[TEXTE de CONGRES] Tensions croissantes sur la scène mondiale

Ces derniers mois ont été marqués par de croissantes tensions internationales, entre autres reflétées dans des guerres par procuration, comme en Ukraine, ou dans l’escalade de conflits comme au Moyen-Orient. La crise des réfugiés et les problèmes environnementaux sont intrinsèquement liés à cette situation.

Le texte qui suit est la deuxième partie du texte de perspectives internationales et belges discuté, amendé et voté lors du Congrès national du PSL de novembre 2015. Ce texte est également disponible sous forme de livre et arrivera de chez l’imprimeur début de semaine prochaine. Commandez dès maintenant votre exemplaire en versant 10 euros sur le compte BE48 0013 9075 9627 de ‘Socialist Press’ avec pour mention « texte de Congrès ». Les commandes seront envoyées à partir du lundi 1er février.

 

Les tensions internationales augmentent

Il y a plusieurs indications de querelles entre diverses grandes puissances. Au grand mécontentement des Etats-Unis, un certain nombre de pays européens ont rejoint après le Royaume-Uni l’Asian International Investment Bank (AIIB) lancée par la Chine comme contrepoids à la Banque Mondiale. La Chine a aussi formellement demandé au FMI d’ajouter le Yuan au panier des monnaies avec lesquelles le FMI calcule les Special Drawings Rights. Pour le moment, celle-ci consiste en 49% de dollars, 33% d’euros, de 12% de livres sterlings et de 7% de Yens. En rejoignant l’AIIB, Londres espère devenir la première Bourse en Europe où l’on traite en Yuan. [62] La diplomatie monétaire que l’on reproche à la Chine semble donc fonctionner. Depuis 2005, la Chine aurait investi pour 870 milliards de dollars, non seulement pour s’assurer d’accès mondiaux à l’énergie et aux matières premières, mais aussi pour lier à elle les autres pays BRIC et pour renforcer sa position en Europe et en Amérique latine.

Mais la Chine n’est pas la seule grande puissance à essayer de renforcer sa position. Le Traité transatlantique (TTIP) devrait fixer les relations entre les Etats-Unis et l’Europe. Cela devrait donner lieu à un OTAN économique qui évite à l’Europe de perdre en pertinence économique et pour éviter que le centre de gravité économique glisse vers le Pacifique. Cela doit assurer que le marché sur les deux continents soit sujet aux mêmes règles et que les normes et règles qui y sont décidées deviennent la norme pour le reste du monde. Sinon, « les économies en développement le feront pour nous et alors les normes seront un cran plus bas », prétend Anthony Gardner, l’ambassadeur américain à l’Union européenne. [63] C’est du blabla. L’objectif est de créer une zone de libre-échange avec le moins d’obstacles au commerce possible. En Europe, l’être humain, les animaux et la nature sont mieux protégés qu’aux USA. [64] Les entreprises agricoles et autres des Etats-Unis veulent réduire la régulation européenne. [65] Selon les syndicats et les mutualités, le traité aura un effet négatif sur l’enseignement, les soins de santé et la protection sociale. [66] Et puis il y a la procédure de « différent » qui permet à des investisseurs privés de trainer un Etat devant une Cour d’arbitrage privée. Pour le moment, les négociations bloquent sur ce point.

Aux Etats-Unis, le TTIP provoque peu de résistance, c’est le Trans Pacific Partnership (TPP) entre les Etats Unis et une douzaine de pays asiatiques, Chine non comprise, qui attire le plus l’attention. Cet accord serait presque abouti. Du TTIP, on s’attend plus aux USA que cela augmente les normes pour les droits humains et de la nature alors que le traité transpacifique. L’opposition contre ce traité provient de travailleurs de la santé, d’activistes environnementaux, de syndicats, d’experts en vie privée et de politiciens atypiques, comme Bernie Sanders. Ils s’opposent à la clause de secret comprise dans ces négociations ainsi qu’à la portée du traité. Cette controverse est parallèle à celle portant sur d’autres traités commerciaux où les USA sont impliqués tels que le TTIP, le CETA, le NAFTA,…

