Quel programme et quelle méthode face aux sommets climatiques?

newyork2014

Si nous voulons obtenir un changement fondamental dans la façon dont l’humanité et la société se comportent envers les ressources naturelles et l’environnement, nous n’aurons pas seulement besoin d’un programme qui casse avec la logique de profit mais aussi d’une méthode pour imposer un tel programme.

Un dossier de Michael Bouchez, responsable jeunes national du PSL. Cet article est tiré de l’édition de novembre de Lutte Socialiste et a donc été écrit avant ls attentats de Paris et l’interdiction des marches climatiques à Paris en marge du sommet de l’ONU.

Comme le scandale de VW l’illustre, même le plus mince effort pour réduire les émissions de CO2 se heurte aux lois du capitalisme. Même la ministre flamande de l’environnement Joke Schauvlieghe a ouvertement démontré dans la discussion autour du bois d’Essers que la politique néolibérale ne sert que la soif de profit au détriment de la qualité de notre environnement. Même à plus grande échelle et dans le secteur de l’énergie, les brevets et la recherche sont gardés sous clef puisque cela met en péril les bénéfices des multinationales.

Comme nous le défendons ailleurs dans ce journal, seul le contrôle démocratique de la production et des richesses naturelles par la communauté permettra de faire les investissements nécessaires dans les transports en commun et l’énergie renouvelable afin de parvenir à la diminution drastique de 95 % des émissions de CO2 pour 2050. Un tel programme demande évidemment l’expropriation des géants du pétrole et des secteurs énergétiques de sorte que ces leviers économiques passent aux mains de la communauté. C’est dans l’intérêt de la majorité de la population mais cela va précisément à l’encontre de ceux du secteur privé et des multinationales.

Avoir confiance dans le capitalisme vert et les dirigeants du monde ?

copen2009Devons-nous nous soumettre à la domination du libre marché et nous contenter de nous plaindre, de dire que tout est perdu ? Non ! Les nombreuses manifestations, actions et mobilisations ne laissent planer aucun doute : des millions de personnes sont prêtes à lutter pour une solution. En 2009, à Copenhague, 100.000 manifestants ont défilé à l’occasion du sommet sur le climat. Ce qui manque souvent, cependant, c’est d’une part la conscience que les solutions ne viendront pas de l’élite capitaliste et, d’autre part, l’orientation pour construire une force capable de véritablement rompre avec les intérêts du capitalisme.

La vingtaine de sommets précédents sur le climat ont déjà démontré que les leaders mondiaux n’ont rien à offrir. Plutôt que de mettre la “pression” sur ces dirigeants ou de mendier leur attention, il vaut mieux nous orienter vers le mouvement des travailleurs afin de construire, via des manifestations et des grèves, un rapport de force grâce auquel nous mettrons en avant une alternative au capitalisme. Sans travailleurs, il n’y a pas de production et donc pas de bénéfices.

Ce sont les travailleurs qui, dans les secteurs de l’automobile et de l’énergie, détiennent le savoir-faire et les connaissances nécessaires pour trouver un processus de production respectueux de l’environnement. Aujourd’hui, ils n’ont cependant rien à dire sur l’installation de programmes frauduleux ou le déversement de produits chimiques. Sous le capitalisme, soit ils sont tenus à l’écart soit ils sont menacés de faillite et la pollution semble être la seule manière de maintenir l’entreprise en activité et donc d’offrir des emplois.

Dans un secteur démocratiquement nationalisé non basé sur le profit mais sur les besoins de la population et donc aussi des travailleurs et des consommateurs, les travailleurs pourraient décider avec l’Etat et les consommateurs des investissements à réaliser et de la manière de parvenir à une production respectueuse de l’environnement. Une décision démocratique logique serait de ne plus investir dans les énergies fossiles ou dans le nucléaire mais dans des alternatives. Un secteur de l’énergie public investirait des moyens dans la recherche et le développement de ces alternatives. Cela marquerait la fin du gaspillage scandaleux provoqué par l’obsolescence programmée, un principe nécessaire au capitalisme selon lequel des produits sont fabriqués pour tomber en panne après quelques années. Le gaspillage programmé pour rehausser les bénéfices d’une petite minorité serait remplacé par une planification socialiste démocratique dont l’axe central serait l’intérêt de la majorité de la population et donc l’environnement.

Quel est le rôle de la classe ouvrière ?

C’est pourquoi les Etudiants de Gauche Actifs et le PSL appellent à défendre à Paris, des revendications et un programme socialiste basé sur la distinction entre deux intérêts opposés dans cette société : ceux du 1% les plus riches et ceux des autres 99%.Les travailleurs organisés en classe constituent la seule force capable de mettre sous pression la méthode de production nuisible à l’environnement du capitalisme.

