Défendre les salaires, c’est défendre le pouvoir d’achat

La hausse des prix pèse lourdement sur le budget des ménages et attise le mécontentement de la population. L’indice des prix à la consommation (le fameux « index ») a ainsi augmenté de 18,5% entre 2000 et 2007. Dans le même temps, les salaires, eux, n’ont augmenté que de 16%. Mais la perte de pouvoir d’achat est bien supérieure à la différence entre ces deux chiffres…

Thierry Pierret

En effet, les produits de première nécessité, comme les denrées alimentaires, l’énergie et le logement, ont augmenté bien plus fortement que la moyenne. Test-Achat a calculé que, depuis 2000, le prix des pommes de terre a augmenté de 68%, celui du mazout de 98%, celui des pommes de 46,5%, celui des œufs de 32%, …

Tout cela a pour conséquence que la perte du pouvoir d’achat réelle a été de 19% en moyenne entre 2000 et 2007. La perte est de 19 euros par mois pour un revenu de 2.500 euros. Mais les plus bas revenus perdent encore plus. Les 10% des ménages les plus pauvres perdent ainsi entre 26 et 33 euros par mois.

C’est que les allocations ont augmenté moins vite que les salaires. Car les travailleurs peuvent obtenir, en plus de l’indexation, des augmentations de salaires via des accords au niveau national, de leur secteur ou de leur entreprise. Par contre, les allocations n’augmentent que par le mécanisme de l’indexation.

Un index manipulé

La Belgique et le Luxembourg sont les deux derniers pays d’Europe qui appliquent un mécanisme d’adaptation automatique des salaires et des allocations à la hausse des prix. Comment cela fonctionne-t-il ?

L’indice des prix à la consommation est calculé sur base d’un panier de produits-témoins. On relève les prix de ces produits dans les commerces de 65 localités réparties dans tout le pays avant de faire une moyenne de l’évolution des prix de chaque produit d’une année à l’autre. Ensuite, on donne un poids particulier à chacun de ces produits dans l’ensemble du panier sur base d’une enquête auprès de quelque 3.500 ménages dont on fait la moyenne des habitudes de consommation. Enfin, on établit un indice global pour l’ensemble des produits.

Dans un monde parfait, l’indexation devrait empêcher toute perte de pouvoir d’achat en adaptant les salaires et allocations à l’évolution des prix. Mais nous sommes dans un monde capitaliste où il y a une tension permanente entre les patrons qui veulent augmenter leurs profits et les travailleurs qui veulent sauvegarder leur niveau de vie et celui de leurs familles. La composition et la pondération du panier de produits-témoins fait l’objet tous les deux ans d’un âpre débat entre syndicats et patronat. La pression du patronat a fait en sorte que la composition et la pondération du panier de produit ne reflète pas fidèlement les habitudes de consommation des ménages.

L’exemple le plus frappant est celui du logement. Alors que les frais de logement, d’eau, d’électricité et de gaz représentent 26,1% du budget d’un ménage aux revenus moyens en 2007 – et 38,5% du budget des 10% des ménages les plus pauvres ! – ils ne comptent que pour 15,7% dans l’index. C’est dû au fait qu’on ne tient compte que des loyers… et pas des charges d’emprunt des propriétaires qui sont pourtant beaucoup plus nombreux que les locataires.

De plus, les carburants, l’alcool et le tabac ne sont plus pris en compte depuis 1993 dans le calcul de l’index-santé qui détermine l’augmentation des salaires et allocations. Vu l’augmentation en flèche des prix du pétrole, cette mesure nous coûte aujourd’hui 4% de salaire en moins rien que pour l’essence. Mais c’est beaucoup plus si on cumule chaque année le manque à gagner depuis 1993.

Enfin, on a introduit récemment dans l’index une série de produits comme les GSM, les écrans plats et les ordinateurs dont les prix ont tendance à baisser. Mais on n’achète pas une TV à écran plat tous les jours ! En attendant, l’introduction de ces produits a pour effet de tempérer la hausse de l’index.

Bonus salarial ou augmentation de salaire ?

Depuis le 1er janvier de cette année, les entreprises ont la possibilité d’accorder un bonus salarial à leur personnel pour un maximum de 2.200 euros net par an et par travailleur. Ce bonus salarial est exempt d’impôts et de cotisations de la part du salarié. Il est juste soumis à une cotisation patronale de 33% (contre 44% pour le salaire) qui est affectée à la Sécurité sociale. Mais le patron peut déduire le bonus et la cotisation de ses impôts ! D’où une perte sèche pour le fisc et la Sécu (jusqu’à 50% d’impôts en moins pour les entreprises).

Beaucoup de travailleurs accueilleront sans doute favorablement cette mesure. L’idée que les augmentations de salaire brut sont mangées par l’impôt et qu’il vaut mieux avoir des avantages extra-salariaux comme les chèques-repas ou des bonus est fort répandue. Mais il faut bien voir que la perte pour le fisc et la Sécurité sociale sera compensée soit par une hausse des taxes locales (communes et provinces), soit par une baisse des prestations de sécurité sociale ou des services publics. C’est-à-dire qu’on pourra se payer moins de choses avec un bonus salarial qu’avec une hausse du salaire brut qui alimente les caisses de l’Etat et de la Sécu.

De plus, le bonus salarial est conditionné par la réalisation d’objectifs assignés par l’entreprise. On ouvre ainsi la porte au principe du salaire au mérite et à la compétition entre différentes catégories de personnel. Cette concurrence ne pourra que miner la solidarité qui est pourtant nécessaire pour arracher des améliorations pour tous.

La seule solution, c’est de lutter tous ensemble pour nos salaires et nos allocations. Il faut avancer des revendications qui unissent les différentes catégories de travailleurs et qui améliorent réellement le pouvoir d’achat.

Le MAS défend les revendications suivantes :

  • Plus de pouvoir d’achat par plus de salaire ! 1 euro en plus de l’heure ! Augmentation des allocations !
  • Suppression de la loi sur la sauvegarde de la compétitivité qui interdit les hausses de salaires supérieures à la moyenne de l’évolution des salaires en Allemagne, en France et aux Pays-Bas
  • Suppression de l’index-santé (retour des carburants, de l’alcool et du tabac dans l’index); introduction d’un index-foyer qui tienne compte des coûts réels du logement dans le budget des ménages
  • Suppression de la TVA sur les produits de première nécessité comme le logement et l’énergie.

Pour en savoir plus:

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