GB : 900 emplois menacés

Fin juin, la direction du groupe Carrefour a annoncé sa décision de fermer 16 Supermarchés GB cette année (8 en Flandre, 1 à Bruxelles et 7 en Wallonie), supprimant ainsi d’un coup 900 emplois (dont 800 dans ces magasins).

Jean Peltier

DU N°1 BELGE AU N°2 MONDIAL

Le premier Grand Bazar ouvre en 1885 à Bruxelles, d’autres magasins sont ensuite ouverts à Liège, Anvers et Gand. Après la deuxième guerre mondiale, l’expansion est rapide : en 1958 naît la formule actuelle du supermarché ; en 1970, le groupe GB commence à se diversifier avec l’ouverture du premier Brico GB ; en 1974, GB fusionne avec Immo-BM- Priba et devient GIB. En 2000, GIB est absorbé par le groupe français Carrefour (devenu actionnaire à 100% de GIB).

Le groupe Carrefour Belgium compte aujourd’hui 561 magasins en Belgique, dont 56 hypermarchés Carrefour, 280 supermarchés GB, 133 GB Contact, 91 GB Express et 1 Rob. Il emploie 17.000 personnes en Belgique dont 5.502 dans les GB intégrés et a réalisé en 2006 un chiffre d’affaires commercial de 5.380 milliards d’euros.

L’ensemble des 78 supermarchés GB intégrés ont réalisé, sur les quatre premiers mois de l’année, un bénéfice de 9 millions d’euros, 15% de plus que pour la même période l’an dernier. Le groupe international Carrefour est le 2e groupe de distribution au niveau mondial. Il est présent dans 29 pays où il possède un total de 12.000 magasins et emploie 430.000 personnes.

La direction du groupe considère que « ces supermarchés sont structurellement non rentables » et qu’ « il est temps de stopper l’hémorragie si on ne veut pas risquer de mettre l’ensemble de la chaîne en péril ». Mais, derrière ces déclarations catastrophistes (alors que le groupe Carrefour Belgium de même que le sous-groupe des supermarchés GB en son sein réalisent des bénéfices confortables), il semble clair que Carrefour n’a pas l’intention de fermer définitivement ces magasins et encore moins de les revendre à la concurrence.

UN RECUL SOCIAL PLEIN DE FRANCHISE

En réalité, la direction du groupe a un objectif beaucoup plus vicieux : il s’agit de fermer des magasins intégrés au groupe pour les revendre ensuite à des gérants indépendants qui pourront les rouvrir dans le cadre d’une franchise – avec une convention collective moins favorable et sans représentation syndicale ! – en engageant du personnel plus jeune (le personnel des GB intégrés à en moyenne 17 ans d’ancienneté) à des salaires moindres (de l’ordre de 30 à 35%), des horaires de travail plus longs (38 heures/semaine au lieu de 35) et dans des conditions de travail plus dures (notamment avec des ouvertures le dimanche matin).

A l’heure actuelle, 202 des 280 supermarchés GB sont déjà exploités par des franchisés. Et on peut redouter que Carrefour cherche à faire passer le plus rapidement possible les 78 magasins restants sous ce statut.

Lorsqu’en février dernier, le patron de Carrefour Belgium, Marc Oursin, a annoncé la restructuration du groupe en 3 niveaux (les Hypermarchés Carrefour de très grande surface, les Super GB de taille moyenne et les petits GB Express de proximité), il avait aussi annoncé l’ouverture de 8 à 10 Supermarchés et 40 Express… tous sous franchise. Car les magasins sous franchise connaissent, grâce à la pression mise sur le personnel, une augmentation de leur chiffre d’affaires de 8%, alors que les magasins intégrés ne progressent guère.

Voilà donc comment Carrefour compte augmenter encore plus ses plantureux bénéfices. Une fois de plus, c’est la logique du profit maximum en faveur des grands actionnaires qui s’impose au détriment des travailleurs, des clients et des habitants des quartiers.

Car ce n’est pas un hasard non plus si la grande majorité des magasins visés sont installés dans des quartiers populaires et ont le plus souvent un grands nombre de clients fidèles mais qui ne sont plus considérés par Carrefour comme des clients privilégiés parce qu’ils ne dépensent pas assez !

Et c’est encore moins un hasard si Carrefour a annoncé ce plan radical de fermetures et de licenciements juste avant les vacances, sachant très bien qu’il serait difficile de mobiliser le personnel pendant les deux mois d’été.

Ces fermetures pourraient enfin n’être qu’un avant-goût : en décembre, la direction de Carrefour Belgium avait annoncé aux syndicats que la moitié des GB intégrés n’étaient pas rentables ou juste à l’équilibre. Cela veut dire qu’une vingtaine d’autres magasins pourraient aussi être menacés de fermeture par la suite !

NÉGOCIER… MAIS SUR QUELLES BASES ?