Pour le moment, on n’arrivera pas à des conflits militaires ouverts entre grandes puissances. Cela entraînerait trop d’opposition, et cela aurait des conséquences apocalyptiques. Tant que le mouvement des travailleurs n’aura pas subi une série de défaites fondamentales, une troisième guerre mondiale est presque exclue. Celui qui en doute ferait mieux de repenser au mouvement international massif contre la guerre lors des interventions en Afghanistan et en Irak. Dans les autres cas, l’impérialisme a réussi à intervenir uniquement après avoir réussi à vendre son intervention comme étant humanitaire. Cela ne signifie toutefois pas que les grandes puissances ont abandonné les choses. L’intimidation militaire continue à être un prolongement important de leurs intérêts politiques et économiques. En 2014, les USA ont accordé 580 milliards de dollars ou 3,3% du PIB aux dépenses de Défense, encore tout juste plus que les autres 9 pays du top 10 ensemble. La Chine a dépensé 129 milliards de dollars ou 1,2% de son PIB, l’Arabie Saoudite était 3e avec 80 milliards de dollars, 10,7% de son PIB ! Et le top 10 se complète par la Russie, le Royaume Uni, la France, le Japon, l’Inde, l’Allemagne et la Corée du Sud, dans cet ordre. [67]

La guerre par procuration en Ukraine

Depuis l’indépendance en août 1991, la politique ukrainienne était caractérisée par la corruption et la répression. Sous Leonid Koutchma, président de 1994 à 2005, des opposants ont été tués, la presse était muselée et l’économie était pillée. Les provisions sociales ont été retirées, des pans entiers de l’économie ont été privatisés, un partenariat spécial avec l’OTAN a été signé, mais lorsque l’Occident a été forcé de laisser tomber Koutchma à cause de nombreux scandales, il a cherché et reçu le soutien de la Russie. Quand son premier ministre Victor Yanoukovitch a gagné les élections présidentielles en 2004, il a été soupçonné de fraude électorale, la révolution Orange a éclaté et, finalement, il a dû céder la place à Victor Ioutchenko qui avait d’ailleurs lui-aussi été premier ministre sous Koutchma. Ioutchenko a déçu et, en 2010, Victoir Yanoukovitch est quand même élu. Vers ce temps, la population en a eu marre d’être le jouet des oligarques qui penchent vers la Russie à un moment et vers l’Occident à un autre. La crédibilité d’une solution interne à l’Ukraine a été minée et la recherche au plus vite d’un rapprochement avec l’Union Européenne semblait la voie la plus courte vers le bien-être.

Lorsque Ianoukovitch a refusé de signer le traité d’association antisocial avec l’Union européenne, cela a été interprété comme un pas qui éloignait le pays de l’intégration à l’Europe. Les protestations ont été massives lorsque le parlement a décidé le 21 novembre 2013 de postposer l’accord prévu avec l’Union européenne. Il y a eu des éléments de révolution dans la situation, stimulés encore par une tentative de vider par la force la place Maïdan le 30 novembre, où il y a eu plusieurs blessés. Mais faute de large organisation des travailleurs avec une position d’indépendance de classe, des politiciens réactionnaires de l’opposition ont vu une occasion à saisir. Des membres de Svoboda et de la milice fasciste Secteur Droit ont agi en tant que troupes de choc et ont empêché des militants syndicaux et des activistes de gauche de rejoindre les protestations. Ianoukovitch n’a plus réussi à contrôler Euro-Maïdan et a été renversé en février 2014. Entretemps, à Kiev, un nouveau gouvernement pro-occidental Iatseniouk a été constitué. La rhétorique antirusse et l’implication de l’extrême droite qui occupe des postes de ministres importants ont suscité la crainte auprès de la minorité ethnique russe qui vit essentiellement à l’Est et au Sud du pays. La Russie a instrumentalisé la situation dans son propre intérêt économique et politique.

