De Disney à Milley Cyrus : 50 nuances de sexisme

stop_sexismeLe sexisme est véhiculé partout et nous le subissons toutes et tous sous différentes formes. La position économique en moyenne ‘‘inférieure’’ des femmes dans la société (salaire annuel moyen inférieur de plus de 20% à celui des hommes, surreprésentation dans les groupes ‘‘pauvres’’ de la société comme les parents célibataires, etc.) a comme corollaire une moindre considération vis-à-vis d’elles. Le sexisme est tellement omniprésent qu’on ne le remarque parfois même plus. Mais il nous conditionne bel et bien.

Par Emily (Namur)

Les héroïnes, grandes absentes de la culture de masse

Les tâches traditionnellement attribuées aux femmes ne le restent que tant que cette fonction n’entraîne aucun prestige. Si les cuisiniers sont souvent des cuisinières, un chef étoilé au féminin est une exception. L’industrie textile reste un secteur très féminin, mais qui peut citer le nom de femmes ‘‘grandes couturières’’ ? L’univers du cinéma n’est bien sûr pas en reste. Le pourcentage de réalisatrices reste extrêmement ténu, tout comme les personnages principaux attribués à des femmes. En 2014, le pourcentage de personnages féminins dans les plus gros films américains (les blockbusters) était de 12%… (1)

Les héroïnes sont rares dans la littérature comme à l’écran. Et lorsque le héros est une femme, ses attributs physiques sont mis en exergue suivant le modèle du personnage de jeu vidéo Lara Croft. Une femme ne peut être au centre d’une histoire qu’en correspondant à ce que la société capitaliste de consommation met en avant comme critères de beauté.

Les dessins animés Walt Disney constituent un excellent exemple de la manière dont le sexisme est véhiculé dans la société et s’immisce dans nos têtes dès le plus jeune âge. L’entreprise se targue d’avoir fait des efforts ces dernières années concernant la représentation des femmes. Dans le film d’animation ‘‘La reine des neiges’’ sorti en 2013, on pourrait se féliciter qu’il y ait 2 héroïnes, liées d’amitié qui plus est (fait exceptionnel chez Disney). Cela se justifie toutefois essentiellement par un public de niche (des fillettes) et l’opportunité de doubler les ventes de poupées. Et le sexisme est toujours bien présent. Le responsable de l’animation a ainsi expliqué qu’il est très compliqué d’animer le visage d’un personnage féminin du fait que les femmes passeraient par un nombre plus important d’émotions puisqu’elles seraient plus sensibles et qu’elles doivent en tous temps rester belle. Il est donc difficile de différencier deux héroïnes passant par les mêmes émotions puisqu’elles correspondent aux mêmes canons esthétiques : peau blanche, taille fine, longs cheveux et petit nez. Heureusement, Disney a trouvé la parade : la couleur des cheveux…

La violence vis-à-vis des femmes est banalisée sur nos écrans. La célèbre série ‘‘Game of Thrones’’ dispose de personnages féminins atypiques et indépendants, mais les viols y sont banalisés à tel point qu’ils ne choquent même plus le téléspectateur. Le récent film ‘‘Cinquante nuances de Grey’’ va plus loin encore. Un homme riche fait signer à une jeune étudiante un contrat qui l’assure de relations sexuelles sadomasochistes quand bon lui semble, sans plus devoir demander l’avis de sa ‘‘partenaire’’. En contrepartie, il lui offre des cadeaux. N’est-ce pas là une forme de prostitution dont on refuse de dire le nom? Ce film ne va-t-il pas jusqu’à mettre sur un piédestal ce type de relation, telle une aventure excitante?

Le secteur de l’industrie musicale est tout aussi touché. Pourquoi tant de chanteuses starifiées se mettent-elles à moitié nues dans leurs clips vidéo ? Chacun devrait évidemment pouvoir s’habiller comme il le souhaite. Mais le phénomène ‘‘Milley Cyrus’’ suggère fortement qu’afin d’être considérée comme une femme et non plus comme une enfant ainsi que pour être reconnu, il faudrait laisser ses vêtements au placard. Dans tous les domaines, les femmes sont perpétuellement dans l’ambivalence de devoir être sexy pour être prises en considération tout en ne pouvant l’être de trop sous peine d’être harcelées et tenues pour responsables de cette situation.

À qui profite le sexisme ?

Le sexisme n’est pas le fait des hommes contre les femmes. Nous sommes toutes et tous aliénés par ce phénomène, même si ces dernières sont bien entendu les plus grandes victimes de cette tyrannie de la minceur ou encore de cette sommation plus ou moins ouverte à ne pas prendre trop d’espace, à ‘‘rester à sa place’’. Le manque de considération pour les femmes est clairement à mettre en lien avec sa position économique défavorable. A qui cela profite-t-il ? Les préjugés véhiculés par des pans entiers de la culture dominante (les plus financés) favorisent la mise en concurrence des travailleurs. Les petits salaires et les emplois précaires qui en découlent – amplement occupés par des femmes – profitent au patronat.

De plus, la libération sexuelle sans libération de l’exploitation capitaliste a permis à la classe dominante d’ouvrir de nouveaux secteurs de marché pour encore plus de profit : l’industrie cosmétique n’a ainsi jamais été aussi importante. Pousser à ressembler à des canons de beauté inaccessibles (à tel point qu’il s’agit souvent de manipulations d’images), cela rapporte gros. Et si Milley Cyrus et Rihanna profitent des coups de pub de leurs corps dénudés, c’est l’industrie musicale qui en retire la plus grande part du gâteau.

Quelle solution défendre ?

L’éducation des jeunes ne peut suffire à lutter contre le sexisme, dont les racines ne sont pas culturelles mais bien premièrement économiques. Le sexisme est un outil consciemment utilisé par les capitalistes pour maximiser leurs profits et diviser pour régner, à l’instar du racisme ou de l’homophobie. Pour les capitalistes, la violence vis-à-vis des femmes est un dommage collatéral négligeable. Le sexisme n’est en rien une affaire culturelle, il est intrinsèquement lié à la société de classe. Si nous voulons l’abattre, nous devrons – femmes et hommes – abattre le capitalisme et construire une société qui réponde aux besoins de chacun et qui pose les bases d’une égalité économique. C’est seulement dans ce cadre que nous pourrons mettre le coup de massue fatal au sexisme.

(1) Sofilm n°28, mars 2015.

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