Vers une Internationale homophobe?

homophobieCe samedi 16 mai, se tiendra à Bruxelles la Pride, la marche des fiertés Lesbiennes, Gayes, Bi, Trans*, Queer et Intersexes. Le même jour aura lieu à Anvers, ce qu’on peut nommer avec certitude la toute première manifestation homophobe de l’histoire de la Belgique.

Par Stéphane (Liège)

Les organisateurs appellent à marcher contre tous les droits des LGBTQI. Qui sont-ils ? Ce sont les organisations catholiques conservatrices mobilisatrices aussi autour de la question d’interdire le droit des femmes à disposer de leur corps, les soi-disant « pro-life ». Ils disposent de nombreuses plateformes et organisations tels que : Pro-familia, Civitas… Ils peuvent aussi compter sur le soutien homophobe actif et décomplexé du Vlaams Belang qui mobilise. Rappelons qu’en 2003, lors du vote de la loi qui allait ouvrir le mariage pour tous en Belgique, tous les parlementaires du VB ont voté contre. Douze ans après, leur haine de l’égalité des droits ne s’est pas tarie.

Quelles sont leurs revendications pour l’appel du 16 mai ?

Les homophobes demandent la suppression de l’adoption par des couples de même sexe au motif du bien-être des enfants. Mais le fait qu’en Belgique 1 enfant sur 7 vit dans la pauvreté ne semble pas les préoccuper. Ils veulent faire inscrire dans la constitution belge le mariage comme un lien entre un homme et une femme, axé sur la reproduction et le soutien mutuel. Au motif « d’outrage public aux bonnes mœurs », ils aimeraient voir disparaitre la Pride. Ils militent aussi pour l’interdiction et la repénalisation de l’avortement, la fin des subventions des contraceptifs et des campagnes de prévention, l’interdiction de la FIV, PMA et l’interdiction de l’éducation à la vie relationnelle affective et sexuelle dans les écoles.

Tous les catholiques de Belgique ne se rangent pas, bien au contraire, derrière les Pro-vie, Pro-Famille et autres Civitas. Il est d’ailleurs important de noter que les catholiques LGBTQI peuvent compter sur des associations comme « La Communauté du Christ Libérateur » qui est un espace ouvert aux chrétien.ne.s homosexuel.le.s. Des prêtres homosexuels ou alliés à la cause donnent des offices religieux sans discrimination. Il y a des voix dans le monde chrétien qui s’élèvent pour défendre les droits des LGBTQI+ au sein de l’Eglise. Parmi elles, l’évêque d’Anvers, Monseigneur Bonny, prône une Eglise plus tolérante. En décembre 2014, il a écrit une lettre ouverte au Vatican dans laquelle il plaidait pour une reconnaissance ecclésiastique des relations bi- et homosexuelles au sein de l’Eglise.

Si on s’attendait à ce que les organisations catholiques les plus rétrogrades et haineuses dénoncent la prise de position de Mgr Bonny, le Cercle des étudiants catholiques flamands, le KVHV, s’est lui aussi distancié de ces propos et a déclaré que l’évêque avait « franchi une limite en proposant la reconnaissance ecclésiastique des relations bi- et homosexuelles ». Le Vlaams Belang peut donc compter sur de telles organisations pour diffuser sa propagande haineuse dans les universités flamandes sauf que le président du KVHV n’est autre que le fils de Jan Jambon, ministre N-VA.

La N-VA, homophobe ?

On est en droit de se poser la question. En 2003, lors du vote au parlement fédéral de la loi en faveur de l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, la N-VA n’existait pas en tant que parti politique indépendant mais la Volks Unie était présente et certains de ses membres de l’époque sont aujourd’hui passés à la N-VA. C’est le cas de Frieda Brepoels, secrétaire générale de la N-VA, qui s’était abstenue à l’époque. Quant à Geert Bourgeois, il s’est tout simplement absenté lors du vote. L’importance historique du vote lui aurait-il échappé ? Ou alors son absence signifiait-elle une position politique sur cette question d’égalité ? Douze ans plus tard, on voit que le mouvement nationaliste flamand n’a toujours pas balayé les homophobes de ses rangs, au contraire, certains jouent un rôle moteur dans la mobilisation du 16 mai sur le parvis de la cathédrale d’Anvers. Comment la N-VA peut-elle se dire une alliée des luttes et droits des LGBTQI+ quand au même moment elle ne fait rien contre les homophobes dans son propre parti?

En juin dernier, la N-VA a fait son entrée au parlement européen dans les rangs du groupe des conservateurs et réformistes (ECR), groupe où siègent plusieurs partis d’extrême-droite et de droite populiste conservatrice comme les Vrais Finlandais (Ware Finnen), le Parti Populaire danois (Danske Folkparti) ou encore « Alternative pour l’Allemagne » dont une députée, Beatrix von Storch, n’est autre qu’une figure combattive du mouvement homophobe « Die Demo für alle », la « Manif pour tous » qui s’est exporté outre-Rhin et prend de l’ampleur dans le sud de l’Allemagne. Ce 21 mars dernier, un défilé de près de 1000 homophobes composés de fascistes, fondamentalistes chrétien.ne.s et divers groupes de droite populaire paradaient à Stuttgart. Ils protestaient contre l’élargissement des droits LGBTQI dans la région du Bade-Wurtenberg. C’était la sixième manifestation de ce genre à Stuttgart en un an ! Certains politiciens libéraux et chrétiens démocrates (CDU d’Angela Merkel) ont participé aux premières manifestations homophobes à Stuttgart. D’autres manifestations haineuses à Hanovre et à Kiel ont eu lieu et ont rassemblé à chaque fois plusieurs milliers de personnes.

