Amnesty International endosse la prostitution : un droit humain ?

Amnesty International a récemment pris une position selon laquelle la prostitution figure parmi les droits humains. L’institution n’est que la dernière d’une longue liste d’organisations ou d’individus de premier plan, et même d’Etats, qui sont poussés à normaliser l’industrie du sexe. Cette approche sert les intérêts des maquereaux et le commerce mondial croissant qui s’y rapporte. Des milliards d’euros sont en jeu.

Par Katia Hancke, Socialist Party (CIO-Irlande)

Retirer de la prostitution sa réalité concrète a pour effet de réduire cette question compliquée à une problématique abstraite : qui sommes-nous pour dire aux autres quoi faire de leur corps ? Ou, pire encore, comment osons-nous avoir une opinion là-dessus ? D’autre part, tous les opposants à la forme d’exploitation des femmes qu’est la prostitution se basent-ils sur une pudeur excessive ?

L’industrie du sexe ‘objectivise’ les femmes

Nous nous basons quant à nous sur une réalité malheureuse : l’exploitation sur base du sexe et du genre empire dans une société où l’objectivation des femmes fait partie du big business et où la violence envers elles est justifiée et même promue par les méga-industries de la pornographie, des jeux de vidéo, des médias, etc. La prostitution doit être comprise dans ce contexte.

Vendre et acheter le corps de quelqu’un, qu’est-ce donc d’autre que l’objectivation ultime d’un être humain, homme ou femme ? Mais soyons clair, la majorité de ceux qui se prostituent sont des filles et des femmes, en ce compris des transsexuelles. Toute extension de l’objectivation des femmes a des effets sur chacun d’entre nous car cela renforce l’inégalité de genre.

Dans quelle mesure la prostitution est-elle consentie ?

Nous devons dénoncer la dure réalité derrière le discours du ‘‘travailleur du sexe heureux et libéré’’. Selon la déclaration d’Amnesty, ‘‘travailleurs du sexe signifie par définition que les travailleurs qui s’engagent dans le sexe commercial ont consenti à le faire.’’ Mais dans quelle mesure la prostitution est-elle réellement consentie ? Une récente méta-analyse (une démarche statistique combinant les résultats d’une série d’études indépendantes, NDLR) concernant l’expérience des travailleurs du sexe réalisée au sein de neuf pays révèle que 60% des prostituées travaillent dans des conditions d’esclavage, que 38% d’autres expliquent qu’elles n’ont pas d’autres options pour cause de pauvreté, de racisme, de manque d’opportunité et de sexisme. Seules 2% des personnes interrogées sentent qu’elles peuvent quitter cette activité quand elles le souhaitent. De quel consentement parle-t-on exactement sur base de telles données ?

L’achat de sexe tarifé, un droit humain ?

Nous soutenons la décriminalisation de la prostitution. Criminaliser les plus vulnérables dans la chaîne de l’industrie du sexe – les travailleurs du sexe eux-mêmes – ne peut aboutir qu’à renforcer le contrôle des maquereaux sur ceux qu’ils exploitent. Cela n’est pas acceptable. Mais qu’une organisation de défense des droits humains proclame que la prostitution fait partie de ces droits donne l’illusion que la prostitution peut aujourd’hui être exempte d’exploitation. En fait, ce que dit véritablement Amnesty International, c’est que le fait pour les hommes d’acheter du sexe (puisque ce sont presque toujours des hommes qui sont acheteurs, ce qui est symptomatique de l’oppression des femmes en général dans la société) fait partie des droits humains et que faire commerce de l’oppression des femmes ne constitue pas un problème.

Des études réalisées aux Pays-Bas et en Allemagne démontrent que ce sont ceux qui profitent de la vente du corps d’autres personnes – les maquereaux – qui bénéficient le plus de la légalisation de l’industrie du sexe. La traite des êtres humains pour le travail du sexe augmente. La majorité des prostituées vivent dans l’illégalité et sont vulnérables à la violence sexuelle et physique ainsi qu’à d’autres formes d’abus. Le ‘‘quartier rouge’’ d’Amsterdam à lui seul compte 7.200 travailleurs du sexe en conditions d’illégalité, vivant sous le joug de leur maquereau. Malgré le fait que plus de 220.000 ‘‘transactions’’ y prennent place chaque année, moins de 100 rapports de police sont rédigés à ce sujet.
Peut-être que si nous étions un peu plus ouverts sur la masturbation et à l’éducation sexuelle en général nous laisserions la génération suivante moins confuse et frustrée. Dès qu’il s’agit de relations avec quelqu’un d’autre, cela doit être sur base d’un consentement mutuel dans le réel sens du terme : entre deux personnes égales et avec respect mutuel plutôt qu’en permettant à ce système, avec sa féroce avidité pour le profit, de réduire ce désir humain universel au rang de commerce.


