Ecologie et capitalisme: Lutter pour l’un, c’est détruire l’autre

Chaque année, la forêt amazonienne, qui représente le tiers des forêts tropicales au monde, perd près de 30.000 km2, soit une superficie proche de celle de la Belgique. Plus de 30.000 espèces végétales, dont une grande partie ont des vertus médicinales, sont en conséquence menacées. Ce poumon vert disparaissant est révélateur d’un cancer généralisé de notre environnement.

Dossier par Nicolas Croes

Quelques données intéressantes…

Vous l’aurez remarqué, ce dossier n’a pas vraiment été élaboré pour être une analyse des aspects techniques des problèmes écologiques. Il nous paraissait plus intéressant de développer ici comment, en tant que marxistes, nous nous positionnons contre la dégradation de notre milieu de vie.

En partant de l’idée que le lecteur était plus intéressé par le fait de découvrir cet aspect – et partait donc avec un minimum de conviction sur l’intérêt de se préoccuper des enjeux environnementaux – cet article ne pouvait que manquer de chiffres et de données sur l’ampleur de cette problématique. Toutefois, comme ce texte est également une base pour que chacun puisse argumenter autour de lui, voici une liste de quelques données « choc », hélas loin d’être complète…

  • A l’échelle de la planète, sont produits chaque année :

    – 2 milliards de tonnes de déchets industriels solides

    – 350 millions de tonnes de déchets dangereux

    – 7.000 tonnes de déchets nucléaires, alors qu’on ne sait toujours pas comment faire pour s’en débarrasser.

  • Les entreprises des pays riches, membres de l’OCDE, sont responsables à 90% de la production de ces déchets.
  • La pénurie d’eau constituera à l’avenir une grave source de conflits. Entre 1960 et 2025, la ressource en eau par personne sera passée de 3.430 mètres cubes à 667. Le seuil d’alerte est de 2.000 mètres cubes…
  • La désertification fait disparaître 6 millions d’hectares de terres cultivables par an.
  • 6.000 espèces animales disparaissent chaque année.
  • La déforestation, une des causes majeures de l’effet de serre, fait perdre aux forêts tropicales, qui hébergent 70% des espèces vivantes recensées sur la terre, de 1,5% à 2% de leur territoire par an.
  • A titre d’exemple, en France, les transports représentent 34% des émissions de gaz carbonique. Mais ce ne sont pas les voitures qui causent l’écrasante majorité de cette pollution. Les transports de marchandises par les routes, plus rentables que par voie ferrée à cause des très mauvaises conditions de travail et de salaires des routiers, représentent 94% de ce chiffre.
  • Le protocole de Kyoto ne contient aucune obligation pour les pays signataires. Ses objectifs sont pourtant très modestes… et ne constituent que 3% de l’effort à réaliser pour freiner effectivement le réchauffement climatique ! S’il était vraiment respecté, il ne correspondrait qu’à une diminution de la température de 0,6°C pour une hausse évaluée entre 2°C et 4°C pour 2050. En guise de comparaison, lors du maximum de la dernière période glaciaire il y a 18.000 ans, la température n’était que de 4°C inférieure à la moyenne actuelle… A l’époque, le niveau des mers était 100 mètres sous le niveau actuel et les deux tiers de la France étaient recouverts de glace. Cela ne donne qu’une légère idée des bouleversements qui nous attendent.

A cela il faut ajouter que de nombreux peuples d’Amazonie qui n’ont quasiment jamais eu de contacts avec le monde moderne ne prennent donc conscience du danger qui leur fonce dessus que lorsque les bulldozers écrasent leurs villages. Avec la plus grande audience que reçoivent désormais les problèmes environnementaux, c’est l’ensemble de la société aujourd’hui qui semble être un de ces villages reculés faisant face à une désolante réalité. Avons-nous également aussi peu de moyens que les Indiens amazoniens pour défendre la qualité de vie sur notre planète?

De cette question découle bien évidemment une avalanche d’autres. Et pour nous, qui nous revendiquons du marxisme révolutionnaire, vient s’ajouter une question supplémentaire : ne doit-on pas mettre de côté la lutte pour le socialisme pour parer au plus pressé ? Ne doit-on pas en premier lieu se soucier de la terre qui porte l’Homme avant de se soucier de la manière dont est organisée sa société ?

Comme le titre de cet article l’aura indiqué, il s’agit au contraire pour nous d’un seul et même problème. Ce qui nous différencie avant tout des « écologistes » officiels est que – pour la plupart d’entre eux, et dans le meilleur des cas – ils se limitent à une critique de certaines caractéristiques du système d’exploitation capitaliste sans approfondir plus avant la réflexion sur les causes mêmes de ces symptômes.

Ecologie et progrès : conciliation impossible ?