Dans la partie principalement russophone, des protestations ont éclaté. La Crimée a dans les faits été occupée par des troupes russes. Dans un référendum contesté par l’Occident, le 16 mars 2014, une très grande majorité s’est prononcée en faveur de l’annexion à la Russie. En effet, la discussion libre et démocratique n’y était pas possible, les Tatars et la minorité ukrainophone se sont plaints d’intimidations, mais probablement la majorité était-elle favorable au rattachement à la Russie à cause du caractère réactionnaire du nouveau gouvernement. Ceci expliquerait la réaction modérée de l’Occident. A l’Est de l’Ukraine (la région du Donbass), une lutte armée s’est par la suite déclenchée entre l’armée ukrainienne et des membres de milices séparatistes soutenues par la Russie. La tension entre la Russie et les Etats-Unis a augmenté. Ainsi, l’OTAN et la Russie ont tenu pratiquement au même moment des exercices militaires à la frontière entre l’Europe et la Russie. Les Etats-Unis veulent installer du matériel militaire lourd dans plusieurs Etats baltes et de l’Europe de l’Est. Les Etats-Unis ont appuyé la livraison d’armes aux autorités ukrainiennes et la Russie menace d’étendre son arsenal d’armes nucléaires alors que des avions russes ont testé quelques fois jusqu’où ils pouvaient intégrer l’espace aérien nord-américain et européen.

L’Europe, Merkel et Hollande en particulier, est disposée à instaurer des sanctions économiques contre la Russie, mais ils ne veulent pas d’escalade du conflit. Ils ont insisté pour élaborer le chapitre politique des accords de Minsk, un statut spécial pour les régions contrôlées par les pro-russes, ce qui est pour le moment bloqué par le gouvernement ukrainien. Ils s’opposent aussi à la livraison d’armes à l’Ukraine puisque, pour chaque livraison, la Russie est probablement capable de livrer autant de puissance de feu aux séparatistes. Merkel et Hollande veulent normaliser les relations avec la Russie. Mais, entre-temps, les ruptures du cessez-le-feu se multiplient, les deux camps s’accusant mutuellement de préparer une offensive militaire. [68] Dans ces circonstances, la possibilité d’une guerre par procuration entre les Etats-Unis et la Russie ne peut pas totalement être exclue.

Daesh redessine la carte du Moyen Orient

Mais même pour des guerres par procuration, l’enthousiasme est retombé suite aux conséquences des interventions militaires des décennies précédentes. La Somalie, l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, le Mali, le Yémen, un à un, sont tombés dans la désintégration totale. Dans son speech de départ, le chef d’Etat-major américain de l’armée de terre, le général Ray Odierno, alors qu’il partait en pension, disait que l’Irak serait mieux divisé. [69] En fait, il reconnaissait ainsi la réalité sur le terrain. A l’époque, ce scénario était qualifié de « catastrophe ». L’existence d’un Etat pétrolier indépendant kurde au Nord de l’Irak et d’un Etat chiite à la frontière occidentale de l’Iran ferait basculer l’équilibre des pouvoirs dans toute la région. Cela minerait la position de l’Etat turc, membre de l’OTAN, et renforcerait la position du régime chiite iranien aux dépens de l’allié sunnite, l’Arabie Saoudite, de même qu’Israël.

Pendant des décennies, l’Afrique du Nord et surtout le Moyen Orient ont été le terrain de jeu des intérêts impérialistes et des guerres par procuration ont été menées, les contradictions religieuses et ethniques ont été stimulées et les dictatures les plus réactionnaires ont été maintenues en selle. Que malgré ça, en 2011, toute la région ait été submergée par des protestations de masse et des révolutions illustre la capacité du mouvement des travailleurs à se remettre de ses défaites. Malheureusement, des forces réactionnaires ont pu utiliser l’absence d’organisations ouvrières suffisamment enracinées et préparées pour dévier le mouvement vers la contre-révolution. Ici est de nouveau illustrée la nécessité absolue de construire des partis révolutionnaires. Mais de nouvelles opportunités se produiront, comme cela a été illustré dans le mouvement de masse au Liban à l’occasion de la crise des déchets [70], dans le mouvement de masse en Irak à l’occasion du meurtre par la police d’un jeune manifestant qui protestait contre le manque d’infrastructure publique [71] et dans la croissance du nombre de grève et de protestations des travailleurs en Egypte en août et en septembre. [72] Officiellement, la démission du gouvernement égyptien est due à un scandale de corruption, mais la reprise de la lutte sociale n’y est probablement pas étrangère. [73]

