Le secteur des mines de charbon polonais a été secoué par deux grandes grèves en moins d’un mois. Deux des trois plus grandes compagnies minières, qui représentent une main d’oeuvre de 80.000 sur 100.000 mineurs de fond, ont été touchées par les grèves. La grève dynamique à Kompania W?glowa a duré 10 jours (du 7 au 17 janvier) et celle de Jastrz?bska Spó?ka W?glowa, l’un des principaux producteurs de coke en Europe, était toujours en cours lorsque, le 12 février dernier, le tribunal a décidé que cette grève était illégale. Le charbon représente plus de 50% de l’énergie produite en Pologne. Le secteur est surtout basé dans la région de Haute-Silésie. Les mineurs constituent une section de travailleurs massive et concentrée avec une position stratégique dans l’économie qui peut donner une direction aux luttes du reste de la classe ouvrière.
Par Wojciech Orowiecki, Alternatywa Socjalistyczna (section du Comité pour une Internationale Ouvrière en Pologne)
Le 28 janvier, une grève illimitée a commencé à Jastrz?bska Spó?ka W?glowa (JSW), une compagnie qui emploie environ 26.000 mineurs dans 4 mines. L’extraction du charbon s’est complètement arrêtée. L’étincelle qui a mis le feu aux poudres était le licenciement disciplinaire de 9 syndicalistes de la mine Budryk en raison de leur action de solidarité avec la grève de Kompania W?glowa. Cette attaque contre les droits syndicaux a été lancée pendant le vote sur la grève dans le but d’intimider les mineurs, mais cela n’a fait qu’augmenter leur détermination. En résultat, plus de 98% des mineurs ont voté pour la grève, et ont même décidé d’accélérer son lancement.
Début janvier, la direction de JSW parlait d’un accord collectif qui leur permettrait de geler les pensions des mineurs et de faire des coupes dans leurs avantages sociaux. Les mineurs ont demandé le retrait de ce plan et la ré-embauche des syndicalistes licenciés. Ils ont aussi demandé la démission de la direction de JSW, les mêmes conditions pour les travailleurs de toutes les mines (les travailleurs de certaines mines ont actuellement des salaires moins élevés) ainsi que la liquidation de la filiale JSW Szkolenie i Górnictwo (qui est en pratique une agence d’emplois temporaires) et l’emploi direct de tous les ouvriers par JSW sans intermédiaire.
Les membres des syndicats disent que l’atmosphère est combattive, les mineurs font entendre leurs revendications dans une escalade d’actions et d’occupations des lieux de travail. La direction de JSW a déclaré que la grève est illégale et menace de plus de licenciements. Cependant, dès le vendredi 30 janvier, sous la pression des mineurs déterminés, ils ont commencé à reculer et ont promis de revenir sur la décision de licencier les syndicalistes.
JSW est à 55% une propriété d’Etat, le reste appartenant à des actionnaires privés Après la privatisation partielle, le revenu du président de la compagnie a augmenté de 400%.
Grève de Kompania W?glowa – Compromis pourri
C’est déjà la deuxième plus longues actions des mineurs cette année. Le 7 janvier, le premier ministre polonais, Ewa Kopacz, a annoncé un plan de « réforme » de Kompania W?glowa, qui emploie environ 50 000 personnes, la plus grande en Pologne. Le plan incluait la liquidation de 4 mines, la vente d’une mine à une autre compagnie et la création d’une nouvelle compagnie avec les 9 autres mines. Cela signifierait le licenciement d’environ 5000 ouvriers et le transfert de 6000 autres vers d’autres mines. La nouvelle compagnie devrait fonctionner « selon les principes du marché », c’est à dire en supprimant la plupart des primes, en instaurant les semaines de 6 jours de travail et autres attaques contre les droits des ouvriers.
Le même jour dans la mine de Brzeszcze, une des mines qui doit être liquidée, un rassemblement a eu lieu où les travailleurs ont décidé de lancer une action. Plus de 100 mineurs ne sont pas remontés à la surface, et d’autres mineurs se sont plus tard joints à eux. La gréve s’est étendue le jour suivant à l’ensemble des 14 mines de Kompania W?glowa, et plus de 2000 mineurs ont pris part à l’occupation de la mine en sous-sol.
Des actions avaient lieu en surface également. Les ouvriers du traitement du charbon et les employés administratifs (en majorité des femmes) ont commencé à occuper les lieux de travail. Les femmes qui travaillent dans l’industrie minière ont joué un rôle exceptionnel dans l’organisation des rassemblements de soutien et le blocage des routes. A partir du 8 janvier, les rassemblements et les blocages de routes dans les villes où des mines sont menacées se sont tenus presque tous les jours. A Brzeszcze, (une ville de seulement 11 000 habitants), jusque 3000 personnes ont participé aux manifestations. Dans d’autres villes minières, il y a eu des manifestations de 10 000 personnes. Les habitants de la région réalisent que la fermeture des mines signifie le chômage de masse et l’appauvrissement de la population. Cette lutte a montré la solidarité parmi les mineurs, les autres travailleurs du secteur minier et la société locale comme elle ne s’était pas vue depuis des années.
