Attaques terroristes à Copenhague

Il faut une lutte unitaire contre les politiques de droite

Les deux violentes attaques à l’arme automatique par un terroriste, le week-end dernier à Copenhague, ont fait 3 morts, blessé 5 policiers et laissé un pays en état de choc. Ces attaques doivent être clairement condamnées.

Par Arne Johansson, Rättvisepartiet Socialisterna (section suédoise du Comité pour une Internationale Ouvrière)

Au Danemark, comme en Suède et dans le reste de l’Europe, ces évènements ont naturellement ravivé les peurs de nouvelles attaques terroristes et d’augmentation du racisme, islamophobie comme antisémitisme. Il existe aussi un grand risque de montée des contrôles de police « radicalisés », de campagnes officielles contre toute forme de « radicalisme » et de surveillance d’état.

La présence d’agents de police sur la scène des deux attaques a apparemment évité des désastres encore pires. C’était le cas lors de la première attaque, samedi après-midi, contre un meeting avec l’artiste suédois Lars Vilks, qui était menacé de meurtre depuis ses dessins du prophète Mohammed sous forme de chien. Puis, ce fut à nouveau le cas lors de la seconde, dimanche peu après minuit devant une synagogue du centre-ville de Copenhague où se tenait une Bat Mitzvah. Le choc et la peur de nouvelles attaques ont caractérisé la réaction de la communauté juive du Danemark et d’Europe.

Des parallèles avec la France ?

Ce schéma est d’une manière frappante similaire aux attaques terroristes à Paris, d’abord contre le magazine satirique Charlie Hebdo et ensuite contre un supermarché juif, même si cette fois elles semblent avoir été perpétrées de manière isolée par Omar Abdel Hamid El-Hussein. Ce dernier a, par ailleurs, été tué par la police dans la course-poursuite qui s’en est suivie. Deux jeunes hommes ont depuis été arrêtés, suspectés d’avoir aidé le tireur.

L’assaillant était un natif danois de 22 ans, fils de réfugiés palestiniens, relâché de prison seulement deux semaines avant les attaques terroristes après avoir purgé une peine pour avoir poignardé un homme dans un train local. Omar El-Hussein aurait aussi été connu de la police antérieurement pour possession d’armes et des crimes liés à un gang.

Il ferait aussi partie des 39 personnes listées « radicalisées » par le Service des Prisons et de la Probation danois. Il avait, entre autres, parlé ouvertement de son désir de partir en Syrie pour se battre pour « l’État Islamique ». Comme les terroristes français, il était donc déjà connu des services de renseignements de la police, le PET. Une heure avant la première attaque terroriste, El-Hussein avait aussi posté une vidéo prônant le djihad sur sa page Facebook.

Deux personnes ont été tuées dans ces attaques. L’une était un réalisateur de films, à l’extérieur du meeting « Art, blasphème et liberté d’expression ». Un artiste anglais, une représentante du groupe féministe FEMEN et l’ambassadeur français, entre autres, participaient également à cet évènement. L’autre personne tuée est Dan Uzan, un garde du corps volontaire en dehors de la synagogue. « Je n’ose pas imaginer ce qu’il se serait passé si [le tireur] était entré dans le bâtiment », disait Dan Rosenberg Asmussen, présidant de la communauté juive, au journal danois EkstraBladet.

Alors que les médias véhiculent l’image d’une attaque contre un meeting pour « la liberté d’expression », il est peu probable qu’il y aura une vague de réaction comparable à celle suite à l’attaque contre Charlie Hebdo. La « satire » de Lars Vilks et son comité de soutien sont perçus comme une dérision unilatérale de l’Islam. Une indication parlante des motivations de Vilks est la façon dont il explique sa propre présence à la Conférence islamophobe tenue à New York en 2012 sous le titre de « Stop à l’Islamisation des Nations ». Cela « faisait partie de son œuvre d’art », a-t-il dit. Quelles que soient ses opinions, cependant, elles ne justifient bien sûr pas l’attaque meurtrière contre son meeting, tout comme les politiques réactionnaires du gouvernement israélien ne peuvent justifier les tentatives de tuer des Juifs lambda dans une synagogue.

Réactionnaires

Des dizaines de milliers de Danois ont participé aux manifestations de lundi contre le terrorisme. Le premier ministre du Danemark, Helle Thorning-Schmidt, a parlé du besoin de transparence et de cohésion, similairement à ce que le président français, Hollande, a dit après les attaques terroristes à Paris. Cependant, le message opposé, celui de la surveillance d’État et de contrôle renforcés de la société, a lui aussi été donné.

« Il y a des forces obscures qui veulent nous faire du mal et nous devons donc donner une réponse forte. Nous allons faire l’expérience d’un Copenhague qui parait différent pour quelque temps », a dit le ministre de la Justice, Mette Frederiksen.

Le président de l’UE, Donald Tusk, a promis l’implantation rapide d’une stratégie commune contre l’extrémisme et le terrorisme. Les chefs des gouvernements de l’UE y ont donné leur accord il y a quelques jours seulement. Il comprend des propositions telles que l’enregistrement systématique des passagers aériens, des contrôles forts des frontières extérieures de l’UE et l’augmentation de la coopération entre les services de renseignements.

La Suède

Ainsi, en Suède, le ministre de l’Intérieur social-démocrate, Anders Ygeman, a annoncé un effort parallèle avec une nouvelle stratégie antiterroriste nationale pour accélérer encore la forte augmentation des fonds pour plus de forces de police, de renseignements, de surveillance et de protection des institutions et des personnes. Ce type de décision avait déjà suivi les attaques terroristes ratées en 2010.