Mais jusque-là, les masses ont payé le prix fort pour la défaite de 2011, surtout dans les pays où le mouvement des travailleurs est faible. Même en Tunisie, où la classe dirigeante essaye de sauvegarder un semblant de démocratie à cause de la force du mouvement des travailleurs, le pays est touché par des attentats terroristes. L’Egypte est divisée entre le fanatisme religieux et la dictature militaire. Pendant des années, le mouvement des travailleurs et la jeunesse révolutionnaire y avaient perdu l’initiative. Au Yémen, l’Arabie Saoudite et l’Iran se mènent une guerre par procuration. Mais c’est surtout Daesh qui, en une année de temps, a obtenu un gain de terrain gigantesque en Syrie et en Irak, avec des groupes de djihadistes en Libye, en Afghanistan, en Egypte et ailleurs qui se réfèrent à Daesh ou qui veulent déclarer leur propre Califat tels que Boko Haram au Nord du Nigeria.

Auparavant, on partait de l’idée qu’à la fin d’un conflit armé suivait un accord de paix avec le perdant. Ces accords étaient généralement dénigrants et pillaient l’économie du perdant. Mais on essayait au moins, si ce n’était que par propre intérêt, d’assurer une structure sociétale si nécessaire à travers une force d’occupation. Aujourd’hui la force destructive et l’inégalité des moyens est telle que souvent plus aucune structure ne peut encore tenir debout tandis qu’une force d’occupation revient chère et est difficile à défendre dans l’opinion publique occidentale. Tant en Irak qu’en Afghanistan, au Yémen et en Libye, il n’y a ou bien aucun pouvoir central ou bien un très faible qui se montre incapable de contrôler toute la superficie du territoire. En plus, l’impérialisme a partiellement privatisé les guerres, avec des mercenaires d’entreprises privées qui ne s’intéressent qu’au butin, tels que Black Waters USA, Dyncorp ou Kellogg, Brown and Root. Ces firmes privées échappent à chaque contrôle et se moquent d’une structure stable après-guerre. Il faut bien dire que l’implosion des structures d’Etat dans ces pays résulte surtout de la crise dans laquelle se trouvent les bourgeoisies nationales de ces pays. Dans le contexte d’une croissance économique languissante au niveau mondial et de leur propre discrédit politique, elles ne sont plus capables de surmonter les tensions ethniques ou sectaires qu’elles ont eux?mêmes aidés à attiser. Ces développements ne sont qu’accentués par les interventions militaires impérialistes. Avec la bourgeoisie nationale encore d’avantage affaiblie ou même dans un état de désintégration, l’impérialisme perd un outil important pour réaliser ces objectifs.

A sa manière, Daesh a bien estimé la situation. L’organisation a instrumentalisé le chaos en Irak et en Syrie. Elle a saisi la haine contre les brutalités de l’impérialisme et des dictatures qu’elle a maintenues en selle durant des décennies. Elle a couplé cela à la frustration de nombreux migrants maghrébins partout dans le monde concernant l’oppression criante et impunie des Palestiniens, sur l’hypocrisie des dirigeants des pays arabes et la frustration sur l’islamophobie en Occident depuis le 11 septembre 2001. Elle instrumentalise l’absence de perspective, renforcée par la déception face au résultat de la révolution « arabe ». Le machisme brutal et la violence extrême doivent illustrer que Daesh est prêt à aller jusqu’au bout. La déclaration d’un califat était comme un appel à tous les musulmans radicalisés partout dans le monde.

