Grève du 19 octobre : une réussite à Verviers également

JM9Ce lundi, la FGTB de Verviers et de la communauté germanophone a pu se réjouir du succès de la grève tournante dans la région verviétoise : transports publics à l’arrêt, entreprises et services publics bloqués, les piquets sont effectivement assurés. N’en déplaise aux médias et commentateurs traditionnels, c’est bien dans les récits de parcours professionnels que la « violence » a trouvé sa plus pure expression. De ces histoires, c’est probablement le soi-disant « blocage » à toute alternative qui cause le plus de souffrance. La « prise d’otage », c’est celle que le patronat opère envers ses salariés en enfonçant ceux-ci dans des conditions de travail de plus en plus déplorables. Avec un contrat précaire sur la tempe, il affaiblit toute résistance.

Par Sébastien (Liège)

De la gare au zoning industriel des Plenesses, du centre au complexe commercial « Crescend’eau », une équipe du PSL et des Etudiants de Gauche Actifs (EGA, branche étudiante du PSL) a parcouru les piquets de grève. En plus de se montrer solidaire des travailleurs en grève, notre équipe a souhaité discuté des conditions de travail en vigueur dans les différents secteurs rencontrés. Surtout, nous avons voulu débattre du chemin parcouru depuis le succès du plan d’action syndical de l’automne 2014, de ses forces et ses faiblesses, et du chemin qu’il conviendrait de prendre à présent. A cet effet, qu’ils viennent de Bpost à Thimister-Clermont, de l’enseignement à Spa, du service chômage de Verviers, de la CSC ou de la FGTB, les enseignements que tirent les militants syndicaux sont lourds de sens.

La promotion d’une génération émergente de délégués syndicaux combatifs

Après autant d’années de combat, certains délégués syndicaux avouent eux-mêmes ressentir une forme de fatalisme ou de lassitude. A cet égard, certains se souviennent des années ’90 qui fut une période difficile pour tous militants de gauche. C’est d’ailleurs suite à ce constat qu’une militante de la CGSP et deux délégués syndicaux présents au piquet de Crescend’eau se sont réjouis de noter qu’une relève combative semblait prendre place. Il suffit de discuter avec Jérôme, qui travaille depuis maintenant sept ans chez Bpost, pour s’en convaincre. Celui-ci a décidé de se présenter comme délégué syndical il y a maintenant… un an. Oui, en automne 2014. L’historique plan d’action syndical qui se déroulait à ce moment semble avoir eu un effet loin d’être négligeable : la formation d’une nouvelle génération de travailleurs à la lutte syndicale, à la préparation et la tenue de piquets de grève. Cette tradition, loin d’avoir été abandonnée dans les méandres du XXème siècle, fut renouvelée à travers des forces prêtes non seulement à combattre ce gouvernement, mais également à croire en une alternative excluant toutes forces politiques ayant trempé dans l’application de l’austérité.

Toutefois, les critiques portent aussi sur les directions syndicales. En effet, la rancœur des militants provoquée par le silence de leur direction au lendemain de la grande grève générale est toujours vive. Jérôme n’hésite pas à avancer que « la direction est clairement un frein au mouvement entrepris par la base ». Daniel, délégué syndical CSC également à Bpost, confirme : « pour nous, une journée de grève dans le vent, c’est une perte de salaire mais, pour eux [la direction, ndlr.], cela justifie leur salaire et les conforte le cul dans le beurre ».

Dès lors, les élections sociales constitueront une période charnière. Celles-ci pourraient profiler et donner des responsabilités à ces nouvelles forces vives qui ont notamment gagné leur légitimité sur base de leur activité durant le plan d’action syndical. Nous l’exprimions en conclusion de notre tract distribué ce jour aux grévistes : « une chose est claire, les militants de base et les délégués doivent d’urgence mettre de l’ordre dans leurs rangs et assurer que les militants élus aux élections sociales soient des militants combatifs pour qui le travailleur constitue la préoccupation centrale, et qui osent le dire tel quel à leur secrétaire syndical. ».

Assemblées générales : «un véritable espace démocratique pour le débat d’idées et la prise de décision»

Malgré les difficultés du aux horaires de travail, les délégués et militants présents sur le piquet de Bpost ont souligné la nécessité d’organiser des assemblées générales. Malheureusement, la charge de travail, les pauses et le rythme effréné qui y sont en vigueur rendent difficiles leur organisation. Certains militants pensent néanmoins que leur syndicat devrait mettre davantage de pression pour créer ces espaces de discussions et d’organisation. Ils déplorent que leur dernière assemblée générale date d’avant le plan d’action de 2014 et qu’il n’y en aura qu’une la semaine prochaine, « peut-être ». Au-delà de leur manque criant, Jérôme ajoute que celles-ci doivent être un véritable espace pour le débat d’idées avec une consultation effective des travailleurs.