Alternatywa Socjalistyczna (section polonaise du Comité pour une Internationale Ouvrière et parti-frère du PSL) appelle tout le monde à soutenir la grève des mineurs. Ensemble avec d’autres organisations de gauche et féministes et le syndicat Inicjatywa Pracownicza, nous nous sommes notamment joints aux piquets de solidarité le 14 janvier à Varsovie. Nous avons aussi produits des tracts pour les distribuer sur les lieux de travail dans différentes villes polonaises avec les revendications suivantes :
• Non au plan de « réformes » du secteur minier du gouvernement
• Préparation d’une grève générale régionale et construction du soutien pour une grève générale dans tout le pays
• Nationalisation des mines et du système de distribution du charbon et de l’énergie sous contrôle ouvrier
• Audit de la dette des mines et mise sous contrôle démocratique du prix de l’énergie et des profits des compagnies d’énergie
• Pour une planification de l’économie démocratique et durable, pour l’intensification de la recherche sur de technologies de combustion écologiques. Pour une planification socialiste de la production qui permette des stratégies durables pour augmenter les sources d’énergie renouvelable et réduire les émissions de CO2 tout en conservant le rôle stratégique du charbon national.
Beaucoup de travailleurs dans tout le pays ont compris la signification stratégique de cette bataille et ont montré de la solidarité envers les mineurs. Les syndicats de la chimie, des travailleurs de l’énergie et des infirmières ont exprimé leur soutien envers la grève, et les cheminots ont participé à la manifestation et ont aidé au blocage des camions le 12 janvier. Des actions de solidarité ont aussi été tenues dans les mines d’autres compagnies. Dans les sondages, 68% soutenaient les mineurs, et seulement 15% soutenaient le gouvernement. Le mardi 20 janvier, les représentants syndicaux de différentes branches se sont rencontrés pour décider du futur de l’action. Ils ont appelé à une grève générale.
Pourtant les bureaucraties syndicales ont eu peur du développement de ce mouvement qui échappait clairement à leur contrôle. Le samedi 17 janvier, les dirigeants des syndicats de mineurs ont signé un accord avec Ewa Kopacz et ont annoncé triomphalement la fin de la grève. L’accord a été présenté comme une victoire pour les grévistes, pourtant il n’y a aucune garantie que les emplois et les avantages vont être maintenus.
Cet accord prévoit de diviser une mine en deux pour en vendre une à une autre compagnie d’état, qui est sur le point d’être privatisée. 4 mines appartiendront à Spó?ki Restrukturyzacji Kopal? et pourront être reprises par des investisseurs privés. Les mines restantes de KW feront partie d’une compagnie nouvellement créée, ‘Nowej Kompanii W?glowej’.
Ainsi, en pratique cet accord signifie davantage de division de KW et ouvre la voie à la privatisation de 4 mines. Ce n’est pas pour ça que les mineurs se sont battus ! Pendant la grève, il y a eu des déclarations de différents capitalistes qui ont vu la possibilité de racheter des mines pour une bouchée de pain. Bien sûr, ces soi-disant bienfaiteurs restructureraient alors les mines pour les rendre profitables. Pour les ouvriers des mines, cela n’amènerait que des licenciements et des pertes de revenus au nom des profits des nouveaux propriétaires privés. Il est possible que l’intention réelle derrière la liquidation des mines soit depuis le début de les vendre à prix réduit à des compagnies privées. De cette façon, le gouvernement Kopacz fait ce que toute une série de gouvernements a échoué à faire depuis des années – privatiser une partie du secteur minier et faire passer cela pour une concession envers les syndicats « trop exigeants ».
L’accord ouvre la voie à de nouvelles attaques contre les conditions d’embauche des ouvriers des mines restantes, y compris l’introduction de la journée de 6 jours – les documents stipulent que ce serait « sujet à négociations ». En même temps, les documents déclarent que « les syndicats assureront des conditions pacifiques pour accompagner la réalisation du Plan de Réforme de Kompania W?glowa et la fin des actions des mineurs ». Cela montre à quel point la bureaucratie syndicale est coupée du vrai rôle d’un syndicat – la lutte pour les droits des travailleurs.
Dans un texte suite à l’accord, AS écrivait : « La grève de 10 jours en Silésie a été la plus grande lutte des travailleurs depuis de longues années. Elle a montré la force de la classe ouvrière organisée et la possibilité d’une mobilisation immédiate de la population en solidarité avec les grévistes. Sous une direction plus décisive, cette lutte aurait pu renverser les attaques du gouvernement et amorcer la riposte contre les effets de 25 ans de capitalisme. Pourtant l’occasion a été manquée. La signature des accords avec les syndicats ne résout aucun des problèmes brûlants des mineurs.
Pour garantir le contrôle sur leur grève dans le futur, les grévistes doivent créer leurs propres structures démocratiques, comme des comités de grève sur les lieux de travail et au niveau inter-lieu de travail, composé de représentants des ouvriers de tous les puits en grève. Toutes les décisions concernant la grève doivent être prises par ces organismes avec la plus forte participation possible de tous les grévistes. »
Cela peut aussi s’appliquer à la lutte actuelle de JSW. Le licenciement de 9 syndicalistes à Budryk a été vu par beaucoup de travailleurs comme une rupture de l’accord (dans lequel le gouvernement promettait qu’il n’y aurait aucune conséquence disciplinaire contre les grévistes). Dans les mines de KW, des rassemblements sont maintenant tenus dans lesquels une partie des mineurs appellent à la reprise de la grève. Des actions dans les mines d’autres compagnies houillères ont été appelées le mardi 2 février. Les travailleurs de beaucoup d’autres secteurs ont aussi été radicalisés par les évènements des derniers mois. Ainsi la grève pourrait bientôt d’étendre à tout le secteur minier et à d’autres lieux de travail en Silésie.