Le rail menacé par la réduction de budget et de personnel

En plus de la mobilisation pour la manifestation nationale du 7 octobre, les cheminots se préparent à une nouvelle phase de lutte contre la libéralisation croissante de nos chemins de fer, la diminution du service, le manque de personnel, … Comme si cela ne suffisait pas, à cela s’ajoute encore une série d’attaques contre leur droit démocratique de faire grève. Lutte Socialiste a discuté avec un délégué syndical des chemins de fer.

Propos recueillis par Jarmo (Anvers), interview tirée de l’édition d’octobre de Lutte Socialiste

Vous vous préparez à un nouveau plan d’action ? De quoi traitent ces grèves au juste ?

“ Nous sommes attaqués sur différents fronts en même temps. Tout d’abord, et surtout, nous n’avons toujours pas de protocole d’accord social (comparable à une convention collective de travail, CCT). Le protocole précédent venait à échéance en 2010 et a ensuite été prolongé d’un an. Cela signifie que cela fait quatre ans que nous sommes sans CCT.

“En avril, la direction est quand même venue avec un texte dans lequel figurait une proposition de protocole. Ce texte était complètement inacceptable pour le personnel. 95% des mesures proposées consistaient en un démantèlement du service et une érosion des conditions de travail. Les autres 5% du texte (les éléments qui devaient être ‘‘positifs’’ pour le personnel) n’ont pas totalement été concrétisés. Ainsi, la demande d’une indemnité vélo ou une augmentation du montant des chèques-repas n’a pas été suivie. Seule une de ces deux mesures peut être prise en compte. En même temps, la direction demande à pouvoir licencier des travailleurs statutaires ! Alors que l’effectif diminue déjà puisqu’une grande partie des pensionnés n’est pas remplacée, les patrons veulent jeter les gens à la rue encore plus agressivement. Cela reviendrait à dire que celui qui n’est plus en phase avec les nouvelles technologies perdrait purement et simplement son emploi ou que, si ton poste de travail est supprimé, c’est juste la faute à pas de chance…”

Vous vous attendez donc à l’avenir à ce que des licenciements tombent ?

“Les économies à la SNCB reviennent à une réduction d’un cinquième, ou 20%, des moyens. Cela signifie que des stations de travail complètes disparaîtront assurément. On veut économiser 10 millions d’euros avec la suppression d’un jour férié extralégal…

“La teneur du texte traduit clairement l’attitude des patrons. Il n’est pas soufflé un mot sur la sécurité d’emploi. Dans le texte précédent, il était stipulé que la SNCB continuerait à travailler avec au moins 38.000 travailleurs. En réalité, il n’y en a déjà plus que 34.000…”

Nous pouvons quand même partir du principe que les syndicats rejetteront ce texte ?

“Oui. Mais entre-temps, nous n’avons toujours pas de protocole ; ce qui signifie aucune augmentation du pouvoir d’achat pour compenser l’inflation.”

Sur quels fronts êtes-vous attaqués ?

“Il est question de calculer nos pensions sur base des 4 dernières années de carrière. Avant, c’était la dernière année. Cela pourrait signifier une perte de centaines d’euros par mois pour les cheminots et cheminotes pensionné(e)s.

“A partir de 2016, il n’y aura plus d’engagements statutaires. Les statutaires qui partent en pension ne seront pas remplacés. C’est vraiment très problématique parce qui restera encore pour défendre les droits de chacun ? Le statut à la SNCB est à peu près l’une des dernières façons d’avoir une forme de sécurité d’emploi en Belgique.

“La libéralisation des chemins de fer se poursuit furtivement. Pour 20 millions d’euros, Argos, un fonds d’investissement suisse, a pu prendre en main deux tiers des actions de SNCB Logistics ; et ce, alors que Logistics a récemment encore reçu des locomotives et bâtiments de la SNCB. Argos a donc acheté Logistics pour une bouchée de pain.”

Combien économise-t-on en fait à la SNCB et quelles en sont quelques conséquences concrètes ?

‘‘La SNCB doit économiser 633 millions d’euros pour 2019. Cela revient à environ 20% des moyens de fonctionnement totaux. Sur 5 ans, cela signifierait que la moitié des employés de guichet disparaîtront. Sur cette même période, nous évoluerons de 365 cabines d’aiguillage en Belgique à seulement 8 à 10: cela revient à 2000 aiguilleurs qui perdront leur emploi. La rhétorique des patrons est aussi particulièrement cynique. Sur le réseau de banlieue, ils proposent de supprimer les accompagnateurs de train. Sans accompagnateurs de train, les trains resteraient moins longtemps en gare et moins de temps serait perdu. Pour la direction, donc, les accompagnateurs de train qui assurent que chacun se trouve en sécurité à l’intérieur du train gênent le trafic ferroviaire…”

Devons-nous voir les attaques contre le droit de grève dans ce contexte ?

“Cela va de soi. Il est clair que les patrons du rail s’attendent à une opposition contre une attaque poussée si loin. Le personnel ferroviaire est connu pour défendre ses droits. Il n’en sera pas autrement cette fois-ci.

“L’idée d’un service minimum dans les chemins de fer est très problématique. Vont-ils travailler avec des réquisitions comme dans les hôpitaux ? On ne peut pas prétendre que des gens meurent si le personnel ferroviaire fait grève… Au contraire, un démantèlement du service signifie des chemins de fer moins sûrs.

“Nous devrons faire grève pour contrer ces mesures. Sinon, nous risquons de perdre tous nos droits à plus long terme.”

Il y a-t-il une grande combativité ?

“Beaucoup veulent entrer en action tant du côté flamand que francophone malgré que le plan d’action n’est pas communiqué suffisamment clairement vers le personnel et vers les voyageurs pour construire l’unité nécessaire contre l’offensive des médias. Nous savons qu’une grève de 24 heures arrive le 9 octobre, suivie de grèves tournantes régionales en octobre. Cela devrait déboucher sur une grève de 48 heures en octobre.”

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