SP.a et PS : la faillite du réformisme

Avec un recul global de 700.000 voix, la coalition violette sort grande perdante des élections du 10 juin. C’est surtout la social-démocratie qui a perdu près d’un tiers de ses électeurs (quelque 500.000 voix). Sanctionnée à cause du Pacte des Générations? De la droitisation de la société ? De l’augmentation du nombre des pauvres ? Des scandales à répétition à Charleroi ? On peut songer à 1001 raisons, bonnes ou moins bonnes. Nous ne les écartons pas mais nous pensons qu’il y a une cause plus profonde à cette sanction.

Eric Byl

Des réformes de l’Etat-Providence…

Le mouvement ouvrier a jadis pu faire reculer l’inégalité dans la société. Rappelons-nous la semaine des 8 heures, les cotisations patronales obligatoires aux pensions des ouvriers en 1924 et des employés en 1925. Les congés payés annuels en 1936.

Après la Deuxième Guerre mondiale, l’affaiblissement de la bourgeoisie et la radicalisation du mouvement ouvrier ont mené à une nouvelle vague de réformes en échange de la paix sociale. De 1944 à 1949, il y a eu pas moins de 7 gouvernements, dont 5 avec les communistes, et tous avec les socialistes. Leur but ? Empêcher la révolution en associant les dirigeants ouvriers à la gestion de la société capitaliste et en faisant une série de concessions. Et non des moindres. L’Arrêté-Loi de 1944 oblige les patrons et les salariés à verser une partie du salaire à l’Office national de Sécurité sociale. En 1945 sont établis un impôt de 5% sur le capital, une augmentation salariale généralisée de 20%, l’indexation des salaires, les négociations paritaires obligatoires sur les salaires et les conditions de travail avec reconnaissance des syndicats dans les entreprises, les secteurs et au niveau national.

C’étaient là les bases de l’Etat-Providence qui ont permis aux pouvoirs publics de stimuler le pouvoir d’achat pour relancer l’économie. De 1967 à 1977, le salaire horaire a crû en moyenne de 12,7% par an en Belgique! Il y avait un quasi-plein emploi et un haut taux de syndicalisation (90% en Belgique). D’où l’idée qu’on pouvait humaniser peu à peu le capitalisme pour en arriver à une société plus égalitaire sur le plan social. Cette illusion a été dissipée à partir de la fin des années ’70 : le marché ne parvenait plus absorber suffisamment vite de nouveaux produits, les entreprises voyaient s’éroder leurs profits et patronat et gouvernements ont mis en oeuvre des restructurations et des mesures d’économie pour sauvegarder le système. …aux contre-réformes qui le minent

Depuis lors, les acquis sociaux ont été remis en cause, d’abord progressivement, ensuite à un rythme toujours plus soutenu. Les profits des entreprises ont ét rétablis, les managers ont reçu des salaires fabuleux pour réduire les coûts de production tandis que les pauvres et les exclus se multipliaient. Les partis sociaux-démocrates ont essayé de dorer la pilule : le PS en se servant des institutions publiques au service de son propre public, quitte à prendre quelques libertés avec la loi, le SP.a en essayant d’emballer la régression sociale d’une façon plus acceptable. Cela devait se payer. Le PS se traîne de scandale en scandale. Le SP.a n’est plus vu comme le parti qui applique la régression sociale avec un gant de velours, mais comme celui qui la conçoit. Cela illustre l’absence d’alternative de la social-démocratie qui se prosterne devant la logique du profit de la droite parce qu’elle ne croit plus elle-même dans la possibilité d’imposer des réformes.

Résultat: toutes les réformes d’après-guerre sont menacées. L’index est vidé de son contenu par l’introduction de l’index-santé et la modification de la composition du panel des produits pris en compte au détriment des consommateurs. La loi sur la sauvegarde de la compétitivité jugule fortement les salaires. Les cadeaux fiscaux aux entreprises minent la sécurité sociale. Le droit de grève est remis en cause avec des requêtes unilatérales, des astreintes et bientôt l’introduction d’un service minimum. La progressivité de l’impôt qui veut que les plus hauts revenus soient proportionnellement les plus taxés est mise à mal par les hausses de TVA qui sont les mêmes pour tous. La concertation sociale est de plus en plus remise en cause.

Quelle alternative?

Sur base des premières expériences du mouvement ouvrier, Rosa Luxemburg écrivait déjà au début du 20e siècle que toute concession arrachée par le mouvement ouvrier sous le capitalisme serait inévitablement remise en cause dès que le rapport de force changerait.

Aujourd’hui, la social-démocratie et les directions syndicales ne veulent pas organiser la lutte parce qu’elles réalisent très bien que la bourgeoisie est bien moins timorée aujourd’hui qu’il y a 30 ans. A l’époque, celle-ci acceptait encore de faire des concessions auxquelles elle n’est plus disposée aujourd’hui parce que le capitalisme a augmenté la concurrence à un point tel que toute concession sociale est sanctionnée sans pitié par la concurrence. La soif de profit des capitalistes mène aujourd’hui à de telles catastrophes sociales, économiques et écologiques qu’on ne peut plus en limiter l’ampleur par des réformes. C’est d’après nous la cause fondamentale de la sanction électorale subie par la social-démocratie, même si elle peut toujours se rétablir temporairement et partiellement dans les élections futures.

Le problème est que la seule alternative possible, une transformation socialiste de la société, a été discréditée au plus haut point par les caricatures staliniennes de l’Est. Et que le moyen d’y arriver, la révolution, a été perverti par certains en soutien au terrorisme, à la guerilla urbaine et au pillage pur et simple.

Face à la crise que connaît la social-démocratie, le MAS veut redonner vie à une véritable alternative au capitalisme. C’est-à-dire une société socialiste démocratique où la production est organisée en fonction des besoins de la population et non de la soif de profit d’une minorité de capitalistes. Et une révolution qui n’est pas une orgie de violence gratuite mais l’irruption consciente de la grande majorité de la population sur la scène politique et sociale pour prendre elle-même en main la gestion de la société.

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