[INTERVIEW] TTIP, CETA,… Pour en finir avec la camisole de force néolibérale

ttip-300x257Ces 15, 16 et 17 octobre, divers évènements prendront place en Belgique contre le très mortifère traité transatlantique (TTIP ou TAFTA). Nous en avons parlé avec Sebastian Franco, représentant de l’Alter Summit Europe, une des plateformes organisatrices de ces évènements aux côtés de Tout Autre Chose / Hart boven Hard, de l’Alliance D19-20 et du Réseau Wallon de Lutte Contre la Pauvreté.

Propos recueillis par Pietro (Bruxelles)

Peux-tu nous expliquer en quoi consiste cette nouvelle plateforme contre l’austérité en Europe? Quels objectifs politiques vous êtes-vous donnés?

‘‘Alter Summit est né suite au déclin du Forum Social Européen. L’idée première du réseau est de construire un rapport de force plus favorable à la mise en place des politiques alternatives que nous discutons depuis des années. Car changer l’Europe c’est discuter des alternatives mais aussi de comment pouvoir les imposer aux forces économiques et politiques qui aujourd’hui gouvernent.’’

Dans le cadre des 3 jours contre le traité transatlantique (TTIP) les 15, 16 et 17 octobre, tu coordonnes une alliance entre plusieurs plateformes européennes contre le traité de libre-échange. Peux-tu nous expliquer les revendications politiques et le programme de ces trois journées?

‘‘Les journées d’actions vont au-delà de la question du libre-échange. Nous travaillons avec des forces sociales qui dénoncent les politiques d’austérité, l’Europe Forteresse ou encore l’évasion fiscale et la corruption des élites européennes. Le message politique est donc celui de vouloir changer radicalement les politiques européennes (celle de l’Union et des pays membres). C’est pourquoi nous disons : OXI, BASTA, ENOUGH. Nous voulons une autre Europe et pour cela nous savons que nous devons travailler tous ensemble pour imposer nos alternatives dans tous les domaines de la vie sociale et économique.
‘‘Donc, un message d’unité pour construire cette autre Europe, démocratique, sociale, pacifiste, solidaire, etc.’’

Quels enjeux concernant le TTIP touchent le plus les travailleurs? Et quel rôle penses-tu qu’ils peuvent jouer dans cette lutte?

‘‘Le TTIP (et les autres accords du même acabit, CETA, TISA, etc.) auront un impact sur quasi tous les aspects de notre vie en société. Les conditions de travail bien sûr, mais aussi ce que nous mangeons, comment nous serons soignés et éduqués, mais aussi notre environnement. C’est véritablement un modèle de société, marchand et individualiste, que l’on veut renforcer.

‘‘Les travailleurs ont un rôle important à jouer, notamment pour remettre en question cette concurrence de tous contre tous, mais c’est là une posture plus politique pas forcément évidente dans les organisations de travailleurs. Par contre, les travailleurs ont une connaissance approfondie de leur outil de travail, donc ils peuvent bien évaluer l’impact que de telles politiques auraient sur le quotidien.’’

Parmi les signataires de l’appel, on trouve des organisations syndicales, des ONG, des collectifs féministes et antiracistes,… Comment la préparation de ces trois jours s’est-elle déroulée ?
‘‘Ce n’est pas évident de mettre tout ce monde autour de la table, les manières de s’organiser sont différentes, les processus de décision complexes. Ceci dit, nous pouvons compter sur une certaine expérience puisque depuis quelques années nous avons en Europe des lieux où nous nous rencontrons. La confiance s’installe, mais c’est un processus long.

‘‘C’est d’ailleurs un des enjeux majeur de ces journées : mobiliser différents secteurs de la société, faire converger des luttes qui ne se rencontrent pas toujours. Un vrai défi, pas seulement pour ces journées, mais pour l’avenir du mouvement social en Europe.’’

Cette année, vous avez articulé traité de libre-échange, austérité et politiques migratoires: tu pourrais nous expliquer le sens de cette démarche?

‘‘Il nous semble important aujourd’hui de lier les nombreuses luttes, parfois isolées, qui existent. Car c’est vraiment le projet européen qui est en crise, ça fuit de partout. L’Europe s’enfonce toujours plus dans le néolibéralisme, l’autoritarisme et le chauvinisme. Et nous sommes tous, les habitants du continent, liés à l’avenir de cette Europe. L’alternative ne peut être un retour à la nation. Nous n’avons le choix que de lutter pour la changer, en faire une Europe des peuples, solidaire, ouverte, etc. Et c’est seulement ensemble que nous y arriverons.’’

Penses-tu que ces trois jours de mobilisations internationales pourront jouer un rôle dans les futures luttes, ici, en Belgique, contre le gouvernement Michel ? Les syndicats et le mouvement des travailleurs pourront-ils jouer un rôle dans ce combat contre le TTIP?