En plus, Daesh a appris des entreprises de guerre privées. Elle s’est, jusqu’à un certain point, transformée en entreprise. Par l’acquisition d’infrastructures cruciales, les cambriolages de banques, le chantage, la vente des trésors archéologiques, les donations privées et surtout l’exploitation des champs de pétrole, Daesh disposait en août 2014 d’environ 1,13 milliard d’euros. [74] Avec l’invasion de l’Irak, elle n’a pas simplement utilisé les frustrations de la politique communautaire d’Al Maliki, mais elle a aussi attiré d’anciens officiers de l’armée de Saddam Hussein et récupéré un arsenal d’armes modernes sur les troupes irakiennes. Puisque sa décision de pouvoir se trouve proche des échelons inférieurs, il est difficile de décapiter Daesh. [75]

L’impérialisme est devenu, petit à petit, désespéré. Le prix humanitaire et économique que les USA ont dû payer pour leurs interventions en Afghanistan et en Irak se font encore sentir. Elle ne peut pas s’imaginer l’effet d’un conflit d’un tel ordre de grandeur sur une économie stagnante. A l’époque, le Comité pour une Internationale Ouvrière avait averti qu’il était plus facile de commencer une guerre que d’en arrêter une. Entretemps, cela est devenu généralement reconnu. « No boots on the ground » a déclaré Obama, du moins pas des américaines. Mais bien celles des peshmergas kurdes, armés par les Américains, et des milices chiites irakiennes. Et même celles des Gardiens de la Révolution iraniens. L’accord nucléaire des 5 membres du conseil de sécurité des Nations Unies et de l’Allemagne avec l’Iran et certainement lié à cela. Netanyahou peut dire tout son mal de cet accord, lui non plus ne peut faire autrement que d’accepter la nouvelle situation. Son gouvernement serait en train de négocier en secret avec le Hamas au grand dam d’Abbas et de l’OLP. En Afghanistan, les talibans seraient eux aussi aux prises avec un équivalent local de Daesh.

Dans les provinces kurdes en Syrie, le PYD, le PKK local, à la grande frustration de la Turquie, a réussi à arrêter Daesh à Kobané avec l’appui aérien des Etats-Unis. Le PSL n’est pas d’accord avec le programme du PKK et du PYD qui est toujours basée sur la théorie stalinienne dite « des deux stades ». Nous ne sommes également pas d’accord avec les méthodes d’attentats et l’idée que la défense de Kobané devait être le travail de milices pendant que la population s’enfuyait vers la Turquie au lieu de former des comités armés d’auto-défense. Mais Royava et son modèle explicitement séculier constituent une menace directe pour l’agenda théocratique réactionnaire de Daesh. Des combattantes avec des AK-47 dans la lutte contre un mouvement très hostile aux femmes est une image qui fait appel à l’imagination de beaucoup. Les acquis à Rojava et la résistance à Kobané créent une voie possible vers l’autodétermination kurde et est plus généralement considéré comme un point de référence dans la lutte des travailleurs et des jeunes contre l’horreur de Daesh et des régimes dictatoriaux au Moyen Orient. [76] Cela a certainement joué dans la percée électorale du HDP dans les élections parlementaires turques du 7 juin 2015. Mais la fiabilité de l’alliance avec les Etats-Unis est expérimentée par les Kurdes maintenant que la Turquie a reçu le feu vert de l’OTAN non seulement de bombarder Daesh, mais aussi le PKK, voire le PYD.

Les flux migratoires et le réchauffement climatique

On pourrait penser que le vainqueur d’un conflit militaire essaye de s’attirer une base sociale en redirigeant une partie du rendement des ressources naturelles vers la société touchée, éventuellement en investissant dans la restauration de l’infrastructure. Même Alexandre Le Grand et Mansé Moussa que nous avons déjà mentionné l’avaient déjà compris il y a des siècles. Mais sous l’impérialisme actuel, la volonté de procéder de la sorte est inversement proportionnelle au déchainement de la puissance de feu moderne. Pour la reconstruction, le temps et les moyens manquent, mais le pillage par les vautours privés ne va assez vite. Les pays touchés n’arrivent pas à être stabilisés et les conflits ont tendance à trainer en longueur. Cela fait réfléchir les impérialistes eux-mêmes, avant qu’ils ne se lancent dans une nouvelle aventure. C’est probablement pourquoi le nombre de conflits armés sur le plan mondial entre la crise en 2008 et 2014 s’est systématiquement réduit, de 62 conflits à 42. Mais attention, dans la même période, le nombre de victimes mortelles a cru encore plus vite de 56.000 en 2008 à 180.000 en 2014. [77]

