Dans plusieurs pays européens, la discussion sur le droit de grève est à nouveau à l’agenda, sans bien sûr le clamer du haut des toits aux travailleurs. En France, par exemple, le Parlement a, sous la baguette de Sarkozy et de son gouvernement Fillon, voté tout une batterie de lois antisyndicales. Le vieux slogan du Vlaams Blok/Belang « le travail produit, la grève nuit » semble être adopté par bien des « démocrates »…
En Allemagne, un tribunal a décidé d’imposer l’interdiction de faire grève au syndicat des machinistes. Le juge, soi-disant « impartial » comme de bien entendu, a annoncé que cette interdiction serait en vigueur jusque fin septembre.
En Belgique, les atteintes aux droit de grève s’accumulent également, comme illustré par l’initative de l’avocat Cafmeyer qui veut rendre les grévistes de Zaventem personnellement responsables des dommages encourus par les voyageurs. En cause de cette première en Belgique: les actions du personnel de securité de l’aéroport du 13 avril dernier.
D’autres nuages s’accumulent au-dessus du droit de grève. Ainsi, dans la deuxième version de la note de l’ancien formateur Yves Leterme, il est fait mention d’un service minimum garanti dans les secteurs publics. Comment, alors que les travailleurs ne font déjà pas facilement usage de la grève, peut-on encore faire usage de cet instrument ?
Hélas, la direction de la CGSP a elle-même posé le ballon devant le but et n’a vraiment pas amélioré les choses. Aussi bien au sein de la direction de la FGTB que de la CGSP – toutes deux encore sous le choc de la giffle électorale encaissée par le SP.a et le PS – la crainte d’actions de grève spontannées est bien présente. Ils veulent à tout prix éviter un mouvement géneralisé comme lors des luttes contre le Pacte des génerations.
Ce mouvement avait été stoppé de façon bureaucratique par le sommet hierarchique. Mais ce même sommet est-il encore capable de réaliser un tel coup d’arrêt contre un gouvernement orange-bleue à la politique durement et ouvertement néolibérale?
En France, les travailleurs des transports publiques doivent présenter un préavis de grève 48h avant le début de celle-ci, ce qui laisse le temps à la direction de pratiquer quelques intimidations de la part des supérieurs tandis que les autorités peuvent organiser un service minimum. En d’autres termes : autant d’opportunités de casser la grève. Pire encore, Sarkozy et Fillon prévoient d’organiser après 8 jours de grève un vote sur sa continuation, selon les modalités imposées par la direction. Le gouvernemant français a déjà laissé entendre que cette loi pourrait être élargie à l’enseignement et à tout le secteur privé.
Des grévistes qui doivent se denoncer eux-mêmes, sous menace de sanction, une direction qui organise des votes sur les grèves en lieu et place des syndicalistes, etc. Vraiment, le gouvernement Sarkozy est un modèle de la droite chaleureuse, comme le quotidien flamand soi-disant de gauche De Morgen l’a encore qualifié. Si ce journal représente officiellement la gauche, comment alors s’étonner que la Flandre vote tellement à droite ?
Les attaques de la bourgeoisies européenne sur le droit de grève ne sont en rien dues au hasard. Nous sortons d’une période de croissance économique qui n’a donné aux travailleurs que quelques fruits amers (une plus grande fléxibilité, une baisse du pouvoir d’achat, une intensification de l’exploitation,…). La baisse du pouvoir d’achat fut si grave ces 25 à 30 dernières années que même des ménages à deux revenus se sentent menacés. La perte d’un revenu réduit un ménage à vivre juste au niveau, ou en dessous, du seuil de pauvreté.
A peu près un tiers de la population belge est maintenant touchée par la pauvreté ou la précarité. Une nouvelle crise économique ou une récession (dont les signes avant courreurs sont d’ailleurs visibles sur le marché immobilier américain) touchera aussi les classes moyennes de la societé, cette couche qui jusqu’ici s’accommodait de la logique du patronat.
Les travailleurs n’auront pas d’autre choix que d’entrer en action pour la défense de leurs conditions de travail et de vie. C’est parce que la bourgeoisie est bien consciente qu’en cas de récession elle sera poussée à lancer des attaques plus brutales sur les classe laborieuses qu’elle se taille déjà maintenant des armes pour parrer à toute résistance. Le filet de sûreté qu’était la sécurité sociale, après 25 ans de politique antisociale, a des mailles bien trop élargies.
La bourgeoisie et ses propagandistes ne se rendent pas toujours ni assez bien compte qu’ils s’enfoncent plus profondément chaque jour dans l’ornière des mesures antidémocratiques contre les jeunes et les travailleurs. Dans les années ‘30, le fascisme a rempli cette tâche en liquidant les syndicats et les partis ouvriers. Aujourd’hui, ce sera plutôt le rôle de l’appareil d’Etat existant – les tribunaux, la police etc – d’accomplir la tâche d’opprimer et de limiter les droits démocratiques de la grande masse de la population.
Sapper le droit de grève est un important test dans ce processus. Dans ce cadre, faire confiance aux dirigeants syndicaux qui font l’impossible pour éviter tout mouvement génrealisé, c’est aller droit au démantellement social !
Nous devons reconstruire un nouveau parti des travailleurs pour donner aux syndicalistes combatifs, aux travailleurs et aux jeunes un instrument pour favoriser le rapport de force en faveur du travail, et non du capital, dans la societé. Le Comité pour une Autre Politique (CAP) peut devenir cet instrument à la condition de se construire dans les meilleures traditions combatives et socialistes.