Prostitution : les faits

• 71% des personnes prostituées ont été victimes de violence physique dans le cadre de cette activité.
• 62% ont été violées.
• 89% veulent quitter la prostitution mais ne voit pas d’autre issue pour survivre.
• 65% à 95% des personnes prostituées ont été sexuellement abusées durant leur enfance.
• Plus que 50% des personnes prostituées tombe dans la prostitution avant leurs 18 ans.
• En Belgique, le chiffre d’affaires du secteur de la prostitution est estimé à 870 millions d’euros.


Pourquoi la prostitution ne représente pas une solution face à la précarité

La prostitution est une des pires formes d’exploitation et une expression très dure du sexisme. Les médias traditionnels ont beau régulièrement mettre en avant des escorts de luxe afin de démontrer que la prostitution est un choix, la réalité est bien différente. Ces prostituées de luxe ne constituent qu’une minorité. Si on se penche sur la situation sociale de ces personnes, on constate qu’une grande majorité n’a que cette ‘‘solution’’ pour survivre. Les personnes prostituées sont tantôt sans-papiers, tantôt en situation d’exclusion sociale et n’ont aucun revenu ! Ce choix est donc très relatif.

Par Morgane (Charleroi)

Conduire des personnes à se prostituer en organisant leur précarité – surtout en temps de crise – est bien un choix par contre, mais politique celui-là ! Le constat est là : quand les partis traditionnels décident de mener des politiques d’austérité, les femmes sont particulièrement touchées. Le gouvernement Di Rupo a frappé fort avec sa mesure de limitation dans le temps des allocations dites d’insertion. C’était clairement une attaque frontale contre les femmes, puisque 65% des exclusions du chômage de ce 1er janvier 2015 les concernaient. Le gouvernement Michel a continué dans cette lignée en s’attaquant notamment au rabotement des allocations de chômage complémentaires en cas de temps partiels.
La nature même des politiques d’austérité, du système capitaliste – fondement de toute oppression – et son incapacité à fournir à chaque personne une vie décente poussent ces personnes à vendre leur corps pour survivre.

Amnesty dit que la prostitution est un droit fondamental. Qu’entend le PSL par droits fondamentaux ?

Pour le PSL, la prostitution n’est pas un droit fondamental, mais une des pires formes d’exploitation. Ça ne veut pas dire que nous considérons les personnes prostituées comme des criminels, mais nous nous opposons aux circonstances qui poussent des gens à se prostituer. C’est le fait de voir des droits fondamentaux bafoués (disposer de bonnes conditions de vie) qui les oblige à vendre leur corps.

Un emploi décent avec un salaire minimum de 1500€ pour tout le monde constituerait une base sérieuse pour l’émancipation des femmes et de l’ensemble des travailleurs. La semaine des 30 heures sans perte de salaire, avec embauches compensatoires et réduction des cadences est un premier pas pour fournir à chacun un bon emploi, c’est-à-dire une alternative à la prostitution. Nous avons également besoin de logements plus accessibles pour alléger le poids du loyer dans le budget des ménages. Un investissement public massif dans les logements sociaux est donc nécessaire ! De nombreuses personnes qui se prostituent sont sans-papiers, clandestines. Elles ont besoin d’être régularisées afin de pouvoir prétendre à un emploi légal et une vie décente.

Comment atteindre ces objectifs ?

Les travailleuses et des travailleurs avec ou sans emploi, avec ou sans papiers doivent se mettre en lutte: c’est le meilleur mais aussi le seul moyen de mettre fin à cette exploitation.

Dans un premier temps, si nous voulons combattre les circonstances qui poussent les femmes à se prostituer, nous devons nous impliquer dans chaque lutte contre l’austérité, mais aussi contre toutes les divisions. Nous vous invitons à nous rejoindre dès ce 7 octobre lors la manifestation syndicale nationale pour dire non aux politiques d’austérité du gouvernement Michel !

Dans un deuxième temps, il faut lutter contre le système capitaliste qui est le fondement de l’oppression de toutes les travailleuses et de tous les travailleurs. La prostitution et le sexisme en général ne sont pas une fatalité. Nous avons besoin d’une alternative politique qui élimine les bases matérielles et économiques de la précarité et des inégalités. Nous avons besoi n d’une société qui se soucie des besoins de l’entièreté de la population et pas seulement des 1 %, nous avons besoin d’une société socialiste démocratique !

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