Cela ne peut que provoquer un flux migratoire. Ces derniers mois, l’Europe est « submergée ». A en croire les médias, des hordes de réfugiés sont en marche sur l’Europe occidentale. Les organisations d’aide aux réfugiés nuancent le propos. Pour 2014, les Nations Unies mentionnent un nombre record de presque 60 millions de gens en fuite suite aux violences de la guerre et aux persécutions. De ceux-là, 38 millions sont en fuite à l’intérieur des frontières de leur pays. Des 19,5 millions de réfugiés qui ne se trouvent plus dans leur propre pays, il y a plus de 5 millions de Palestiniens. Des 12 millions de réfugiés de Syrie, un peu plus de 4 millions ont fui leur pays. [78] De ces 4 millions, 1,2 million se trouvent au Liban, pays dont la population est de 6,8 millions pour un PIB de 48 milliards de dollars (Belgique : 528 milliards de dollars), 1,7 million en Turquie et plus de 600.000 en Jordanie. Le nombre de réfugiés syriens en Europe est resté relativement limité à 130.000, mais cela pourrait vite augmenter.

L’incapacité de l’impérialisme pour stabiliser la situation, la continuation interminable des conflits, la destruction totale des logements et de l’infrastructure, éteignent pour beaucoup l’espoir de pouvoir un jour retourner. Survivre dans un campement de tentes n’est supportable qu’avec la perspective de bientôt pouvoir retourner chez soi. Au fur et à mesure que cette perspective s’éloigne, de plus en plus de réfugiés vont considérer faire leur vie ailleurs. Pourquoi dès lors courir le risque de la faire dans un pays voisin qui sera peut-être bientôt déstabilisé ? Pourquoi ne pas de suite essayer d’attendre l’Europe occidentale stable ? Ce que nous voyons maintenant pourrait être le début d’un flux massif de réfugiés qui résident pour l’instant en Turquie et au Liban. Et qu’est ce qui pourrait retenir les réfugiés d’Irak, de Somalie et de nombreuses autres régions en conflit dans le monde à suivre la même voie ?

Que ceci, dans un environnement de casse sociale, de chômage structurel et de déficit sur pratiquement tous les plans soit ressenti par beaucoup comme une menace de leurs conditions de vie ne doit pas nous étonner. Qui croit encore que les capitalistes ne vont pas saisir la situation pour mettre sous pression encore plus les salaires et les conditions de travail ? Qui croit que les gouvernements ne vont pas récupérer leurs dépenses pour l’accueil des réfugiés sur d’autres dépenses sociales ? Des politiciens de droite saisissent cela pour promouvoir un service communautaire obligatoire, un statut spécial pour les réfugiés, etc. « Construisez maintenant un mur autour de la sécurité sociale ou construisez un mur autour de votre pays », a dit la parlementaire N-VA Sarah Smeyers dans l’émission « Zevende Dag ». [79] Le plus grand casseur de la sécurité sociale profite de la situation pour se présenter comme son meilleur défenseur.

Il est vrai que 350.000 réfugiés ne représentent que 0,07% de la population de l’Union européenne, mais cela n’est pas nécessairement ressenti comme tel par celui qui est mis en concurrence dans la recherche d’un emploi, d’un logement, etc. Il est aussi vrai que ces gens fuient une violence terrible. Est-ce que ces arguments « faciles », moralisateurs, ne minent pas également notre argumentation lorsque le nombre va augmenter ? Lorsque demain, il ne s’agira plus de gens qui fuient la guerre mais « seulement » l’exploitation extrême ? Il n’y a rien d’erroné à éprouver de la compassion, mais il faut parallèlement comprendre que cela se heurtera vite aux limites du capitalisme. D’où l’importance d’une approche de classe. Notre sécurité sociale et tous nos droits démocratiques et autres ont été arrachés par la lutte de tous les travailleurs, y compris les immigrés. Défendre ces droits aujourd’hui exigera également un programme d’unité de tout le mouvement des travailleurs pour des droits et des salaires égaux, pour le droit au travail et au logement, pour une société où la production est orientée vers le bien-être de tous et pas vers le profit de quelques-uns.

