Economie mondiale : La crise chinoise crée la panique sur les marchés mondiaux

china_crisis« Lundi noir », s’est exclamée Xinhua, l’agence de presse officielle chinoise lorsque la bourse s’est effondrée de 8,5% le 24 août. Cela a entraîné les plus forts baisses sur les bourses du monde entier depuis la crise financière de 2008 sur fond de crainte de récessions mondiale menée par la Chine.

Vincent Kolo, chinaworker.info, article initialement publié le 25 août

Auparavant, Wall Street était l’épicentre du marasme financier mondial, après l’effondrement des banques en 2008, mais cette fois, c’est la crise économique de la Chine et la perte de contrôle visible de ses dirigeants qui est le déclencheur. La « mini-dévaluation » de choc du Yuan chinois le 11 août a tiré la plus grande partie du monde capitaliste hors de son faux sentiment de sécurité, croyant que la Chine « avait un plan » pour gérer le ralentissement croissant du pays. Depuis, plus de 5000 milliards de dollars ont été effacés de la valeur des bourses mondiales. Cette destruction massive de richesse en quelques jours est la preuve accablante que le capitalisme est un système économique insensé et moribond. « Aujourd’hui, plus de 400 milliards d’euros ont disparu des valeurs de 300 plus grandes entreprises européennes », d’après Reuters le jour du Lundi Noir, alors que la déroute s’étendait à l’Europe.

Larry Summers, ancien Secrétaire du Trésor des Etats-Unis, a tweeté « comme en août 1997, 1998, 2007 et 2008, nous pourrions être à la première étape d’une situation très grave ». Même le candidat à la présidence américaine Donald Trump, qui n’a pas inventé l’eau chaude, avertit que le monde pourrait plonger dans la dépression. Damian McBride, qui servait de conseiller économique au Premier Ministre Gordon Brown, prévient que la crise actuelle pourrait être « 20 fois pire » que celle de 2008.

L’Index de Hong Kong, Hang Seng, a subi sa pire baisse depuis 1987, et sa bourse est devenue officiellement un « marché baissier », ayant perdu plus de 20% depuis son pic en avril. Les bourse d’Indonésie et de Taïwan sont aussi à la baisse. Similairement, les bourses des économies développées ont subi un énorme revers ce Lundi, ce qui a aggravé la panique des deux semaines précédentes, la FTSE de Londres ayant perdu 18% de sa valeur depuis avril, et la DAX allemande 20% sur la même période. La bourse australienne a plongé de 8% Lundi, l’une des chutes les plus fortes, et un reflet de son exposition à la Chine.

L’effondrement mondial s’est étendu aux matières premières, le pétrole, le cuivre, l’aluminium et le nickel atteignant leurs niveaux les plus bas depuis le début de la crise en 2008. Les prix du pétrole, qui jouent un grand rôle dans l’économie mondiale, ont chuté de 115$ le baril à l’été 2014 à moins de 43$. Cela augmente la pression sur les producteurs de pétrole, de la Russie au Vénézuéla, qui sont déjà en récession. Le Bloomberg Commodity Index, qui surveille les prix de 22 matières premières est descendu à son niveau le plus bas de ce siècle en tombant de 17% cette année et 40% sur les 3 dernières années.

La Chine a été le principal moteur de la croissance mondiale ces dernières années, en contribuant à environ un tiers de la croissance mondiale, contre 17% pour l’économie US. Elle consume environ la moitié des métaux du monde et domine le marché d’autres matières premières comme les produits agricoles. La forte chute des prix de ces matières premières a ralenti la croissance dans beaucoup de pays exportateurs de matières premières, mais met aussi une forte pression déflationniste dans toute l’économie mondiale. Alors qu’à court terme, la baisse des prix peut donner de l’élan aux économies qui importent des matières premières, si cette déflation se prolonge, cela menace d’handicaper la croissance économique et d’exacerber les problèmes de dettes, qui augmentent par tout et surtout en Chine elle-même. C’est ce qu’il s’est passé au Japon, qui est entré dans une crise déflationniste en 1990 – marquée par la stagnation économique et la montée du niveau de la dette – de laquelle il n’est jamais sorti. Aujourd’hui, la Chine montre beaucoup de caractéristiques similaires à celles du Japon des années 1990 tout comme l’économie mondiale.

Dévaluation-choc

Quand la Chine a dévalué le yuan il y a 2 semaines, ce qu’elle a toujours été réticente à faire et qu’elle considérait comme une « option nucléaire », cela a choqué le système capitaliste mondial. Tout à coup, cela a confirmé les suspicions selon lesquelles le malaise économique Chinois est bien pire que ce que Pékin admettait ou rapportait dans ses statistiques officielles, qui, comme nous l’avons expliqué, étaient falsifiées et trompeuses. La dévaluation, minimale jusqu’ici, agitait le spectre d’autres dévaluations par imitation (ce qu’on appelle « la guerre de monnaie ») qui pourrait en retour, comme le dit Albert Edwards de la banque Société Générale, provoquer « un raz-de-marée » sur l’économie mondiale.