Le journal suédois Dagens Nyheter liste certains des arguments-clés de la stratégie nationale contre le terrorisme comme « des mesures préventives contre les gens qui se radicalisent et sont recrutés pour participer aux batailles terroriste, des investigations urgentes pour incriminer les départs pour la guerre de terreur, l’incrimination du recrutement, du financement et de l’organisation de ces trajets ». Ygeman parle aussi de chercher une possibilité de vidéo surveillance bien plus extensive dans le cadre des lois qui existent.

Jusque maintenant, il n’y a pas eu de proposition de centres de tortures comme ceux utilisés par les USA à Guantanamo Bay ou ceux délocalisés dans les dictatures pro-occidentales. Mais les risques d’avancées vers un développement de l’augmentation du contrôle et de l’enregistrement des opinions dans les endroits habités par beaucoup de migrants s’ajoutent à la frustration déjà en germe.

La rhétorique à l’emporte-pièce de l’ancienne dirigeante sociale-démocrate, Mona Sahlin, qui a été nommée coordinatrice nationale contre « l’extrémisme violent », est inquiétante. Sahlin veut que les professeurs, les travailleurs sociaux et les dirigeants religieux aident la police secrète à espionner les enfants et les jeunes à risques pour détecter l’extrémisme violent. À la radio, à la télévision et dans les journaux, elle met sans arrêt à égalité ce qu’elle appelle « les trois grandes idéologies de la haine » – le djihadisme, l’extrême droite et l’extrémisme de gauche. Et elle a des difficultés à distinguer les critiques vives de l’oppression par l’État israélien et l’antisémitisme.

Rättvisepartiet Socialisterna (section sœur du PSL en Suède), comme d’autres organisations de gauche, a souvent participé aux manifestations contre la terreur d’État israélienne dans les bombardements de Gaza, par exemple, mais a une ligne très claire contre l’antisémitisme. Nous avons très rarement entendu des slogans ou toute autre expression d’antisémitisme dans ces manifestations, dans lesquels on retrouve d’ailleurs régulièrement une organisation appelée « Juifs pour la paix ».

Sahlin n’a aucun sens de la proportion. En exprimant sa condamnation de la terreur djihadiste et du nazisme violent, elle ajoute que le slogan « l’antifascisme est l’auto-défense » (une phrase utilisée par certains antifascistes pour indiquer qu’ils sont prêts à résister physiquement aux attaques contre eux) est un exemple de l’extrémisme de gauche tout aussi dangereux et violent. Le racisme violent ne doit jamais être assimilé à l’auto-défense contre celui-ci !

Les politiciens au pouvoir en Suède, tout comme au Danemark et dans l’UE, ne sont pas capables d’admettre leur propre responsabilité politique dans l’extrémisme violent, causé par leurs politiques étrangères comme intérieures. L’auteur des attaques à Copenhague – comme ceux en France en janvier – vient apparemment d’un quartier ouvrier avec un haut niveau de chômage.

Des politiques étrangères provocatrices

Le journaliste et auteur danois, Cartsen Jensen, a demandé dans un article après l’attaque terroriste si « le Danemark officiel » ne pourrait pas s’en prendre à lui-même, « une nation auto-radicalisante » qui a délibérément mis le cap vers la confrontation. Il s’interroge aussi si c’est juste une coïncidence que les étincelles de terreur se soient propagées de Paris directement à Copenhague.

« Le Danemark, avec la Belgique et le Royaume-Uni, sont les seuls pays européens à avoir participé aux 4 guerres des 12 dernières années – Irak, Afghanistan, Libye et maintenant celle contre l’État Islamique », écrit-il. Il rappelle que le Danemark a aussi dans son parlement le Parti du Peuple Danois, de droite et fortement xénophobe, qui pourrait devenir le plus grand parti aux prochaines élections et dont les opinions réactionnaires ont été adoptées par la majorité des partis au parlement. Plus la Suède est intégrée à l’OTAN et impliquée dans ce genre de guerres catastrophiques, comme dans la guerre aérienne contre la Libye et la nouvelle mission au Mali, et plus la menace correspondante va augmenter en Suède aussi.

Mais comme l’explique un porte-parole de l’initiative « Copenhague pour la diversité », « la marginalisation, la discrimination et l’humiliation par une minorité est aussi un terreau pour le terrorisme ». Un autre facteur est aussi que la prison est un environnement qui consolide et radicalise le sentiment d’aliénation. Il semble que c’est exactement ce qu’il s’est passé avec Omar El Hussein.

Heureusement, il y a certains espoirs au Danemark de développement d’un mouvement pour une autre société. Par exemple, il y a des contre-manifestations bien plus grandes contre les tentatives d’établir une branche danoise du mouvement xénophobe et islamophobe Pediga, qui voulait établir les marches racistes les lundis dans plusieurs villes danoises. Un autre facteur important est que, comme le montre un sondage récent, le soutien pour Enhedlisten, de gauche (Liste Unité ou Alliance Rouge-Verte), continue d’augmenter. À Copenhague, il a atteint 20% et a gagné le statut de plus grand parti de la capitale.

À l’encontre des campagnes des partis dominants contre « toutes les formes d’extrémismes », il est important pour la gauche, tout en défendant le droit à la liberté de parole et d’expression, d’appeler à une lutte unie contre le terrorisme, le racisme, les politiques de droite et les guerres impérialistes. Les politiques socialistes sont nécessaires pour créer des emplois et des logements pour tous, via la nationalisation et la planification, de façon à en finir avec l’attirance des jeunes appauvris vers le terrorisme et la violence.

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