Rudy Demotte, le successeur que s’est choisi Di Rupo comme Ministre-président de la Région wallonne, a donné une interview de rentrée au Soir. Elle illustre à merveille le dicton populaire « Avec un socialiste comme ça, qui a encore besoin des libéraux ? ».
Après avoir rappelé le credo du PS wallon (non au confédéralisme, tout pour le redressement économique wallon), Demotte en arrive aux moyens à employer pour assurer ce redressement. Et le festival commence : « La Wallonie doit redevenir une ‘’terre laborieuse’’. Je serai celui qui y veillera. Qui va libérer le marché ». Un peu surpris par ce mâle discours sarkozyste, le journaliste risque « ‘’Libérer le marché’’, de la part d’un socialiste… ». Demotte appuie alors sur l’accélérateur : « Un socialiste moderne, convaincu de l’importance d’offrir les meilleures conditions aux investisseurs – à commencer par les investisseurs flamands (…). Il faut offrir des garanties aux gens qui détiennent des capitaux et qui sont prêts à investir. L’accord social chez Ryanair récemment est un bel exemple d’une Wallonie aux antipodes de son image conservatrice, grévicultrice, etc. ». Et Demotte assène le coup final « Il faut un nouveau « pacte social wallon », liant mouvement syndical, patronat, responsables publics (qui) renvoie à l’impératif wallon : la prise de conscience (de) ne compter que sur nous-mêmes ».
Ce nouveau pacte social pour attirer les investisseurs, on voit donc bien ce que cela signifie pour Demotte : ligoter les mains des syndicats en convainquant leurs dirigeants qu’il n’y a pas d’autre moyen que de supprimer les « rigidités » du marché du travail (fini les contrats à durée indéterminée, vive les contrats précaires, la flexibilité des horaires, l’intérim à gogo et la « facilitation » des licenciements) et en réduisant les possibilités de grève (en les faisant bloquer par les dirigeants syndicaux et, si besoin, en imposant le service minimum dans les services publics cher au cdH.
Les intentions de Demotte sont donc claires comme du cristal au niveau de la Région wallonne. Il continuera – et accentuera – la politique social-libérale qu’a menée Di Rupo. Mais ses déclarations ont aussi une signification au niveau fédéral. Elles sont d’abord une offre de service en bonne et due forme adressée aux partis de l’Orange bleue, et en particulier au CD&V : si vous n’arrivez pas à vous entendre à quatre, le PS est disponible et mener une politique libérale ne nous fait pas peur ! Mais elles montrent aussi quelle « opposition » le PS s’apprête à mener au cas où il ne ferait pas partie du nouveau gouvernement : Là où la droite cherche à passer à force, nous, nous réussissons à rassembler les dirigeants du patronat, des partis et des syndicats autour d’une politique favorable aux investisseurs ». Le PS en champion du libéralisme consensuel contre le libéralisme d’affrontement social !
Espérons que ces déclarations feront réfléchir ceux qui pensent encore que le PS rejeté dans l’opposition développerait une critique de gauche d’un gouvernement chrétien-libéral et desserrerait le frein qu’il a placé sur la FGTB afin que les syndicats secouent le gouvernement. En candidats permanents au pouvoir et à la gestion néolibérale, les dirigeants du PS n’ont pas la moindre envie de voir les travailleurs dans la rue… même contre la droite !