Cela est encore sans tenir compte d’un autre problème gigantesque qui s’annonce, celui de la viabilité de notre planète l’océanographe et climatologue Katherine Richardson n’est pas convaincue par des slogans tels que « sauvons la planète » ou « sauvons le climat » : « la planète se sauvera elle-même, dit-elle, nous devons sauver l’être humain. » Depuis 12.000 ans, la planète se trouve dans état de tranquillité climatique, ce qui a permis à l’homo sapiens qui rodait depuis 200.000 ans de devenir enfin sédentaire, ce qui a permis l’essor de la civilisation humaine. Cette période peut au moins continuer pendant 15.000 ans, sauf si l’activité humaine modifie cet état de tranquillité. Nos ancêtres pouvaient encore se déplacer durant des changements climatiques abrupts, mais à 7 milliards cela devient difficile. Selon Richardson, déjà la dégradation de la biosphère et la pollution par le CO2 et le phosphore perturbe déjà cet équilibre, déjà menacé par l’épuisement des sols et les changements climatiques mais aussi l’utilisation de l’eau douce, l’acidification des océans, la concentration des aérosols, la couche d’ozone et l’impact des produits chimiques et autres entités sont des problèmes à terme. [80]

La discussion sur l’impact nocif de l’activité humaine sur la capacité de la planète de se restaurer semble close. L’époque où face à chaque étude sur les changements climatiques se trouvait une autre, climato-septique, généralement subventionnée par des entreprises ou des lobbyistes est sur son déclin. On ne dispute plus que, depuis le début de la révolution industrielle, le climat s’est réchauffé de 0,85° et que les sécheresses et orages extrêmes que nous avons récemment subis en sont une conséquence directe. Ni non plus que des changements dramatiques s’annoncent. 1° de réchauffement supplémentaire dans les prochaines 50 années peut conduire à une augmentation du niveau des eaux de 2 mètres. Pour les régions côtières densément peuplées, c’est une catastrophe. Mais malgré cela, les politiciens ne réussissent pas à parvenir à un accord sur le réchauffement.

L’exploitation à grande échelle des terres agricoles se heurtent également à ses limites. D’ici 60 ans, les terres agricoles les plus importantes seraient épuisées. « Il sera bientôt trop tard (…) notre consommation n’est pas compatible avec la santé de la planète » a déclaré Banki Moon, secrétaire général de l’ONU, en réaction à la publication d’un nouveau rapport du GIEC (Groupe Intergouvernemental d’Experts sur le Climat). [81] Il n’a pas expliqué de la consommation de qui il parlait, mais c’est bien habile de procéder de la sorte, chacun étant ainsi considéré responsable au même titre. Beaucoup d’organisations environnementales et d’activistes suivent ce raisonnement : si l’on adaptait notre style de vie avec des conditions de vie plus basses, les problèmes seraient résolus. C’est une illusion. Deux tiers de tous les CH4 (gaz méthane) et d’expulsion de CO2 depuis de la révolution industrielle a été l’œuvre de 90 entreprises à peine. [82] Tant que l’on ne s’attaque pas à ceux-là, il n’y aura pas de changement fondamental. [83]

Le véritable enjeu de la discussion ne se trouve pas au niveau de la consommation mais à celui de la production. « Nous pouvons encore aujourd’hui résoudre la faim dans le monde prétend Hila Elver », rapportrice des Nations Unies au droit à l’alimentation, « mais alors nous devons intervenir dans le libre marché. [84] « Nous devons chercher la raison de l’affectation de la planète dans l’injuste intrinsèque de notre modèle de développement et l’extrême et sélective consommation d’une minorité de la population mondiale ». Ainsi parle l’encyclique du Pape sur « l’obsession de croissance ». [85] « Le problème n’est pas technique, mais culturel et idéologique » prétend Naomi Klein, « On peut encore trop gagner avec les combustibles fossiles inexploités. » Lorsque les émissions de gaz à effet de serre fait fondre la calotte glacière du pôle du Nord, alors ça n’a provoqué qu’un rush de divers pays en compétition pour y forer afin d’y trouver du pétrole. « Ou bien nous sauvons la terre, ou bien le capitalisme », conclut Klein, mais « les deux, ça ne peut pas marcher. » [86]