Vers la toute première Internationale homophobe ?

L’énorme mouvement homophobe qui s’est soulevé en France en 2013 contre le mariage pour tous a ravivé les organisations les plus réactionnaires pour construire un large mouvement international et bloquer toute avancée vers l’égalité des droits des LGBTQI en Europe et ailleurs.

C’est en participant au cortège parisien de « La manif pour tous » que Brian Brown, président d’une organisation conservatrice américaine, la National Organization for Marriage (N.O.M.), a décidé d’importer le concept aux Etats-Unis. La N.O.M. lutte contre l’égalité des droits et a organisé un défilé à Washington en mars 2013 qui a réuni plus de 10.000 personnes.

L’Italie a aussi sa « Manif pour tous ». En Croatie, « U ime obitelji » (« Au nom de la famille ») a collecté plus de 700.000 signatures pour obtenir que le mariage soit défini dans la Constitution comme une « union pour la vie entre un homme et une femme ». Cela a abouti sur un rejet par référendum du mariage pour tous les couples en 2013 mais pas à l’ouverture vers un partenariat civil. Gagner un partenariat civil est un pas en avant mais ce n’est pas suffisant car il s’agit d’un contrat de mariage au rabais, sans les avantages du mariage. Un partenariat civil n’est pas couvert par toutes les lois concernant et offrant des protections et avantages à la famille.

Depuis un an, en Autriche et en Espagne, les attaques et pétitions en ligne se multiplient contre les associations et les personnalités défendant les causes LGBTQI. Parmi elles, l’eurodéputée autrichienne Ulrike Lunacek a subi une cyberattaque de 40.000 mails partis du site « CitizenGo », une plate-forme citoyenne ultra-catholique, réactionnaire et ouvertement homophobe, basée à Madrid.

La « Manif pour tous » s’exporte aussi en Slovaquie. L’« Alliance pour la famille » s’est constituée fin 2013 dans la foulée d’un rassemblement de l’Eglise catholique contre l’avortement… Elle prétend « défendre et soutenir la famille menacée par divers fléaux (alcoolisme, violence conjugale… et l’homosexualité) » qu’elle considère comme un « style de vie dangereux pour la santé ». « L’Alliance pour la famille » veut faire graver dans la loi fondamentale l’exclusivité du mariage comme étant « l’union d’un homme et d’une femme ». Elle a été à l’initiative d’un référendum en février de cette année contre toute forme d’union pour les homosexuels. Le taux de participation trop faible (21% pour un seuil de validité à 50%) a empêché que cette « loi fondamentale » passe mais ceux qui ont choisi d’aller voter se sont toutefois massivement prononcés contre le mariage entre personnes de même sexe (90% des votants).

En Irlande se tiendra en mai un référendum sur l’ouverture du mariage pour tous les couples. L’organisation sœur du PSL mène campagne pour la victoire du oui. Pendant que les sondages montrent que la majorité de la population est favorable à l’ouverture du mariage aux couples homosexuels, le sommet de l’Eglise catholique mène une campagne musclée contre. 77 % des Irlandais supportent le oui mais 46% émettent encore des réserves concernant l’éducation des enfants. Les partisans de la discrimination clament haut et fort que « chaque enfant mérite une mère et un père » mais le fait que 25% des enfants soient élevés par des femmes seules ne semble pas les émouvoir. Ces mêmes mouvements homophobes qui prétendent vouloir le bien des enfants n’ont jamais montré le moindre signe de protestation pendant que le gouvernement irlandais était occupé à opérer des coupes budgétaires dans les allocations familiales à hauteur de 400 millions d’euros depuis 2009, ce qui a contribué à jeter de nombreux enfants dans la pauvreté. Ces derniers représentent 25% des pauvres en Irlande. Le gouvernement irlandais fait campagne pour le oui et se pose en défenseur de l’égalité quand au même moment il est occupé à accroitre les inégalités.

Tout dernièrement, la « Manif pour tous » qui s’est longtemps définie comme un mouvement apolitique s’est constitué en parti politique : «avec ce changement, nous avons souhaité mettre notre structure juridique en conformité avec notre action, qui s’inscrit bien dans le champ politique », a indiqué Albéric Dumont, porte-parole du parti, au journal La Croix.

Les inégalités inhérentes au système capitaliste poussent régulièrement les populations exploitées à exprimer leur colère pour plus de justice sociale, du rassemblement pacifique aux émeutes urbaines. De nombreux mouvements ont émergé cette dernière période : plan d’action syndical en Belgique, SYRIZA en Grèce, « Black Lives Matter » aux USA…

Mais la crise du capitalisme n’engendre pas que des mouvements progressistes, les organisations les plus réactionnaires s’emparent du chaos social et idéologique pour construire leurs mouvements haineux. Certaines d’entre elles adoptent un discours « anti-système » voire « anticapitaliste » mais en dernier recours, elles restent les grandes gardiennes de la propriété privée capitaliste sur laquelle repose l’entièreté des rapports de production et d’échanges.

Nous devons discuter au sein des communautés LGBTQI des stratégies à adopter pour vraiment se débarrasser de toutes les discriminations. Nous devons comprendre que lutter contre la LGBTQI-phobie, c’est lutter aussi contre le capitalisme et ses organisations qui le représentent.

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