Devant le coup de force de la direction de Carrefour, les syndicats ont directement répliqué qu’il n’était pas question de discuter pendant les vacances. Les négociations doivent donc commencer à la rentrée de septembre.

Dès l’annonce des fermetures, des actions spontanées de grève ont eu lieu dans certains magasins menacés, notamment aux GB de Quiévrain et Termonde. Des grèves de solidarité ont aussi eu lieu dans des GB qui ne sont pas directement menacés de fermeture, comme à Gilly, ainsi que dans des hypermarchés, comme ceux de Mouscron et Froyennes qui ont fait grève le samedi 30 juin en solidarité avec le GB de Tournai. Des actions de solidarité ont également eu lieu parmi les clients. Le Comité de Quartier de Rocourt a réuni plusieurs centaines de signatures contre la fermeture du GB. A Tournai, une manifestation locale de 500 personnes a réuni travailleurs du GB, habitants du quartier et syndicalistes d’autres entreprises.

Malgré le choc provoqué par l’annonce des fermetures, le potentiel pour une forte réaction unissant travailleurs et clients existe donc. Malheureusement, la réponse des directions syndicales paraît jusqu’ici très limitée.

Elles ont tout d’abord refusé d’organiser une journée nationale de grève contre les fermetures fin juin ou début juillet. Certes, le délai était court pour organise la mobilisation dans les GB et Carrefour mais une journée de grève au début des soldes aurait eu un impact énorme.

La CNE et le SETCa se sont contentés d’organiser une mobilisation de quelques centaines de travailleurs le 2 juillet devant le bâtiment où se tenait le Conseil d’entreprise de Carrefour qui devait annoncer officiellement les fermetures. Pendant ce temps, une partie des GB menacés étaient ouverts, les gérants ayant fait appel à des étudiants et des intérimaires pour assurer un service minimum !

D’autre part, le tract commun SETCa-CNE diffusé fin juin met l’accent sur deux exigences vis-à-vis de Carrefour : « des garanties sur un maintien du volume de l’emploi chez Hyper et chez Super » et le fait que « ce plan de restructuration ne pourra se traduire par des licenciements secs ». Il déclare aussi que « Le drame social ne doit pas reposer uniquement sur les épaules des travailleurs : la direction doit mettre sur table un vrai plan commercial susceptible de relancer l’activité des supermarchés de manière durable tant en garantissant des salaires décents et des conditions de travail acceptable pour le personnel (le même raisonnement vaut aussi pour les hypers…) ».

Nulle part n’est avancée la revendication centrale du refus des fermetures qui est le seul moyen de réellement maintenir l’emploi ! Il semble que les directions syndicales se soient résignées à la fermeture des GB avant même de mener un vrai combat et qu’elles s’apprêtent à se concentrer sur deux objectifs minimum : reclasser le maximum de personnel dans d’autres GB et hypers et négocier de bonnes conditions de départ (notamment par la prépension) pour les autres . Or, en 1999, un plan de restructuration accepté par les syndicats prévoyait déjà de tels reclassements internes mais les syndicats se lamentent aujourd’hui de ce que la direction de Carrefour n’a guère respecté ses engagements. Si aucune lutte n’est menée contre les fermetures, la direction de Carrefour se sentira encouragée à mettre la pression dans les négociations et à ne pas mieux tenir ses futures promesses.

Pour imposer le maintien de l’emploi, il faut que monte rapidement de la base l’exigence du refus des fermetures. C’est la seule base sur laquelle un combat efficace pourra être mené.


Solidarité active avec le CAP

Dès l’annonce de la décision de Carrefour, le CAP (Comité pour une Autre Politique) s’est mobilisé pour s’opposer à ces fermetures, réclamer le maintien de l’emploi et appeler à la solidarité des travailleurs de tout le secteur de la grande distribution et des clients.

Il a ainsi organisé du lundi 25 juin au mercredi 27 juin une tournée à travers le pays de son Bus de la Solidarité avec, comme points d’étapes, neuf des GB menacés par la fermeture. L’équipe du bus et les groupes locaux du CAP ont ainsi pu participer à des Assemblées du personnel, discuter avec les clients et les habitants des quartiers. Une affiche a été diffusée largement et la pétition lancée par le CAP a recueilli plus d’un millier de signatures en trois jours. Le CAP était également présent le 2 juillet lors de la manifestation devant le siège de Carrefour. Vous pouvez trouver un résumé complet de cette « tournée » et des interviews de militants sur le site du CAP (www. autrepolitique.be) (documents postés le 1er juillet).

La campagne de solidarité reprend début septembre. Le Bus de la Solidarité va repartir sur la route et des interventions sont prévues sur plusieurs GB avec la pétition. Pour plus de renseignements, pour recevoir la pétition, pour participer aux actions, contactez le CAP ou les militants du MAS.

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