Les commentateurs capitalistes se grattent la tête de sidération devant la manière confuse dont la dévaluation chinoise a été effectuée. Comme Paul Krugman l’a noté dans le New York Times (14 août), « ils semblent avoir été pris complètement par surprise par la réaction prévisible du marché… Les investisseurs ont commencé à quitter la Chine, et les politiciens brusquement pivoté de la défense de la dévaluation de la monnaie à un effort surhumain pour soutenir la valeur du yuan. »

La dépréciation de la monnaie (jusqu’ici, de 3% contre le dollar) est trop faible pour avoir le moindre impact sur les exportations chinoises. De plus, le régime et la banque centrale chinoise, PBoC, ont ajuster leurs interventions monétaires pour soutenir le yuan, ou risquer une fuite des capitaux hors de Chine bien plus grande. Une somme sans précédent de 800 milliards de $ a quitté la Chine au cours des cinq derniers semestres – la monnaie étant convertie en actifs en dollars (outed into dollar assets) ou autres monnaies « sures » par les sociétés et spéculateurs chinois aussi bien que par les étrangers.

La dévaluation, à laquelle le PBoC semble avoir résisté jusqu’au tout dernier moment, semble donc « le pire des mondes possible ». La décision a créé le chaos sur les marchés mondiaux et a lancé une réaction en chaîne de chute des monnaies mais sans apporter la moindre amélioration à l’économie chinoise. En fait, la chute brutale des monnaies asiatiques et d’autres « marchés émergents » des deux dernières semaines a complètement annulé et en fait inversé tout bénéfice de la dévaluation pour la Chine en termes de remontée des exportations. Les monnaies indonésienne et malaisienne sont tombées à leur plus bas niveau depuis la crise asiatique de 1998, au milieu d’une baisse générale des monnaies asiatiques (à l’exception du yen japonais qui est vu comme une monnaie « sure ») ; pendant que le rouble Russe, le rand Sud-Africain et la lira Turque ont touché le plus bas niveau jamais atteint. Un autre effet important de la dévaluation sera, très probablement, de reporter l’augmentation des taux d’intérêts américains longtemps attendue et planifiée pour septembre par Janet Yellen et la Réserve Fédérale. Cela complique la position du gouvernement américain et ajoure aux tensions croissantes entre Washington et Pékin.

Erreurs spectaculaires

Le régime chinois a spectaculairement mal géré l’effondrement de sa bourse, en dépendant plus de 1000 milliards de dollars en mesures des soutien sur les 10 dernières semaines, desquelles il n’a récupéré absolument rien. Le Lundi Noir, la liquidation, la pire depuis 8 ans, a mis les cours des actions en dessous du niveau du 8 juillet quand l’opération de sauvetage a été lancée. En effet, les pertes d’aujourd’hui balayent tous les gains de la bourse – la deuxième plus grande au monde – depuis le début de l’année.

Ces événements ont marqué un tournant dans la perception du régime. Le CIO et sa section chinoise ont depuis longtemps remis en question le mythe de « l’infaillibilité » qui entoure la dictature et ses supposées compétences économiques. Mais jusque très récemment, les dirigeants chinois ont été tenu pour des « technocrates modèles », les représentants du capitalisme mondial se bousculant pour leur rendre hommage.

Ces derniers mois, une succession de mesures bâclées – d’abord gonfler une bulle intenable, puis tenter de la soutenir après qu’elle ait éclaté, culminer avec une dévaluation de la monnaie hésitante et paniquée – ont mis en lambeaux l’autorité des mandarins économiques de Pékin. The latest move, although unannounced, is shown by the regime’s failure to intervene with fresh market support measures as the stock index tanked on Black Monday. Bien entendu, Pékin a réalisé qu’il ne peut pas soutenir à la fois la bourse et la monnaie et a choisi de se focaliser sur cette dernière. Ces mesures représentent un étalage d’incompétence presque sans égal. Elles montrent aussi les limites du pouvoir de Pékin à contrôler les développements économiques, surestimé par les capitalistes du monde entier.