Tous les acquis de l’Etat-providence ont été obtenus grâce à des actions et à la lutte de la classe ouvrière. C’est via des comités sur les lieux de travail que des travailleurs ont été convaincus du rôle qu’ils pouvaient jouer dans la suppression du travail des enfants, la pression pour obtenir les congés payés, la sécurité sociale,… C’est par de longues et dures grèves que la journée des 12 heures a été réduite. La même chose vaudra pour les revendications climatiques. Nous le constatons déjà au niveau des entreprises via des mesures en matière de sécurité, d’hygiène et de protection au travail. Le mouvement environnemental devra s’organiser autour d’un programme qui défend les intérêts des 99% et qui place clairement la responsabilité auprès du 1% les plus riches.

Le rôle des syndicats

L’intérêt d’un tel programme est illustré par le rôle que jouent les syndicats aujourd’hui dans la discussion sur l’énergie nucléaire. Il est exact qu’une sortie du nucléaire dans le cadre du libre marché signifierait des pertes d’emplois ou de nouveaux emplois sous un statut inférieur et à de moins bonnes conditions. Il n’est pas étonnant que la délégation CGSP de la centrale nucléaire de Doel ou le syndicat français CGT s’opposent à la sortie du nucléaire.

Si nous ne lions pas la sortie du nucléaire à la revendication d’une nationalisation du secteur de l’énergie basée sur le développement d’énergies alternatives soucieuses de l’environnement avec les emplois en découlant, les travailleurs du secteur ne nous suivront pas. Sans de telles revendications, une sortie du nucléaire revient tout simplement pour eux à des pertes d’emplois. Un programme socialiste unifie et peut faire en sorte que les travailleurs du secteur jouent un rôle important dans la construction d’un rapport de force pour faire passer le secteur en mains publiques.

Leçons du passé. Quel rapport de force construire ?

Il y a eu différentes occasions de construire un mouvement environnemental fort lié au mouvement ouvrier. Suite au sommet de Copenhague, le président bolivien Evo Morales a tenu un sommet alternatif sur le climat à Cochabamba, en 2010, avec des syndicalistes, des écologistes radicaux, des communautés indigènes,… Chavez, le président vénézuelien de l’époque, entre autres, y a souligné le rôle du capitalisme, la passivité complice des dirigeants du monde et l’urgence des problèmes. Les positions prises à ce sommet étaient un soulagement mais n’ont pas mené à la construction d’un réel mouvement. Les choses en sont restées à une déclaration commune.

Il était possible de construire un rapport de force à partir de ce sommet alternatif sur le climat via un plan d’action organisant les jeunes, les syndicats, les organisations environnementales,… sur base d’un programme anticapitaliste. De cette manière, le sommet alternatif sur le climat aurait pu être le début d’un mouvement de masse. Il aurait pu appeler, par exemple, à la tenue d’une journée de lutte internationale, à l’image du Premier mai, où se tiendraient à travers le monde des assemblées du personnel dans les entreprises, à des conférences, des manifestations et des grèves dans l’objectif de la collectivisation démocratique des secteurs clé de l’économie.

Un plan d’action démocratiquement organisé

Le manque de perspective d’une alternative, d’un programme clair et d’une méthode qui organise les gens autour d’intérêts communs peut entrainer frustration, impatience et méthodes d’action confuses. Ainsi, pendant diverses manifestations internationales, on remarque des méthodes similaires à celles des “black blocs”. Ce sont des groupes qui se revendiquent le plus souvent de l’anarchisme et pensent qu’il faut surtout s’en prendre avec violence aux services d’ordre ou aux symboles du pouvoir capitaliste (banques,…). Cette méthode ne repose pas sur la lutte collective et la tentative de créer l’unité la plus large possible sur base d’un programme de rupture anticapitaliste clair.

En réalité, de telles actions violentes sont utilisées par le capitalisme pour mettre en marche la répression et criminaliser l’ensemble du mouvement, quand elles ne sont pas directement l’œuvre de flics déguisés jouant ainsi un rôle provocateur. Cela peut repousser des couches plus larges qui peuvent regarder le mouvement avec sympathie mais qu’il faut encore convaincre de rejoindre concrètement la lutte. Les manifestations doivent servir à discuter avec un public plus large, à construire le soutien. Plutôt que de donner des arguments à ceux qui veulent isoler les activistes, nous devons défendre un plan d’action capable de faire vaciller le système.

