Tsipras recule devant les menaces de la Troïka. Que doit faire la gauche de Syriza?

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«Nous sommes parvenus au même résultat budgétaire, mais d’une manière plus équitable.» C’est de cette façon que le ministre grec George Stathakis s’est exprimé à la télévision nationale ERT ce lundi 22 juin en défense des propositions faites par le Premier ministre Alexis Tsipras aux soi-disant «Institutions» [la troïka : FMI, BCE et UE]. Celles-ci seront très probablement à la base d’un nouvel accord. De la même manière, le ministre Nikos Pappas, la «main droite» d’Alexis Tsipras, a défendu les propositions du gouvernement grec sur le programme radio Kokkino ce mardi 23 juin.

Déclaration de Xekinima (section grecque du Comité pour une Internationale Ouvrière) [du 23 juin 2015]

Le «deal» proposé par Alexis Tsipras correspond à des coupes budgétaires à hauteur de 7,9 milliards € à partir de maintenant jusqu’à la fin de l’année 2016. À partir de 2017, les excédents budgétaires primaires ne diffèreront pas fondamentalement (environ 0,5%) de ceux qui avaient été acceptés par le gouvernement de coalition Nouvelle-Démocratie-PASOK avec la Troïka.

Tant Stathakis que Pappas affirment qu’ils ont atteint le «même résultat budgétaire» (exigé par la troïka), mais de manière un plus «équitable», ce qui signifierait de ne pas s’en prendre aux salaires et aux pensions, une plus grande partie de l’effort serait transféré à la charge des plus riches de la société (ce qui, selon eux, respecterait les «lignes rouges» de SYRIZA).

La réalité est cependant la suivante:

  • Les propositions de montant d’Alexis Tsipras concernant les «mesures supplémentaires» destinées à atteindre cette somme de 7,9 milliards € vise à remettre cet argent aux grands créanciers des institutions capitalistes. Cela représente la somme faramineuse de 4,5% du PIB, ce qui aura inévitablement tendance à pousser l’économie dans une nouvelle récession. Ainsi, la direction de SYRIZA abandonne-t-elle la promesse électorale faite au peuple grec d’annuler les «mémorandums» [les mesures d’austérité draconiennes imposées par la Troïka] et de sortir l’économie grecque de sa profonde récession pour la remettre sur les rails.
  • Le gouvernement grec a tenté de faire reposer plus de «charges» sur les couches les plus riches de la société et sur les entreprises au lieu d’instaurer de nouvelles attaques contre les travailleurs et les pauvres, c’est vrai. Cela ne change toutefois pas la caractéristique fondamentale de l’accord proposé, à savoir qu’en coupant un montant supplémentaire de 7,9 milliards € dans les budgets publics sur un laps de temps de 18 mois, il pousse l’économie dans la récession. La plus grande partie de ces 7,9 milliards € de coupes budgétaires sera payée par la classe des travailleurs à travers une hausse de la TVA sur les biens de consommation de masse et une augmentation des contributions personnelles à la sécurité sociale.
  • Alexis Tsipras a abandonné la promesse de «répudier la plus grande partie de la dette souveraine». Les tentatives de Zoé Konstantopoulou (présidente du parlement grec) et de la «Commission pour la vérité sur la dette publique grecque» qui qualifie la dette grecque comme étant «odieuse, illégitime et illégale» ne devraient finalement représenter qu’un intérêt académique et historique.
  • Alexis Tsipras, depuis le début des négociations avec la Troïka, a abandonné la position de SYRIZA de mettre fin aux privatisations, à la seule exception de l’arrêt du processus visant à vendre la compagnie d’électricité DEI. Cela signifie que l’économie grecque va continuer à fonctionner sous le contrôle du grand capital – grec et international – et sous le règne des «lois» du marché. Dès l’instant où un «accord» est trouvé selon ces lignes, la classe dirigeante imposera au gouvernement de nouvelles mesures qui s’attaqueront à la classe des travailleurs. Cela conduira à une récession plus profonde et à la misère. Sans investissements, il ne peut y avoir de croissance et les conditions dans lesquelles ces investissements auront lieu seront décidées par ceux-là même qui contrôlent les capitaux.
  • Sur base des propositions effectuées par Tsipras, le contrôle du système bancaire est laissé aux mains de Stournaras (le président de la Banque centrale grecque) et de ses caprices. Le système bancaire grec a été «sauvé» par l’Etat grec avec d’énormes quantités d’argent, qui dépassent de loin le PIB du pays. Mais son fonctionnement reste aux mains de ceux qui étaient aux commandes avant l’arrivée au pouvoir du gouvernement dirigé par SYRIZA. Ces individus ne sont pas responsables devant le gouvernement grec (ne parlons même pas de la société grecque), mais devant la Banque centrale européenne. Malheureusement, SYRIZA a accepté la poursuite de ce système pourri et scandaleux.

