Un virage fiscal qui nous envoie droit dans le mur…

taxshift

La revendication d’un ‘‘tax Shift’’ visant à faire passer une partie de l’imposition du travail vers le capital est initialement issue du mouvement syndical, en réponse au large écho de l’appel à faire quand même un peu payer les plus nantis. Les inégalités sont croissantes, une situation rejetée au point que jusqu’à 85% de la population belge se déclare favorable à un impôt sur les fortunes. Le gouvernement et les patrons ont cependant récupéré cette idée d’un transfert d’impôts pour la transformer en une caricature au seul avantage des plus riches.

Par Geert Cool, article tiré de l’édition d’été de Lutte Socialiste

Au moment d’envoyer ce journal à l’imprimeur, le gouvernement ne disposait pas encore d’un accord sur le sujet. Les grandes lignes étaient toutefois déjà connues. L’exemple néerlandais était présenté dans un grand enthousiasme ; une augmentation de la TVA permettant une réduction d’impôts à hauteur de 4 à 5 milliards d’euros. Concrètement, tous les Néerlandais ont eu à payer plus chers les biens qu’ils achètent tandis que le gouvernement néerlandais s’est attaqué aux budgets des municipalités, qui ont dû décider elles-mêmes si elles aller économiser ou trouver de nouvelles sources de revenus.

Le gouvernement Michel veut réduire les ‘‘cotisations patronales’’. Derrière ce terme, c’est d’une partie de notre salaire indirect, la partie qui est socialisée et reversée à la collectivité, dont il est question. En mission au Japon, le Ministre fédéral de l’Emploi Kris Peeters (CD&V) a affirmé que le gouvernement réduirait ‘‘considérablement’’ le coût salarial pour les entreprises, en déplaçant la fiscalité sur le travail vers d’autres sources de recettes. Ceux à qui va profiter ce virage fiscal sont donc connus : les patrons, qui recevront ainsi le cadeau de plusieurs milliards d’euros. Kris Peeters y a aussi ouvertement vanté les cadeaux fiscaux pour les entreprises : ‘‘si vous cherchez des certitudes sur le traitement fiscal de votre activité économique (…) voyez nos pratiques de ruling. Elles vous permettent de régler avec l’administration fiscale votre décompte fiscal final.’’

Comme à chaque fois, les largesses dont bénéficie le monde des affaires seront financées en allant piller dans nos poches, à l’instar des Pays-Bas, avec une augmentation de la taxe la plus antisociale qui soit (puisqu’elle n’a pas de caractère progressif en fonction du revenu) : la TVA. Notre sécurité sociale est également dans le collimateur du gouvernement. Pour ce dernier, c’est aux travailleurs d’assurer la ‘‘compétitivité’’ (lire: profits) des entreprises.

Au cours de ces dernières années, les inégalités ont explosé, en Belgique comme ailleurs. Sept personnes disposent dans notre pays d’une fortune (immobilier compris) de plus d’un demi-milliard de dollars. Plus de 20.000 personnes (0,2% de la population) disposent chacune de plus de 5 millions de dollars (4,4 millions d’euros). Ce sont ces gens qui possèdent des entreprises comme ABInBev ou Albert Frère. Le virage fiscal sera tout à leur avantage. Notre économie serait parait-il renforcée dès lors qu’ils deviennent encore plus riches.

Il est toutefois généralement admis que l’inégalité croissante est problématique tant politiquement qu’économiquement. Même les services du FMI ont dû reconnaitre dans une note (qui ne constitue pas une position officielle du FMI) que la bonne vieille théorie néolibérale du ‘‘ruissellement’’ selon laquelle la richesse s’écoule du sommet à la base de la société est une ineptie totale. L’inégalité croissante conduit à la crise. Ce rapport va jusqu’à conclure que le progrès technologique est aujourd’hui entravé car sa gestion actuelle conduit à une plus grande inégalité. Les chercheurs du FMI défendent donc l’instauration d’une fiscalité plus équitable. Reste que le FMI continue de maintenir son couteau sous la gorge de la Grèce pour forcer l’application d’une politique rejetée par son propre personnel.

Le capitalisme est un système très flexible quand il s’agit de la défense des intérêts de l’élite. L’imprécision de cette revendication syndicale d’un virage fiscal a permis que l’exigence soit vidée de son contenu progressiste pour en faire une nouvelle opération d’austérité. Pour stopper ce gouvernement des riches, nous devons construire un rapport de force avec l’objectif de voir instaurée une nouvelle société, une société socialiste axée sur les besoins et les souhaits de la majorité de la population.

 

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