Les méthodes de la classe des travailleurs sont basées sur la lutte collective démocratiquement organisée, sur la force du nombre en action afin de créer un rapport de force pour arracher un changement fondamental de société grâce à des outils tels que la grève générale et le blocage de l’économie capitaliste. Cela signifie de mettre fin au système de gaspillage qui nuit à l’environnement pour laisser place à une société socialiste démocratique.


 

Mettons l’énergie aux mains du public !

En Flandre, après avoir octroyé des subsides pendant des années à des entreprises telles que Katoen Natie et ING pour les hectares de panneaux solaires qu’ils installaient, l’addition est maintenant présentée à la population. La montagne de dettes totales pour les certificats d‘énergie verte monte à presque 2 milliards d’euros. La Ministre de la région flamande Turtelboom (Open Vld) veut ainsi faire débourser 100 euros supplémentaires par an à chaque famille en Flandre pour payer cette dette.
La Turteltaxe est une taxe qui fait payer la même chose aux pauvres et aux riches, aux petits consommateurs comme aux gros : 100 euros par raccordement. Les frais de prélèvement sont fixés par tranche, ce qui fait qu’une famille paie comparativement 50 fois plus qu’une grande entreprise. Des exonérations sont d’ailleurs prévues pour les entreprises.

A qui ont profité les subsides de la région flamande que nous devons payer maintenant ? Les 3.386 grands parcs de panneaux solaires reçoivent chaque année 231 millions d’euros de subsides, une entreprise comme Katoen Natie reçoit 13,4 millions d’euros de subsides par an. Les 100 euros que nous devrons payer doivent rapporter presque 500 millions d’euros par an. En conclusion, nous payons le subside qui a directement disparu dans les poches de ces entreprises.

En Belgique, la privatisation du secteur énergétique a entraîné des bénéfices supplémentaires pour les entreprises comme Electrabel et sa maison-mère GDF Suez. Ces bénéfices ne sont pas investis dans la production, tout retourne tranquillement chez les actionnaires. Lorsqu’en 2011, il a été décidé de garder les centrales nucléaires ouvertes, il a été chiffré que cela rapporterait 27 milliards d’euros supplémentaires à Electrabel (selon Trends/Tendance). Electrabel a fait au moins 20 milliards d’euros de bénéfices au cours des 10 premières années de ce siècle qui n’ont pour ainsi dire pas été imposés. Ces dernières années, les chiffres ont été embellis, des opérations comptables font en sorte que la part du lion des bénéfices retourne directement à la maison-mère GDF Suez.

Faire de l’énergie la vache à lait d’entreprises telles qu’Electrabel qui refusent d’investir dans une capacité de production suffisante et respectueuse de l’environnement, c’est la suite logique de la libéralisation du secteur. Nous devrions revenir sur cette libéralisation et placer le secteur entier dans les mains du public, tant la production que la distribution. Cela permettrait d’assurer la transition énergétique vers le renouvelable. Cela permettrait de faire baisser le prix des factures parce que l’énergie ne serait plus au service des grands actionnaires mais à celui de l’ensemble de la population. Des demi-mesures ne suffisent pas, l’énergie doit être entièrement aux mains du public ! Débranchons le marché privé de l’énergie !


Les sponsors de la COP21: On ne mord pas la main de celui qui nous nourrit !

La liste des sponsors du sommet sur le climat est ahurissante… Malgré le scandale provoqué par la fraude par logiciel chez Volkswagen, le secteur automobile est bien présent : BMW est l’un des plus grands sponsors. Mais Renault/Nissan et Air France sont aussi de la partie. Les entreprises énergétiques comme EDF et Engie sont également là alors qu’elles sont responsables d’à peu près la moitié des émissions en France. Un autre sponsor est le suédois Vattenfall qui a intenté un procès à l’Etat allemand pour sa sortie du nucléaire.

Ces entreprises seront-elles moteur de changement positif pour l’environnement ? Volkswagen a levé toute illusion à ce sujet. Mais il y a plus. Beaucoup d’entreprises utilisent une image “verte” pour masquer la gravité de leur état écologique ou pour tirer des bénéfices supplémentaires. Pensons à Suez Environment, une entreprise dont la multinationale de l’énergie GDF Suez est le plus grand actionnaire et qui sponsorise le sommet sur le climat. Suez Environment est active sur le marché de l’eau. Lorsqu’un mouvement dans la capitale argentine de Buenos Aires a forcé le retrait des services des eaux des mains de Suez, un recours en justice a suivi via lequel la multinationale a obtenu un dédommagement de 405 millions d’euros. Suez Environment investit pour l’instant surtout dans le traitement des eaux usées. Entre-temps, la maison-mère GDF Suez investit dans l’extraction de charbon et la fracturation hydraulique, deux sources majeures de pollution de l’eau. Suez Environment a un intérêt direct à la poursuite de l’extraction des énergies fossiles et de la fragmentation. La recherche de profits du capitalisme “vert” ne connaît pas de limites.