Grece_xekinima_02Sur base de ce qui précède, est-il possible d’imaginer que l’économie grecque puisse entrer sur le chemin de la croissance et que SYRIZA applique des politiques favorables à la classe des travailleurs?

Xekinima (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Grèce (CIO) et parti-frère du PSL) a expliqué, au lendemain de la proclamation du Programme de Thessalonique (le Manifeste électoral de SYRIZA, septembre 2014) qu’en dépit de toutes les bonnes intentions d’Alexis Tsipras et de la direction de SYRIZA, ce programme était inapplicable car reposant sur le fait de considérer le grand capital comme moteur de la croissance et du développement de l’économie grecque. Le Programme de Thessalonique ne considère pas que le secteur public, fonctionnant selon des principes socialistes démocratiques, peut être le moteur de l’économie.

Comme nous l’avons expliqué à plusieurs reprises ces derniers mois, le capital grec et international, en étroite collaboration avec leurs différentes institutions, ne pourraient jamais soutenir et investir dans une économie sous contrôle et gestion d’un gouvernement de gauche visant à restaurer et accroître le niveau de vie et les droits de la classe des travailleurs et des masses (en particulier dans une région comprenant des pays comme la Bulgarie, où le salaire moyen est de 300 € et la pension moyenne de seulement 125€).

Au cours de ces dernières années, la direction de SYRIZA n’a pas réussi à comprendre la profondeur réelle de la crise du système capitaliste, non seulement en Grèce mais aussi à l’échelle mondiale. La direction de SYRIZA s’est avérée incapable de comprendre que la crise de la dette souveraine en Europe et la crise de l’euro ne sont que le reflet de la crise du système capitaliste dans son ensemble. Les dirigeants de SYRIZA n’ont pas saisi la nature de classe de l’Union européenne et de la zone euro. Au lieu de cela, ils ont entretenu l’illusion que des propositions «éclairées» de leur part, et en particulier du ministre des Finances Varoufakis, «aideraient» l’Europe à s’engager sur une «voie vertueuse».

En conséquence de cela, le vieux slogan de SYRIZA – «pas de sacrifices pour l’euro» – a dans les faits été transformé en «encore plus de sacrifices pour l’euro»! La société grecque – les travailleurs, les chômeurs, les pauvres – sont une fois de plus appelés à payer le coût de la crise capitaliste et à rester au sein de la zone euro, mais cette fois par un gouvernement dirigé par SYRIZA!

Quelle solution?

Quelle est la solution pour trancher le nœud gordien de l’Euro? Défendre les intérêts et les droits des travailleurs grecs nécessite inévitablement d’entrer en conflit ouvert avec le système capitaliste et l’Union européenne des patrons et des multinationales, sur base d’un programme destiné à faire du secteur public le centre du pouvoir économique, par la nationalisation des secteurs stratégiques de l’économie dans le cadre d’une planification démocratique de celle-ci. Mener ce combat au côté des travailleurs du continent est essentiel, dans le but d’instaurer une Europe socialiste démocratique.

La condition préalable pour ce faire est de disposer d’une gauche de masse préparée à entrer en confrontation frontale avec la Troïka et le système capitaliste, une gauche fidèle aux idéaux du socialisme révolutionnaire. La construction de cette gauche reste la tâche la plus importante des marxistes en Grèce dans le cadre des crises que nous subissons.

La direction actuelle de SYRIZA ne répondra pas à cette tâche. Au sein de SYRIZA, la balle est dans le camp de son aile gauche. Entend-elle franchir l’étape majeure de voter contre les propositions d’Alexis Tsipras quand (et si) elles viennent à être présentées au parlement grec? Entend-elle prendre le risque de se trouver en dehors de SYRIZA, sous le feu d’une offensive de masse de la classe dirigeante et des médias de droite? Considèrera-t-elle comme prioritaire l’objectif de construire un front commun avec les forces extérieures à SYRIZA fidèles aux idées du socialisme et non-sectaires afin de construire une gauche révolutionnaire de masse?

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