Dheepan : un film choquant sur les réfugiés tamouls

dheepan_afficheDheepan, de Jacques Audiard est un film touchant dont la réalisation a été saluée, notamment par une Palme d’Or au festival de Cannes. L’histoire, qui débute par les horreurs de la guerre civile au Sri Lanka, est remarquable et peut être sujette à plusieurs lectures. Le film commence quand 10.000 Tamouls sont poursuivis et massacrés par le régime. Un homme décide de s’enfuir après avoir perdu sa famille. Il reçoit le conseil de prendre une autre identité, celle de l’activiste Dheepan qui vient de mourir et, comme ce dernier avait une femme et une fille, il cherche au hasard une femme et un enfant parmi les nombreuses victimes de la guerre. Ensemble, ils émigrent en Inde en bateau et gagnent ensuite la France.

Par Geert Cool

Le film aborde surtout la confrontation entre les réfugiés et leur nouvel environnement, mais de vagues références touchent à la tragédie au Sri Lanka. On montre par exemple de courts fragments du documentaire britannique ‘‘Sri Lanka’s Killing Fields’’ consacré aux horribles crimes perpétrés par le régime en 2009. Si le contexte de ces événements n’est pas élaboré, il est toujours possible au spectateur intéressé de retrouver ce documentaire et de chercher du matériel sur l’oppression de la minorité tamoule au Sri Lanka, ce dont nous avons régulièrement fait écho dans les pages de Lutte Socialiste et sur socialisme.be. Nous disposons également d’un blog de campagne (en néerlandais) spécifiquement consacré à la question : tamilsolidariteit.wordpress.com.

La famille ‘‘recomposée’’ de Dheepan ne doit pas seulement gérer les traumatismes et le désespoir du passé, mais également la misère qui la frappe en Europe. Cela entraine des crises d’angoisse, mais aussi l’alcoolisme et la violence. Dheepan et sa famille arrivent dans la banlieue parisienne, là où la drogue et la violence sont monnaie courante. L’espoir d’avoir une vie meilleure reste au rang de perspective. Le simple fait de se rendre à l’école n’est pas évident pour la jeune fille qui doit entretemps s’attacher à de nouveaux parents qui font seulement connaissance l’un de l’autre. Lorsqu’un responsable lui demande pourquoi elle n’allait pas à l’école au Sri Lanka, elle répond : “Parce que les écoles ont été réduites en cendres par le gouvernement.” Dheepan et sa femme ne comprennent pas que le responsable de l’école trouve cela étrange : “Mais tout le monde réduit quand même les écoles en cendres?”.

Notre campagne ‘‘Tamil Solidariteit / Tamil Solidarity’’ a été invitée à la projection du film réservée à la presse en Belgique. Nous nous y sommes rendus avec notre camarade Niranjan qui, après coup, réagissait en disant : “Oui, le film est dur. Mais c’est ça notre vie.” Un tas d’éléments de ce film lui sont très familiers. “Ma tante a réglé ma fuite en Europe, elle me disait que la Belgique était un bon pays. J’ai dû chercher le pays sur une carte du monde et dans l’avion, le nom de Bruxelles ne me disait que vaguement quelque chose. Quand je suis arrivé ici, il y a deux ans, je ne suis pas sorti pendant deux mois. Tout était étrange et j’avais peur. Commencer une nouvelle vie dans un pays lointain en ayant 18 ans et avec l’incertitude quant à la régularisation de mes papiers, c’était difficile. J’ai vu comment d’autres Tamouls ont couru à leur perte en raison de troubles d’angoisse dus aux traumatismes de guerre. Moi, j’ai toujours peur, j’espère recevoir mes papiers après mon troisième entretien fin août afin de pouvoir quitter le centre d’asile de Kapellen pour commencer ma vie.’’

Quand un militant de ‘‘Tamil Solidariteit / Tamil Solidarity’’ a risqué d’être expulsé de Belgique, tout récemment, Antonythasan Jesuthasan, l’acteur qui joue le rôle de Dheepan, a appuyé notre campagne de soutien. Au vu de la répression permanente qui règne au Sri Lanka, la plupart des Tamouls reçoivent momentanément asile en Belgique, où sont réfugiés quelques milliers de Tamouls du Sri Lanka, essentiellement à Anvers. Cette communauté est bien petite en comparaison des 300.000 Tamouls qui vivent en Grande Bretagne ou des 150.000 qui vivent en France. Notre campagne de solidarité organise une dizaine de militants tamouls qui veulent poursuivre en Belgique leur lutte pour la justice et contre la discrimination permanente et la violence au Sri Lanka. Cette campagne est également active contre l’austérité et participe aux luttes du mouvement des travailleurs dans notre pays. Avec le soutien actif de la FGTB-Horval (Horeca-Alimentation) à Anvers, des militants de Tamil Solidariteit essayent ainsi de développer la présence syndicale, notamment parmi le personnel du secteur Horeca.

Pour les politiciens néolibéraux, la thématique du droit d’asile est une question de chiffre qui porte surtout sur la manière de refouler les réfugiés. Pour ces politiciens établis, ce sont les réfugiés le problème, pas les raisons pour lesquelles ces gens décident d’entreprendre une aventure si désespérée. Simultanément, les victimes de l’austérité en Belgique sont montées contre les victimes de la catastrophique politique étrangère occidentale.

Le film Dheepan a comme avantage qu’il aborde la question du point de vue des réfugiés eux-mêmes, sans en donner une image romantique et sans tomber dans la simple succession de malheurs. Nous laissons au spectateur le choix d’interpréter la fin comme ils l’entendent bien entendu mais, pour atteindre une véritable amélioration dans la réalité, il faudra encore durement lutter, tant ici qu’à l’échelle internationale. Nous tentons d’y livrer une modeste contribution avec la campagne Tamil Solidariteit.

Partager :
Imprimer :

Soutenez-nous : placez
votre message dans
notre édition de mai !

Première page de Lutte Socialiste

Votre message dans notre édition de mai