‘‘J’espère bien. Mais cela dépendra de la mobilisation des organisations belges dans ces journées. Et ce n’est pas encore gagné. L’idée de faire des actions sur des questions européennes doit encore faire du chemin. Je pense que c’est important d’avancer sur les deux fronts en même temps : au niveau national et au niveau européen. Parce que les rapports de forces se retrouvent à ces deux niveaux.

‘‘On l’a vu avec la Grèce. Au-delà des débats que cette expérience pose, on a vu une réelle force s’exprimer avec le référendum. Ce qui n’a pas empêché d’avoir tous les autres gouvernements et institutions contre elle. Et ce malgré une certaine mobilisation européenne.’’

Les négociations concernant le TTIP sont bien avancées et les négociateurs veulent faire passer au plus vite le dossier, avant qu’il ne soit trop tard. Penses-tu que le mouvement a vraiment la possibilité de stopper l’accord ? Comment poursuivre la lutte par la suite ?

‘‘Les négociations du TTIP peuvent encore durer quelques temps, c’est bon pour nous car la résistance grandit. Ceci dit, le CETA, l’accord de libre-échange avec le Canada, pourrait très vite être adopté et constituerait un très mauvais précédent pour nous.

‘‘Sur le TTIP, je pense que l’on peut gagner, ça serait important, les victoires nous manques. Mais cet accord n’est qu’une partie de toute l’architecture économique et commerciale néolibérale construite depuis des décennies. Une victoire sur le TTIP devra nous donner l’élan pour continuer à gagner sur d’autres terrains et déconstruire cette camisole néolibérale qui nous emprisonne tous.’’


Le TTIP, un AMI qui ne vous veut pas du bien…

Le traité transatlantique (TTIP) vise à créer la plus vaste zone de libre-échange au monde, entre l’Union Européenne et les USA. Ce projet prévoit de forcer l’ouverture des marchés publics, d’accentuer la mise en concurrence des travailleurs, d’écraser les petits producteurs (agricoles et autres), d’abaisser les normes de protection sociales, sanitaires et environnementales existantes, de permettre l’usage de produits chimiques et de méthodes de production aujourd’hui interdites en Europe, de contraindre les pays du Sud à accepter des rapports commerciaux défavorables, de donner le droit aux investisseurs de poursuivre un Etat devant une justice privée à cause de ses législations sociales et environnementales,… En bref, c’est une horreur.

Il s’agit très largement de l’héritier d’un accord involontairement rendu public et tué dans l’œuf en 1998 : l’Accord Multilatéral sur l’Investissement (AMI). Les très vives protestations, syndicales et autres, qui avaient suivi sa médiatisation avaient conduit à son abandon à tel point que l’accord avait été comparé à Dracula, car il meurt à être exposé en plein jour… Le voilà de retour, il faudra cette fois-ci fermement enfoncer le pieu dans son cœur !


 

Notre opinion : Contre l’Europe du capital, pour une Europe socialiste!

Après des décennies de politique néolibérale et de dictature des marchés, l’idée que cette Union Européenne est la nôtre n’est plus défendue par grand monde en dehors des cénacles patronaux. L’UE n’a rien à voir avec la paix et la collaboration entre les peuples européens, c’est une machine d’attaque contre nos salaires, nos conditions de travail et notre niveau de vie. Quand l’Union Européenne parle ‘‘d’harmonisation’’, c’est toujours vers le bas, pour imposer aux travailleurs plus de flexibilité, plus de privatisations, plus de libéralisations et moins de protection sociale.

Le TTIP est un pas en plus dans cette direction, mais vaincre ce traité sera insuffisant. Il faut en finir avec cette Union Européenne néolibérale et construire une société véritablement basée sur la solidarité entre les travailleurs et les pauvres en Europe. Cette solidarité et cette unité doivent être basées sur la libre coopération entre travailleurs des différents pays d’Europe dans le cadre d’économies débarrassées de la logique d’exploitation, où les secteurs clés de l’économie ne seront plus aux mains des banquiers et des grands actionnaires. Une fédération socialiste européenne basée sur la planification démocratique de l’économie permettrait que les énormes moyens dont dispose la société soient utilisés en faveur des intérêts de la majorité de la population.

Pour une Europe socialiste, sous le contrôle de la population, au lieu d’une Europe dominée par les intérêts des grandes entreprises !


 

15, 16 et 17 octobre : 3 journées de résistance !

Le 15 octobre, des Marches arriveront d’Europe à Bruxelles pour encercler et perturber le sommet des chefs de l’Etat de l’Union Européenne et ainsi protester contre les négociations sur le traité transatlantique.

Le 16 octobre, plusieurs actions et débats auront lieu avec notamment une manifestation contre la pauvreté à Namur, une conférence sur la dette et un meeting sur les alternatives politiques en Europe.

Le 17 octobre après-midi, une manifestation européenne est prévue avec d’importantes délégations internationales.

Plus d’infos (programme, horaires, lieux de rendez-vous,…) : www.ox15.eu/fr/actions

 

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