Seulement l’utilisation des idées qui existent déjà et maximaliser les possibilités mènerait déjà à un énorme progrès. Il suffit de penser aux maisons passives, au recyclage, aux énergies renouvelables, au développement des transports publics,… Aujourd’hui, il existe beaucoup de possibilités écologiques uniquement accessibles à ceux qui ont suffisamment de moyens et qui peuvent également s’acheter ainsi une bonne conscience. Mais le défi du changement climatique exigera la mobilisation complète de tout le potentiel technique et scientifique. Cela ne peut se faire qu’en nationalisant les secteurs clés de l’économie et en planifiant de façon démocratique la production. C’est la seule façon de réaliser la transition vers l’usage exclusif des énergies renouvelables. « Est-ce réaliste d’espérer que celui qui est obsédé par la maximalisation des profits va s’arrêter aux effets sur l’environnement qu’il va laisser en héritage aux prochaines générations », se demande le Pape Français dans l’encyclique déjà mentionné.

62 China grijpt financiële wereldmacht tegen 2050, De Standaard 9 april 2015
63 Trojaans paard of Marshallplan? De Standaard 1 maart 2015
64 ‘Hier gaat iets gevaarlijk mis’, De Standaard 5 mei 2015
65 ‘Publiek belang moet wijken voor winst’, De Standaard 2 april 2015
66 ‘Gezondheid dreigt koopwaar te worden’, De standaard 5 februari 2015
67 International Institute for Strategic Studies, Military Balance 2015 Press Statement 11 February 2015 http://www.iiss.org/en/about%20us/press%20room/press%20releases/press%20releases/archive/2015-4fe9/february-0592/military-balance-2015-press-statement-40a1
68 Bras de fer décisifs en vue sur l’Ukraine, Le Soir 23 août 2015
69 « Opsplitsen Irak mogelijk enige oplossing », De Redactie 13 augustus 2015
70 Le mouvement citoyen ne mollit pas, Le Soir 2 september 2015
71 Révolution citoyenne inédite – Le Soir 28 aug 2015
72 Egypt, Workers start to take action again, socialistworld.net September 9, 2015
73 Egyptische regering neemt ontslag, De Standaard 12 september 2015
74 Oorlogsatlas Syrië, vloedgolf IS, stromen vluchtelingen, De Morgen, 22 augustus 2015
75 No boots on the ground, De Morgen 23 augustus 2014
76 Kurdistan : La bataille de Kobané à la croisée des chemins, socialisme.be, 2 novembre 2014
77 Meer slachtoffers, minder conflicten, De Tijd, 23 mei 2015
78 VN meldt record aantal vluchtelingen, De Telegraaf, 18 juni 2015
79 De zevende dag, Eén 12 september 2015
80 ‘De planeet redt zichzelf wel. We moeten de mens redden’, De Standaard26 april 2015
81 Ecologie: tegen de kapitalistische verspilling, socialistische planning, socialisme.be, 22 juli 2015
82 Selon une étude de Richard Heede, publié dans le magazine scientifique Climatic Change. Il s’agit de l’émission mondiale de méthane et de gaz carbonique entre 1751 et 2010. A l’exception de 7 entreprises du ciment, tous sont des producteurs d’énergie (Gaz, charbon, pétrole)
83 Nouvelles technologies: sauveur ou fossoyeur du capitalisme? socialisme.be, 30 août 2015
84 ‘We kunnen vandaag nog de honger in de wereld oplossen’, De Standaard 26 april 2015
85 Le pape François prône un retour à la Terre, Le Soir, 19 juin 2015
86 ‘Ofwel redden we de aarde, ofwel het kapitalisme’, De Standaard 26 november 2014

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