Thatcher ou pas Thatcher, telle est la question

Dès le départ, le gouvernement fédéral semblait fait de bric et de broc. Le seul moment où il a su faire preuve d’unité fut suite aux terribles attentats de Paris, instrumentalisant la menace terroriste pour se dépeindre comme le ‘‘père de la nation’’. L’atmosphère semblait changer et aller à l’encontre de la ‘‘polarisation’’, y compris entre les classes sociales.

Par Peter Delsing, article tiré de l’édition de mars de Lutte Socialiste

L’opération anti-ter ror iste de Verviers, les mesures anti-terroristes rapidement couchées sur papier (et qui peuvent facilement se retourner contre le mouvement des travailleurs), les militaires en rue,… Le dégout bien compréhensible suscité dans la population par le terrorisme et la violence aveugle a permis au gouvernement Michel de retrouver un certain appui. Le gouvernement, et plus particulièrement la N-VA et la MR, avait perdu ce soutien de la population suite à l’annonce de ses mesures profondément antisociales et aux grèves de novembre / décembre.

Depuis janvier, journalistes et commentateurs n’ont pas perdu de temps pour enterrer la résistance syndicale après les dramatiques évènements de Charlie Hebdo, de Verviers et d’ailleurs. Ils espéraient que les négociations sur l’augmentation salariale – de toute manière liquidée par le saut d’index – et la maigre augmentation des allocations les plus basses feraient taire l’opposition de la rue. C’était une erreur. Si des sondages ont fait état du soutien accordé au gouvernement pour son comportement contre le terrorisme, d’autres ont démontré que, dans tout le pays, une majorité significative reste opposée au saut d’index et à l’augmentation de l’âge de la retraite à 67 ans.

Le caractère et la composition même de ce gouvernement, en particulier les provocateurs thatchériens de la N-VA, assurent de pousser le mouvement social de l’avant. Le CD&V est la cinquième roue du carrosse thatchérien. Une fois il attaque son partenaire gouvernemental N-VA, l’autre fois il jure fidélité au gouvernement. Un mail interne du CD&V critiquait ainsi la présence de l’armée à Anvers et incitait les militants à ouvertement protester contre alors que le parti a soutenu la mesure au gouvernement ! Pour les capitalistes, le facteur N-VA doit être ramené à de ‘‘justes proportions’’, car il est peut-être trop provocateur pour la classe des travailleurs et n’est toujours pas entièrement sous leur contrôle concernant la question communautaire. Mais en même temps, chaque pas en avant de ce gouvernement qui peut permettre de favoriser les profits du capital et affaiblir les syndicats est le bienvenu.

À peine l’encre des signatures apposées en bas de l’accord sur les salaires était-elle sèche que certains n’ont pas hésité à affirmer que la lutte syndicale était terminée. L’accord de la direction de la CSC a pu être considéré comme un signe de faiblesse, une fissure dans le front commun syndical et un signal pour les capitalistes de ‘‘célébrer’’ la ‘‘victoire’’ avec de nouvelles attaques frontales. La députée N-VA Zuhal Demir a de nouveau proposé de limiter dans le temps les allocations de chômage. Le ministre des Finances N-VA Van Overtveldt a clarifié que le tax shift ne serait pas un glissement de la fiscalité du travail vers le capital. Les travailleurs seraient à nouveau visés avec une augmentation de la TVA, la forme de taxation la plus socialement injuste. Liesbeth Homans (N-VA toujours) a proposé que les crèches subventionnées servent ‘‘en premier lieu aux personnes qui vont travailler’’. Quant aux enfants qui grandissent dans la pauvreté, ‘‘pour eux, les pouvoirs publics peuvent développer d’autres solutions’’. Elle considère aussi qu’il est normal que le saut d’index touche les salaires, mais épargne les loyers. Ces positions illustrent jusqu’à la caricature que les priorités de ce gouvernement sont les grandes entreprises, les diamantaires et les riches.

Ces apprentis Thatcher ne s’arrêteront pas d’eux-mêmes. La seule façon de bloquer leurs attaques antisociales c’est de construire un plan d’action capable de les balayer. La base de la CSC et de la FGTB, les centaines de milliers de syndicalistes, mais aussi les jeunes, le secteur socio-culturel,… ont besoin de leur propre parti de masse, un instrument avec lequel ils pourraient stimuler leurs luttes. Nous avons besoin d’un gouvernement qui dise non à l’austérité et qui contrôle les richesses par la nationalisation sous contrôle démocratique des secteurs clés de l’économie.

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Première page de Lutte Socialiste