« La vraie perdante de cet été, c’est la crédibilité du gouvernement. Quand vous regardez l’intervention sur la bourse, quand vous regardez le rafistolage du FX [la dévaluation] comme je le disais il y quelques semaines, et quand vous regardez l’explosion de Tianjin, vous voyez un gouvernement qui n’a certainement aucun contrôle. Vous regardez cela et cela vous renvoie une image déplorable de la compétence de la Chine au niveau des dirigeants. Qui d’autre est responsable ici ? [Le président] Xi Jinping paraît invisible. »

Ces commentaires de Fraser Howie, co-auteur du livre Red Capitalism, sont typiques des analystes bourgeois d’aujourd’hui. Beaucoup de ces commentateurs étaient fans des dirigeants chinois jusque récemment et font maintenant la même expérience que les petits enfants lorsqu’ils découvrent que Saint Nicolas n’existe pas.

Le crash de la bourse chinoise était tout à fait prévisible, car la baisse du cours de l’action a perdu toute connexion avec l’économie réelle. Les données économiques récentes ont confirmé la gravité des problèmes de la Chine. La production des usines se contracte depuis 5 mois d’affilée et n’a jamais été si basse depuis 6 ans. D’anciennes industries à croissance comme les smart phones et les voitures – la Chines est le plus grand marché mondial pour les deux – se contactent aussi. Malgré une récente « stabilisation » des prix du logement, les démarrages de chantiers ont baissé de 16,8% au cours des 7 premiers mois de l’année. Ces dernières années, la Chine a compté la moitié des constructions du monde, ce qui, rapporté à une base annuelle, se traduirait pas une baisse de 8% des constructions dans le monde entier. Cela explique pourquoi le marché des matières premières – du pétrole aux pousses de soja – sont sur le déclin ces dernières semaines. De plus, certaines des plus grandes corporations aux USA ont vu des milliards de dollars disparaître des valeurs des actions en raison de leur dépendance du marché chinois. Cela inclut Apple, General Motors, et Yum Brands (KFC et Pizza Hut) qui vendent toutes plus de produits en Chine qu’aux USA. Apple (l’entreprise qui a le plus de valeur au monde) a vu sa capitalisation boursière se réduire de 18% ces 6 derniers mois.

Crise mondiale du capitalisme

Le bouleversement financier actuel souligne l’aveuglement du capitalisme qui titube d’une crise à l’autre. Le CIO et sa section chinoise ont déjà averti que la prochaine phase de la crise capitaliste mondiale serait « Made in China » – une perspective qui devient de plus en plus probable. Mais les problèmes de l’économie chinoise, et le fardeau écrasant de sa dette, qui est à l’origine des zigzags politiques désespérés des derniers mois, sont enracinés dans l’impasse historique du capitalisme mondial.

En 2008, à mesure que la crise mondiale menaçait de glisser dans une dépression comme celle des années 30, le régime chinois a lancé un programme de relance énorme basé sur des crédits d’un montant sans précédent. Cela a d’abord eu un rendement stupéfiant, le PIB de la Chine accélérant et paraissant échapper à la l’attraction universelle de la récession. Stephen King, économiste de la banque HSBC, a qualifié la Chine « d’absorbeur de chocs pour l’économie mondiale » – même si aujourd’hui, son rôle s’est inversé pour devenir celui de source de chocs pour le capitalisme mondial. C’est parce que la croissance tirée par les plans de relance de la période post-2008 était basée sur une accumulation insoutenable de dette, qui a quadruplé de 7000 milliards en 2007 à 28 000 milliards aujourd’hui. Cela a réduit la capacité du régime à continuer de stimuler l’économie pour se sortir de la crise, comme nous le voyons aujourd’hui. Avant 2008, chaque yuan de crédit rapportait environ 0,8 yuan de PIB. Mais à présent, ce chiffre n’est que de 0,2.

Les problèmes de la Chine se reflètent dans l’augmentation de la dette mondiale qui a augmenté de 57 000 milliards de dollars depuis la fin de 2007, à un stupéfiant 199 000 milliards de dollars, selon McKinsey Global Institute. L’économie mondiale va entrer dans sa prochaine récession dans un état bien pire que lors de la dernière récession. Pendant la « reprise » économique bancale des dernières années, des sections entières de l’économie capitaliste ont dépendu du « soutien vital » financier du gouvernement et des banques centrales, surtout via les mesures « d’assouplissement quantitatif » desquelles l’économie n’a pas encore été capable de s’extirper.

Si les taux d’intérêts restent aux niveaux actuels historiquement bas (proches de zéro, ou dans certains cas même négatifs), cela signifie que les capitalistes auront encore moins d’armes à leur disposition pour faire face à la nouvelle récession. En même temps, la classe ouvrière a fait face à une austérité ininterrompue depuis le début de la crise en 2008, subissant une forte diminution des conditions de vie dans beaucoup de pays, ce qui signifie qu’une nouvelle récession déclenchera des mouvements politiques sans précédent et remettra en cause le règne capitaliste. C’est cette peur qui dirige le bouleversement des marchés mondiaux.

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