Il était assez illustratif que sur un des piquets du complexe commercial, une militante syndicale de la CGSP se soit montrée particulièrement enthousiaste à cette idée. Pour elle, il est clair que Facebook et autres réseaux sociaux ne doivent être qu’un complément à de réelles rencontres interprofessionnelles qui permettent de se rencontrer entre travailleurs et militants, nouer des liens, faciliter l’organisation des luttes et donner la parole à tous : « c’est tout simplement mon rêve », conclut-elle.

Comme nous l’avons expliqué dans notre tract, nous pensons effectivement que le plan d’action syndical fut un véritable succès. En accord avec ce qui a été précédemment dit, nous ajoutons que celui-ci aurait pu être décuplé en mobilisant les travailleurs au sein « d’assemblées générales, interprofessionnelles ainsi que sur les lieux de travail, ouvertes à tous pour y discuter du constat de l’échec de la concertation et de l’élaboration d’un plan d’action à la base pour réunir nos forces ». Cela permettrait de mobiliser concrètement au-delà des permanents, délégués syndicaux et militants combatifs habitués à descendre dans la rue et dresser un piquet lorsque c’est nécessaire.

« Il faut rompre avec les partis traditionnels. Mais, alors, qu’est-ce qu’on propose à la place ? »
Michaël, un des responsables du service chômage FGTB, rappelle que l’année 2008 lui a vraiment permis de voir les limites du système capitaliste. Les responsables de son service et lui-même l’ont concrètement constaté en 2009, suite à la hausse fulgurante des chômeurs (où il était par ailleurs constaté que les cohabitant(e)s, majoritairement des femmes, se retrouvaient financièrement dépendantes de leur conjoint et 80% des ménages monoparentaux étaient composés de femmes qui vivaient alors sous le seuil de pauvreté). « Aucune leçon n’a été tirée de la crise » déclare-t-il. Cela dit, à travers la paupérisation de la population qu’ils constatent au quotidien, ils sentent que le système actuel touche à sa fin. Michaël et ses collègues expliquent être eux-mêmes débordés par l’administration qui se complexifie au point de finir par s’y perdre. Imaginez alors ce qu’il en est pour les bénéficiaires ! D’après eux, le système actuel est un « système d’exclusion » : femmes, chômeurs, réfugiés ; tous forment une « armée de réserve » utilisée par le patronat pour diviser et faire pression sur nos droits et nos salaires.

Très souvent, la question a porté sur le précédent plan d’action syndical et sa faramineuse retombée. La stratégie de la concertation sociale à un tel stade de la lutte a semblé inconcevable à beaucoup de militants. Pour Jean-Marc (travailleur à Bpost), le 15 décembre 2014, « nous étions à deux doigts de faire tomber ce gouvernement, mais les directions syndicales se sont dégonflées : je me suis senti trahi ». Jérôme précise que « les directions instrumentalisent le manque de solution comme prétexte pour ne rien faire ». Je ne veux ni du MR, ni du PS. Je recherche une alternative à gauche ». Daniel, permanent syndical FGTB à Bpost, explique également qu’il faut rompre avec les partis traditionnels, mais se questionne sur l’alternative à proposer.

Suivant ce même constat, à Crescend’eau, les grévistes se montrent clairs : on est à la recherche « d’un vrai gouvernement de gauche » ou « d’une nouvelle gauche ». De son côté, Guy (un autre responsable du service chômage) explique qu’après 25 ans au pouvoir, le PS a complètement oublié ses origines et ne partage plus les mêmes intérêts que la population. On ne peut dès lors plus compter sur lui. A travers notre participation aux piquets, aux discussions engagées et à la distribution de notre matériel, nous voulons contribuer à ce débat. Nous pensons que l’organisation d’assemblées générales telles que discutées ci-dessus constitue un premier pas pour réfléchir démocratiquement à une telle alternative.

Finalement, ce qui est flagrant, c’est la volonté de combattre qui existe bel et bien toujours. La manifestation du 7 octobre nous l’a encore prouvé. Ce qui est indiqué dans le tract distribué a été discuté et rediscuté aujourd’hui encore et cela représente un avertissement clair : « il faut que les directions syndicales prennent la lutte véritablement au sérieux et commencent à la structurer de façon convenable. Sinon, nous risquons de foncer droit dans le mur et de subir des défaites majeures. Nous espérons ne pas alors entendre dire ‘ce n’est pas de notre faute, c’est la base qui n’a pas voulu suivre’. »

Grève du 19 octobre à Verviers

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