[INTERVIEW] Vers une coordination nationale des groupes de sans-papiers

sp_marcheLe système de politiques migratoires belge avait déjà été considérablement durci à l’époque du Gouvernement Di Rupo et de la secrétaire d’État à l’asile et à l’immigration Maggie De Block. Comme sur les autres dossiers, le gouvernement actuel a décidé de passer à la vitesse supérieure. Mais la lutte des sans-papiers se développe.

Propos recueillis par Boris Malarme,

Vous organisez une manifestation le 3 mai prochain à Bruxelles. Peux-tu nous expliquer l’état des lieux du mouvement jusqu’ici ?

‘‘Plusieurs collectifs de demandeurs d’asile s’organisent à Bruxelles. Il y a les Afghans qui ont occupé l’église du béguinage à Bruxelles opposés à leur retour en Afghanistan dans des zones dites ‘‘sécurisées’’, le groupe ‘‘2009’’ constitué de sans-papiers non-régularisés lors de la dernière grande campagne de régularisation en 2009, l’occupation politique ‘‘Léopold 2’’ à Molenbeek, le groupe ‘‘Ebola’’ composé de ressortissants des trois pays touchés par la maladie qui mène une occupation politique à Saint-Josse et il y a encore un groupe issu des pays d’Amérique latine. Chaque groupe à ses revendications et ses spécificités au niveau des recours. Le groupe Ebola, par exemple, exige une protection humanitaire le temps que l’épidémie soit endiguée. Ces groupes, avec diverses associations, organisent ensemble des manifestations deux fois par semaine devant l’Office des étrangers.
‘‘La Coordination des Sans-Papiers de Bruxelles rassemble toutes les initiatives que j’ai déjà mentionnées, mais aussi de nombreux demandeurs d’asile qui ne se retrouvent pas dans l’un ou l’autre de ces groupes, autour de revendications communes à tous les travailleurs sans-papiers. En premier lieu: la régularisation de tous les sans-papiers en Belgique.’’

Vous avez participé aux concentrations du front commun syndical Place de la Monnaie ou encore à la manifestation du front commun qui a eu lieu le 30 mars dernier à Bruxelles contre la politique antisociale du gouvernement Michel. Pourquoi est-ce important ?

‘‘Avec la Coordination, nous avons jusqu’ici organisé la présence de délégations de sans-papiers dans toutes les manifestations syndicales contre le gouvernement Michel et nous avons soutenu les grèves. Nous avons également participé aux manifestations contre les centres fermés 127-bis et à Vottem, à Liège. On part d’une analyse de la politique d’immigration en Europe et en Belgique mais on est conscient que ce thème n’est pas isolé du contexte politique général et donc d’une offensive généralisé contre tous les travailleurs. Nous cherchons des liens avec les syndicats, des associations, des organisations politiques pour élargir le champ de solidarité.

‘‘La politique brutale du gouvernement a dernièrement poussé deux sans-papiers à mettre fin à leurs jours par désespoir. L’un d’eux participait aux manifestations et était actif avec le groupe ‘‘Ebola’’. Il est décédé le lendemain de son immolation dans les locaux de Fedasil. L’autre s’est suicidé au centre fermé de Merksplas. Il vivait en Belgique depuis 16 ans sa famille vit ici, mais une deuxième tentative d’expulsion était prévue.

‘‘Le gouvernement de droite mène une politique migratoire dite ‘‘qualifié’’, qui ne vise pas à accueillir ceux qui fuient les crises, les guerres et la misère. La politique de droite de l’Union européenne facilite l’immigration pour une minorité, ceux qui en ont les moyens, et pour disposer d’une main d’œuvre bon marché pour les patrons. La nouvelle taxe de 215 € pour les primo-arrivant introduisant un dossier en vue d’un permis de travail ou d’une régularisation ainsi que le durcissement de la politique inhumaine d’expulsion et d’enfermement dans les prisons que sont les centres fermés poussent de nombreuses personnes dans la clandestinité.

‘‘Ainsi se développe une main d’œuvre qui travaille au noir à des conditions de misère et qui s’enferme le reste du temps par peur des rafles. C’est une aubaine pour les patrons qui ne doivent pas respecter les horaires de travail et les conquêtes syndicales. Des patrons ont par exemple fait travailler des sans-papiers lors de la grève générale du 15 décembre dernier. Ce travail au noir dans la sphère illégale du capitalisme est aussi utilisé pour mettre pression sur les conditions de travail et de salaire de l’ensemble des travailleurs.’’

Quel est l’objectif de la manifestation du 3 mai ?

‘‘Ce sera la première manifestation organisée par la Coordination. Le projet du 3 mai découle d’un contexte de lutte. Nous voulons réagir face au secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration Theo Francken (N-VA) et au gouvernement. Les problèmes évoqués ici ne concernent pas que quelques centaines de cas: il y plus de 100.000 sans-papiers en Belgique. Nous avons l’objectif ambitieux de réunir plusieurs milliers de personnes, en premier lieu les travailleurs sans-papiers eux-mêmes. La marche vise à sensibiliser les travailleurs belges et à faire un pas en avant dans l’organisation de notre lutte avec les collectifs de sans-papiers qui se sont développés à Liège, Anvers, Mons,… Après le 3 mai, nous voulons évoluer vers une coordination nationale de tous les groupes existants en Belgique.’’
Quelle solution défendre face à cette problématique?

‘‘Avec les travailleurs belges, nous pouvons combattre ensemble pour une diminution collective du temps de travail sans perte de salaire et avec embauches compensatoires afin de garantir des emplois et une vie décente pour tous. Par la lutte, il est possible d’arracher des avancées pour les sans-papiers confrontés à des situations très graves. Mais le capitalisme ne peut être humanisé. Seuls comptent les profits des multinationales. Sur base de ce système, il y aura toujours des réfugiés qui fuient les guerres, les crises et la pauvreté. Cela continuera à engendrer de nouveaux drames, comme ces milliers de migrants qui meurent chaque année dans des naufrages en méditerranée. Seule une autre société peut créer une véritable liberté de circulation pour ceux qui le souhaitent tout en assurant la possibilité de construire une vie décente dans son pays d’origine.’’

Marche des sans-papiers 3 mai – 15h gare du Midi – Bruxelles

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