BM&S : Une bataille de gagnée, mais la guerre sociale continue !

Deux semaines après la signature de l’accord, la direction de BM&S continue de mépriser ses ouvriers et reste bien loin du respect de ses engagements.

Par Laure (Bruxelles)

Retour sur une grève historique

Les ouvriers de BM&S de l’atelier de Schaerbeek nettoient les trains de la SNCB. Comme presque tous les nettoyeurs de train, ils travaillent pour une boite sous-traitante, bien loin des conditions de travail des cheminots.

Le 21 aout 2014, les 14 ouvriers de l’atelier entamaient une grève de plus de 4 mois contre le licenciement abusif de 5 d’entre eux, trois intérimaires et deux délégués. Durant ces quatre mois de grève, la direction a montré à quel point elle méprisait les ouvriers. Leurs revendications, pourtant simples n’étaient non seulement pas entendues, mais de nombreuses tentatives ont aussi été mis en oeuvre pour casser leur piquet (envoi d’intérimaires de remplacement, d’huissiers, puis de la police). Ensuite, face à leur détermination, la direction, tout en restant sourde à leur demande, a fait nettoyer leurs trains ailleurs, à Liers. Il devenait alors très difficile de pouvoir avoir du poids face à cette direction sans scrupule. Mais les ouvriers ont tenu bon et ont su créer une solidarité importante autour d’eux. Il y eut donc différentes actions organisées par ces personnes solidaires, des cheminots notamment. Ce fut cependant tardif et trop peu fréquent.

Un comité de soutien s’est mis en place dès le début de la grève, composé de syndicalistes, d’enseignants, de cheminots, de la CGSP-ALR et de militants de diverses organisations politiques dont la nôtre. Il est resté aux côtés des ouvriers tout au long de leur combat, a organisé différentes actions de soutien et a mobilisé pour celles organisées par les grévistes. Mais leur analyse concernant la situation ainsi que leur volonté de soutenir les grévistes n’a pas toujours été accueillie avec suffisamment d’enthousiasme de la part de l’appareil syndical.

La direction syndicale a bien soutenu la grève, mais a été très frileuse pour organiser la solidarité dans la pratique. Elle a préféré un piquet de grève calme loin des regards et de la presse, plutôt que de mettre en place des actions pour élargir leur combat, ce qui pourtant était nécessaire.

Il faut dire que des ouvriers qui tiennent tête à leur patron pendant aussi longtemps, ça fait mauvais genre, et puis ça risque de donner des idées aux autres. Pourtant, BM&S a des méthodes particulièrement douteuses, dignes d’une mafia, aux frontières de la légalité. Menaces, harcèlement, intimidations et mensonges sont autant d’actes malhonnêtes qu’elle s’est permis d’accomplir pour faire pression sur l’appareil syndical et, par ricochet, sur les grévistes.

Si les ouvriers avaient dépassé la volonté de l’appareil syndical pour organiser des actions et mettre pression sur leur direction, le combat n’aurait pas dû prendre aussi longtemps. La solidarité qui s’est manifestée à de nombreuses reprises dans d’autres secteurs syndicaux aurait pu être saisie pour élargir leur lutte et avoir un poids plus conséquent.

Mais malheureusement, l’appareil syndical, dont les travailleurs étaient dépendants puisque c’est lui qui délivre l’indemnité de grève quotidienne, a su imposer sa stratégie. Il aurait mieux fallu que, dès le début, le combat ait été dirigé par les travailleurs eux-mêmes, y compris concernant la prise en charge de la collecte organisée par le syndicat, avec une gestion démocratique de cette caisse de grève. Cela leur aurait permis une plus grande indépendance d’action.

Quand la lutte paie

Leur détermination a malgré tout payé puisque les deux délégués ont pu être réintégrés et bien plus a été obtenu sur papier, dans l’accord. Cette victoire ne se limite pas à ces 14 courageux grévistes, c’est un succès pour l’ensemble du mouvement ouvrier. Ils ont montré qu’il est possible de ne pas courber l’échine, malgré la pression exercée par le patronat, mais surtout que ce n’est que de cette manière que l’on peut empêcher la dégradation de nos conditions de travail. Tant qu’on accepte sans rien dire, le rapace capitaliste n’aura de cesse de grignoter toujours plus nos salaires et conditions de travail. Ils ont démontré qu’il n’y a pas de fatalité. Le patron, bien que possédant ce pouvoir de jeter à sa guise ses employés, ne peut se passer de leur travail dans l’absolu. En ne faisant qu’un corps, les ouvriers de l’atelier ont pris l’avantage.

Ce fut également une victoire pour l’ensemble des ouvriers du nettoyage, puisqu’ils ont mis en lumière leur réalité, bien sombre, dans laquelle ils ne sont que de la chair à profit. En effet, ils travaillent parfois dans des conditions similaires à celles du 19ème siècle, avec la peur permanente de perdre son emploi si on ouvre la bouche. Cette épée de Damoclès rend les travailleurs serviles à souhait, au nom de la sacro-sainte compétitivité. Rappelons ici que BM&S a proposé un contrat à la SNCB de 40% moins cher que ses concurrents. Dans le secteur du nettoyage, comment être plus compétitif sans économiser sur la main d’oeuvre ?

Un accord loin d’être totalement concrétisé

Mais cette direction aux méthodes peu scrupuleuses a encore une fois honteusement menti. Elle ne respecte ni ses salariés ni sa parole. L’accord promettait aux intérimaires licenciés un travail, sur n’importe quel chantier de BM&S. Ils n’ont pourtant pas travaillé un seul jour. Pire, eux qui étaient censés être prioritaires (selon l’accord toujours) pour renforcer l’équipe à Schaerbeek, se sont vus être dépassés par 8 travailleurs flexibles, dociles, mettant leur vie en danger quand le patron leur demande.

Parce que cette réalité là, les anciens grévistes la dénoncent haut et fort également: les conditions de travail à l’atelier de Schaerbeek se sont dégradées, la pression au travail a augmenté et les nouveaux engagés acceptent, par crainte des représailles, de travailler sans aucune sécurité. Les délégués, envoyés sur d’autres chantiers SNCB constatent ailleurs des réalités bien pires. Aucun matériel digne de ce nom n’est fourni aux ouvriers et les conditions de travail sont dangereuses (utilisation d’eau à quelques centimètres de cathéters à 3000 volts, traversée permanente des voies de passage des trains,…).

Ainsi, depuis la reprise, un nouveau chapitre s’ouvre pour les ouvriers rebelles de Schaerbeek. Ce chapitre annonce que l’histoire de leur lutte n’est pas finie.

Mais aujourd’hui, les ouvriers savent de quoi ils sont capables. Ils sont organisés, déterminés et, surtout, ils ne sont pas seuls. Le soutien qu’ils ont su construire autour d’eux est prêt à se remobiliser.

Partager :
Imprimer :
Première page de Lutte Socialiste