SNCB “L’objectif du gouvernement est de nous désarmer pour ensuite mieux nous frapper”

Interview d’un cheminot Anversois

spoorstaakt-300x225 (1)Lors des grèves régionales des cheminots des 9, 19 et 20 octobre, la société gestionnaire d’infrastructure du réseau ferroviaire Infrabel a introduit des actions judiciaires et recouru aux huissiers pour empêcher des occupations de voies par les cheminots. Nous en avons discuté avec un cheminot anversois.

Propos recueillis par Boris Malarme

Pareille attaque de la part d’Infrabel n’était-elle pas prévisible?

‘‘Le vendredi 9 octobre, à Bruxelles, la requête unilatérale menaçant d’astreintes les grévistes qui occupaient les voies et ceux qui se trouvaient dans la cabine de signalisation n’était pas une surprise. Une première tentative avait eu lieu à Anvers la semaine précédente. Il y a eu dès lors des piquets volants. Cette grève a quand même eu un impact important, avec plus de 500 trains supprimés sans compter les suppressions partielles.

‘‘Mais cela pose directement la question suivante : ne vaudrait-il pas mieux organiser la grève au niveau national plutôt que régional ? L´idée derrière l’approche régionale était de provoquer un impact maximal avec des moyens minimaux. Tout le trafic n’a pas été stoppé, car des collègues d´autres districts pouvaient traverser Bruxelles avec leur train. A Liège, les trains ont pu être bloqués à même les quais le 19 octobre. Là-bas, la combinaison de la grève régionale des cheminots avec celle des autres secteurs de la FGTB a renforcé la position des travailleurs du rail. Ils ont ainsi pu bloquer en nombre les trains sur les quais de la gare des Guillemins.’’

Infrabel justifie ses recours en justice par la sécurité. Qu’en est-il ?

‘‘Infrabel a lancé sa campagne pour la sécurité des voyageurs qui traversent les voies à même les rails. C’est un problème très sérieux. Mais on ne peut pas nous comparer aux voyageurs qui traversent dangereusement les voies. Nous avons été formés pour stopper les trains en toute sécurité. Une bonne partie d’entre nous travaille sur les rails. Seuls les cheminots sont capables de le faire.

‘‘Lors de la grève du 9 octobre à Bruxelles, la direction d’Infrabel a fait tourner la cabine de signalisation de Bruxelles-Nord avec seulement deux travailleurs. La grève était bien suivie puisque 13 personnes y travaillent normalement. Ils ont même été forcés de faire deux sessions de travail d´affilée. C’est la direction qui met la sécurité du rail en danger en forçant le fonctionnement des cabines de signalisation en sous-effectifs !’’

L’ordonnance du tribunal fait référence à des ‘‘occupations temporaires de voies de chemin de fer dans un contexte de grèves politiques.’’ Qu’en penses-tu ?

‘‘Oui, ce sont des grèves politiques. C´est une décision politique d’appliquer une telle austérité, de couper 20% de la dotation publique de la SNCB et d’y menacer 7000 emplois. C’est une décision politique d’attaquer le droit de grève. C’est une décision politique de ne plus avoir d’accompagnateurs dans chaque train pour une partie du réseau.

‘‘La N-VA a présenté son projet de loi visant à limiter le droit de grève à la SNCB par l’instauration d’un service minimum. 40% des trains devraient rouler et 60% pendant les heures de pointe. Ce n’est pas la première tentative, le SP.a avait aussi proposé un service minimum en son temps. Et la ministre Galant (MR) a commandé une étude en ce sens en vue des futures négociations entre partenaires sociaux. Il faut savoir qu’un fonctionnement de 60% des trains nécessite l’activité de plus de 60% du personnel. Pour certaines catégories de cheminots, le droit de grève serait ainsi complètement supprimé. Ce n’est pas un hasard si cela arrive maintenant, l’objectif est de nous désarmer pour ensuite mieux nous frapper.’’

A Anvers, il y a eu grève le 19 et le 20 octobre. Comment cela s’est-il déroulé?

‘‘C’est la première fois depuis 10 ans que nous avons tenu un piquet de grève de 48 heures à la gare de marchandises. 85% des conducteurs de marchandises étaient en grève. Entre 30 et 60 personnes étaient en permanence présentes au piquet, dans une très bonne ambiance. À Anvers, nous allons continuer à soutenir et à participer aux actions au niveau national. Il n’y a toutefois pas eu de piquet à la gare d’Anvers-Berchem, la grève n’était pas assez préparée dans le trafic de voyageurs et nous nous sommes plus concentrés sur les marchandises. Il faut dire que les actions n’avaient été confirmées que cinq jours auparavant, ce qui rendait la mobilisation difficile.’’

Que penses-tu du fait que la CSC n’ait pas participé aux actions ?

‘‘Il y a un manque d’unité syndicale. La CSC ne participe pas aux actions pour l’instant. Elle veut d’abord mener une campagne d’information concernant l’impact des mesures pour le personnel et les voyageurs. Elle a produit un bon tract à cet effet. Mais informer sans partir en action, c’est insuffisant. D’un autre côté, la CGSP a plutôt la faiblesse de ne pas mener de campagne d´information convenable. Du côté flamand, seules les centrales CGSP d’Anvers et de Bruxelles ont participé aux trois jours de grèves tournantes. Ailleurs, il a été dit que le préavis de grève ne concernait que la participation aux réunions d’information puisque la CSC ne faisait pas grève. Du côté néerlandophone, c’est plus difficile de faire grève sans la CSC.’’

‘‘Nous devons faire des efforts pour avoir la CSC avec nous. Nous devrions participer ensemble avec la CSC à cette campagne d’information, la lier avec l’organisation d’assemblées du personnel et ainsi nous serions mieux préparés pour les actions futures.’’ Quelle a été la réaction de la FGTB suite aux requêtes unilatérales et aux huissiers?

‘‘La FGTB conteste ces décisions en justice. Mais réagir sur le plan juridique uniquement, c’est bien pauvre face à une telle attaque contre le droit de grève. Ils veulent briser la résistance des cheminots et par là casser l’un des secteurs les plus combatifs du mouvement des travailleurs. Briser le mouvement des travailleurs dans son ensemble, voilà la volonté de ce gouvernement de droite. L’ensemble du syndicat doit réagir pour organiser des piquets de masse et stopper l’application des décisions judiciaires.’’ Comment défendre le droit de grève à la SNCB?

‘‘Il faudra se donner les moyens pour impliquer le personnel le plus largement possible dans ces piquets et dans les prochaines actions de grève. Aujourd’hui, la direction syndicale décide seule du plan d’action et le communique ensuite. Pour mobiliser les collègues, le mieux est d’expliquer les attaques et de proposer un plan d’action adéquat en assemblée générale du personnel. Le plan d’action serait ainsi plus largement soutenu et porté par les cheminots.’’

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai