La FGTB avait appelé à une concentration nationale de militants afin de discuter de la sécurité sociale et de sa défense. Le syndicat socialiste avait estimé qu’un millier de syndicalistes seraient présents, mais ils ont été 2.500 à répondre à cet appel. La réunion a été témoin d’une aversion profonde face aux mesures antisociales prévues à l’avenir ou encore face au coût sans cesse plus élevé de la vie. Mais aucun plan d’action n’a été présenté…
Une présence massive
Le mécontentement qui vit à la base tant de la FGTB que de la CSC contre l’augmentation du coût de la vie ne peut être mis en doute. Fin octobre, le président de la FGTB Rudy De Leeuw avait annoncé lors d’une soirée d’information à Anvers qu’il espérait que la FTGB et la CSC convoqueraient une concentration de militant commune, tout en précisant qu’au besoin, la FGTB l’organiserait seule. Finalement, la FGTB s’est retrouvée seule au Heysel, mais environ 500 militants de la CSC menaient une action à Charleroi au même moment tandis qu’un tract de la CSC dénonçant le coût croissant de la vie a été diffusé dans plusieurs gares.
La participation à la concentration de la FGTB a été plus grande que prévue. Pourtant, beaucoup de militants ont dit que leur entourage n’avait pas été fortement mobilisé. Mais malgré cette mobilisation restreinte et la confusion qui existait au sujet du concept même de la réunion, 2.500 personnes se sont déplacées en démontrant ainsi la volonté d’actions contre la démolition à venir de la sécurité sociale.
Contre la démolition de la sécurité sociale
La réunion a été ouverte par le président Rudy De Leeuw et la secrétaire générale Anne Demelenne. De Leeuw a affirmé que face au fait que tout devient plus cher, l’index ne suffit plus. Il a particulièrement accentué que pour la FTGB il était hors de question de toucher à l’index, mais cela est nécessaire pour combattre et tempérer les prix de l’énergie ou des denrées alimentaires, en particulier pour les plus pauvres. Le patronat a obtenu l’année dernière 2,6 milliards d’euros de diminution de charges – et l’on parle de lui en offrir encore d’autres – alors qu’une grande partie de la population ne peut plus payer son mazout. Cette diminution correspond à 1.000 litre de mazout par famille belge. C’est une question de priorités…
Rudy De Leeuw a en outre affirmé que la sécurité sociale – la « cathédrale du mouvement ouvrier » – a été construite par le mouvement ouvrier et que celui-ci n’admettra pas que les allocations de chômage, les prépensions, les conventions de travail,… soient attaquées. Anne Demelenne a expliqué que les patrons veulent un gouvernement qui applique leurs mesures : une attaque contre les prépensions, contre les retraites, contre les services publics, contre les chômeurs… Sur ce dernier point, la secrétaire générale a déclaré qu’il fallait s’en prendre au chômage, pas aux chômeurs. Quant à une réforme fiscale, si elle doit arriver, elle doit se faire au bénéfice des plus pauvres. Elle aussi a affirmé que l’index ne suffit plus et qu’il fallait de plus faire quelque chose au sujet des allocations.
Le sommet de la FTGB a expliqué que cette concentration de militants n’était seulement que le début d’actions, mais aucune explication n’a été donnée sur le type d’actions à venir ni sur la manière dont un plan d’actions serait élaboré. Voilà la plus grande faiblesse de cette réunion. Le ton combatif n’a pas été lié aux actions ultérieures et ce qu’il faut maintenant raconter aux collègues qui n’étaient pas présents est bien peu clair.
Un spectacle avec des témoignages
En lieu et place de discussions sur un plan d’action nous avons eu un « show » où l’ancienne Miss Belgique et présentatrice de la chaîne de télévision privée flamande VTM Anne De Baetselier a interrogé certains militants FGTB dans des sofas confortables. Heureusement beaucoup de ces militants avaient des choses à dire. Mais le concept de spectacle auquel nous avons dû assister ne nous a toutefois pas semblé être une bonne manière de promouvoir une atmosphère combative. Cependant, bien des choses sensées ont été dites. Un militant du secteur des finances a ainsi dénoncé le manque de moyens dans la lutte contre la fraude fiscale. Avec l’augmentation de la flexibilité, peut-être allons-nous d’ici peu voir des intérimaires sans trop de formation être employés à contrôler les impôts des sociétés ?
Le secrétaire de la Centrale Générale Bruno Verlaeckt (Anvers) a affirmé que la limite pour la flexibilité des travailleurs est atteinte : un sixième des membres de la Centrale Générale souffre d’une surcharge extrême de travail alors que le gouvernement veut encore amplifier la flexibilité. Verlaeckt a aussi dit que les patrons veulent de plus en plus de bénéfices et cela sur le dos des travailleurs, par exemple en fonctionnant avec des sous-traitants. Il a donné l’exemple de Bayer/Lanxess où la direction veut maintenant épargner en licenciant. La direction pense que les sociétés payent trop d’impôts et qu’ils doivent épargner sur le dos des travailleurs. Peut être faut-il préciser que Bayer/Lanxess a seulement payé l’an dernier 8% d’impôts grâce aux mesures comme la déduction de l’intérêt notionnel…
Le délégué d’Opel Rudi Kennes a référé au Pacte des générations qui a été selon lui surtout un moyen de garantir aux chômeurs une diminution de leurs allocations. Il a également déclaré que les syndicats doivent examiner comment ils peuvent s’organiser internationalement pour lutter contre les multinationales. Comme le patronat est organisé sur le plan international, les travailleurs des différents pays doivent eux aussi essaye de donner une réponse internationale aux attaques. Au sujet des restructurations chez Opel, Kennes a dit que la direction cherchait à renvoyer des travailleurs pour ensuite engager des intérimaires meilleurs marchés et plus flexibles.
Et après la réunion ?
Les participants n’ont pas reçu de réponses à la question: qu’arrivera-t-il après cette réunion dans le domaine des actions ? Un plan d’action sera-t-il débattu ? Cette réunion aurait été une excellente occasion d’en discuter. Avec son « manifeste pour la solidarité et contre l’égoïsme », la FTGB possède un texte intéressant avec des arguments pour conserver la sécurité sociale. Mais que sera-t-il fait de ses arguments ? A la CSC aussi, cette question est pertinente. Il y avait aussi aujourd’hui une action à Charleroi contre la cherté de la vie, et il n’est peut-être pas fortuit qu’elle ait pris place le même jour que la concentration de militants FGTB.
Pourquoi n’a-t-on pas utilisé cette occasion pour commencer une campagne d’information sur les lieux de travail et pour appeler à une manifestation nationale des deux syndicats autour de certaines exigences concrètes comme l’élargissement de l’index, la nationalisation du secteur de l’énergie, la suppression du Pacte des générations, le retrait de tous plans ultérieurs pour démolir la sécurité sociale, la résistance face à la surenchère communautaire et contre la scission, entre autres, de la sécurité sociale, etc.?
Tout cela pose la question d’une alternative politique. La réunion a démontré qu’une forte solidarité existait des deux côtés de la frontière linguistique ainsi qu’une volonté d’aller en action. Mais toute action se heurtera immédiatement aux positions défendues par les partis traditionnels. Nous ne pouvons pas faire confiance aux politiciens du PS, du SP.a, d’ECOLO ou de Groen !. Nous avons besoin de notre propre instrument : un nouveau parti des travailleurs. Le Comité pour une Autre Politique (CAP) est un début pour diffuser plus largement l’idée de la nécessité de ce parti des travailleurs.
Reportage photo (par Stephan C.)