Le rôle de ces multinationales ne se limite pas au sponsor. Il y a des activités parallèles comme le “Sustainable Innovation Forum” et l’occasion sera saisie pour lancer des lobbies qui feront la promotion des “solutions” proposées par les entreprises. En conclusion, le sommet sur le climat est un cirque médiatique dont les entreprises comme BNP Paribas, par exemple, entendent tirer profit. Malgré des investissements dans les énergies fossiles, le sommet offre à l’entreprise la possibilité d’avoir l’air écologique. La liste des sponsors présents nous annonce à quoi nous attendre du sommet sur le climat. On ne mord pas la main de celui qui nous nourrit


 

Volkswagen: les solutions vertes dans le cadre du marché ne fonctionnent pas.

Le scandale de la fraude aux tests de Volkswagen est une illustration de plus d’une société où les bénéfices priment sur l’intérêt humain. Il est un fait, certes pas neuf mais condamnable, que les entreprises ne se préoccupent guère de notre climat et de notre environnement et préfèrent jeter de la poudre aux yeux pour faire comme si elles s’en souciaient. Pour les anticapitalistes, un tel scandale n’est pas une surprise et nous estimons que le mouvement environnemental peut en tirer quelques leçons.
Pour commencer, le scandale lié à la corruption illustre le fait que les “solutions” vertes des entreprises ne sont rien de plus qu’une astuce de marketing. Il s’agit d’un label qu’ils s’approprient parce que cela peut convaincre une partie des consommateurs d’acheter chez eux. Le label “vert” a été vidé de son contenu pour devenir un outil de vente. Le fait que Martin Winterkorn, le grand patron de Volkswagen, ait dû démissionner tout en pouvant compter sur une indemnité de 28 millions d’euros, donne une petite idée des bénéfices qu’il a permis à Volkswagen d’engranger grâce, entre autres, à la fraude qui fait scandale.

L’un des éléments de la logique qui se cache derrière les solutions de marché tient du fait que les subsides publics – entre autres, sous la forme d’éco-primes – sont octroyés aux entreprises pour stimuler des “produits verts”. Ces subsides sont financés par les impôts des travailleurs. Cet argent qui pourrait être utilisé pour améliorer les transports en commun est ainsi absorbé, par exemple, dans les bénéfices de Volkswagen.

Et les néolibéraux poursuivent leur malfaisance. Comme s’il ne suffisait pas que l’état octroie des subsides, des éco-primes et autres avantages pour financer de faux labels verts, le ministre Van Overtveldt (N-VA) a promis une fameuse contribution aux amendes imposées à Volkswagen. Si l’usine Audi de Forest reçoit l’autorisation de produire une voiture tout terrain électrique à partir de 2018, le gouvernement déboursera 100 millions d’euros. Les régions ont déjà promis 35 millions d’euros. Selon Einstein, faire et refaire la même chose en attendant un autre résultat, c’est la définition de la folie. On pourrait penser que les autorités encouragent délibérément à frauder !

Il est un fait que l’analyse des pertes et profits du libre marché détermine tout. S’il est, à court terme, plus avantageux de développer un programme qui fait comme si les normes environnementales étaient respectées plutôt que d’investir réellement dans la technologie verte, on choisit la première option. Hélas, ce n’est pas une question de “bonnes intentions contre mauvaises intentions” ou de bonnes et mauvaises entreprises. C’est la logique même dans laquelle toute entreprise est entraînée, c’est le fondement du capitalisme. Une entreprise qui engrange moins de bénéfices ne peut en fait plus faire partie du tourbillon de la concurrence.

Nous pouvons donc en conclure que les alternatives basées sur une logique de marché ne fonctionnent pas et sont même contreproductives. Elles nous détournent des véritables solutions et retardent les investissements dans les solutions collectives possibles. Ce que la collectivité ne détient pas elle-même ne peut être contrôlé et géré dans son intérêt. Nous pensons que les revendications écologistes doivent être orientées vers des réponses qui entrent fondamentalement en rupture avec la logique du marché libre.

Une de ces revendications est le contrôle et la gestion démocratiques des producteurs et des consommateurs sur un secteur automobile nationalisé, ce qui permettrait de décider démocratiquement quels investissements sont nécessaires pour que les besoins des gens soient au centre des préoccupations : réorienter la production vers des transports en commun gratuits et de qualité, par exemple.

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai