La Poste: Le service public poussé au suicide

Depuis des années, la Commission européenne a entrepris la libéralisation par étapes du secteur des postes. Celle-ci devra être terminée en 2011. Cette décision a provoqué dans les services publics européens des postes une vague de restructurations destinées à permettre à chaque poste nationale de faire face à la concurrence annoncée. Ces restructurations se sont accompagnées, bien entendu, de leur lot de licenciements « secs » ou « en douceur ». Et ce n’est qu’un début.

Simon Hupkens

En 2011, ce sera au tour du dernier bastion que conservait le service public – les petits envois de moins de 50g – à être soumis à la concurrence. En clair, cela veut dire que le service public de la Poste ne sera plus le seul à gérer ces envois et qu’il sera possible de s’adresser à d’autres sociétés. La Commission européenne justifie cette mesure par la sacro-sainte équation « libéralisation = concurrence = baisse des prix ».

Ce dogme libéral vient pourtant d’être une nouvelle fois mis à mal chez nous depuis que le secteur de l’énergie a été libéralisé. Les baisses de prix annoncées n’ont pas eu lieu et ce sont plutôt des factures augmentées que les ménages belges ont reçu dans leurs boites aux lettres. Le même phénomène devrait se produire avec les services postaux. Un exemple nous permet de l’affirmer : c’est celui de la Suède, un Etat pionnier en la matière.

Depuis la libéralisation des petits envois postaux dans ce pays, les prix ont augmenté de plus de 90% pour les particuliers. Cela signifie que le consommateur normal doit payer son timbre quasiment deux fois plus cher (imaginez-vous un envoi banal facturé à 0,99€ au lieu de 0,52 €). Les sociétés privées de distribution du courrier qui sont apparues ont recourt à des travailleurs flexibles et sous-payés et utilisent de faux indépendants. La Poste publique, qui emploie des travailleurs à des salaires nettement supérieurs, n’a pas pu concurrencer ces sociétés privées, même en relevant ses prix. Elle a donc dû licencier une partie de son personnel.

Dans les pays où les services postaux ont été libéralisés ou privatisés, on voit aussi apparaître une autre déviance, la poste à deux vitesses : les gros clients sont outrageusement privilégiés par rapport aux petits. Le courrier des entreprises est acheminé plus rapidement que celui des particuliers, le service est réduit à la campagne, là où la densité de population est trop faible pour assurer une rentabilité jugée suffisante par les entreprises privées. Le service public rendait possible la poste de qualité pour tous, la libéralisation rend les citoyens inégaux devant le service postal.

La position du gouvernement belge face à la décision européenne est qu’il est « trop tôt » pour libéraliser les services postaux en 2011. La poste belge ne serait pas prête. Ce qui n’a pas empêché libéraux et socialistes de préparer La Poste à la concurrence, en faisant comme dans toute entreprise privée : ils ont ouvert le capital au privé étranger, réduit le personnel, augmenté la charge de travail des salariés restants (via les plans « Géoroute ») et réduit le service à la population (en fermant des centaines de petits bureaux).

Que restera-t-il de la vocation de service public de La Poste lorsque celle-ci sera prête à voir débarquer la concurrence ?

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