuité de quelques années à Bruges mais cela ne ferait que repousser les problèmes.

La seule réponse possible et durable afin de garantir l’existence de la Brugeoise à plus long terme est la nationalisation de l’entreprise et la mobilisation des connaissances et de l’habileté du personnel pour moderniser et étendre les transports publics dans notre pays et dans toute l’Europe.

De cette façon, on ne se retrouve plus à la merci des fantaisies du marché internationale ou d’une multinationale qui n’est pas intéressée par l’avenir de l’entreprise de Bruges, ni par l’avenir du personnel et laisse tomber la qualité des transports publics dans notre pays. Le besoin urgent d’investir plus de moyens dans les transports publics (pour des raisons écologiques aussi) peut être combiné aux connaissances et à l’habileté qui sont présentes à Bruges. Pourquoi attendre pour utiliser ce potentiel ?

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