Evidemment, les lésions provoquées à l’environnement du fait des activités humaines ne sont pas un phénomène neuf. Les auteurs antiques, par exemple, mentionnaient déjà dans leurs textes les problèmes écologiques créés par le développement de l’Empire romain. Mais au niveau environnemental également, l’émergence et la domination de la grande industrie capitaliste a été une date fondamentale, le début d’une dégradation écologique qui n’a cessé de s’amplifier jusqu’à l’aggravation dramatique de ces dernières décennies.

Mais si l’on constate déjà les dégâts des fumées malsaines qui couvrent les villes industrielles anglaises au 18e siècle, si dès 1860 des scientifiques pointent du doigt les risques d’un changement climatique dû au rejet industriel de gaz carbonique, les questions posées comprenaient une bonne dose de fatalisme : le massacre de la nature n’est-il pas inévitable avec le « progrès » ? Faut-il rejeter la grande industrie en tant que telle ?

Ces courants précurseurs de l’écologie étaient en fait issus de couches relativement aisées de la société qui avaient le loisir de se soucier de leur qualité de vie. La classe ouvrière se préoccupait elle aussi de sa qualité de vie, misérable, mais celle-ci se heurtait frontalement à l’exploitation du système capitaliste, alors que les couches plus aisées n’en percevaient en fait que les effets secondaires.

Ce constat vaut également pour les mouvements écologistes qui sont apparus dans le courant des années ’70. Faute de véritable analyse de fond de la société, bien des « solutions miracles » proposées par ces groupes aboutissaient, et aboutissent encore, à une impasse dès qu’ils sortent de leur petit cas personnel.

L’impasse des solutions individuelles

Il y a par exemple la théorie de la surpopulation. Il y aurait ainsi trop d’humains sur la terre (et ce sera encore pire demain) par rapport à ses réserves énergétiques et aux ressources alimentaires. Et compte tenu de l’impact croissant sur l’environnement, la nature ne pourrait ainsi pas supporter tout le monde. Elle a bon dos, la nature. Cette idée est surtout l’expression d’un refus de changer quoi que ce soit. Comme la population augmente plus vite dans les pays du Tiers-Monde, cela revient à dire qu’il faut s’en prendre aux plus pauvres : ne changeons rien à notre gaspillage, les autres peuvent bien souffrir ! Nous pensons au contraire qu’il n’y a pas de surpopulation absolue et que les dernières décennies montrent que la croissance de la population diminue fortement avec l’élévation du niveau de vie, d’éducation et de santé (notamment à travers les progrès de l‘émancipation des femmes et la création de systèmes de sécurité sociale qui ne sont plus limités aux liens familiaux).

Le retour aux valeurs prétendument « authentiques » est une autre ineptie « écologique ». Dans les années ‘70, il s’agissait d’aller à la campagne pour vivre comme un berger, maintenant on préfère mettre en avant la nourriture bio. Mais la science ne saurait être accusée de tous les maux, et l’opposition à la chimie, devenu synonyme de poison, est par exemple une bonne manière de ne pas se poser trop de questions. De plus, en jouant sur le sentiment d’insécurité vis-à-vis de l’alimentation, les produits biologiques peuvent être vendus à un prix plus élevé (avec bien entendu des profits plus élevés). Car l’alimentation bio est maintenant devenue un véritable business, alors que ce qui est ou n’est pas un produit véritablement biologique n’est pas très clair… au contraire du montant à payer !

La chimie a été une source de progrès considérable et c’est toujours le cas. Ce n’est en rien la science ou le progrès qui est à dénoncer, mais bien son utilisation – à courte vue et de façon systématiquement orientée vers la recherche du profit – dans le cadre du système capitaliste. En poussant cette logique erronée de rejet du progrès, certains groupes écologistes ont même été jusqu’à refuser les vaccinations obligatoires, au risque d’être eux-mêmes porteurs de maladies pour les autres.

Autre théorie : celle de la décroissance soutenable. Face à des ressources qu’il convient de ne pas épuiser davantage, la solution serait simplement… de consommer moins. Il vaudrait ainsi mieux défendre le milieu de vie plutôt que le niveau de vie. Cette logique de la pénurie est finalement un pendant « progressiste » de la logique d’austérité défendue par les gouvernements et la bourgeoisie (pour les autres…) depuis le début de la crise en 1973-1974. C’est une fois de plus une théorie qui vise à culpabiliser les consommateurs, cette fois en critiquant leur acceptation du système.

Mais la seule manière d’arriver à stopper le gaspillage n’est pas de s’en prendre à des individus qui ne contrôlent pas la société, mais bien de mener la lutte pour une société orientée différemment, vers les besoins de tous. Doit-on mettre les victimes de l’exploitation capitaliste sur le même pied que les responsables de cette exploitation ?

Si les partis « écologistes » traditionnels ne sont d’une manière générale pas embourbés dans de pareilles théories, ils n’en demeurent pas moins porteurs de méthodes sans lendemain. Ainsi, « l’union nationale pour le climat » proposée par ECOLO part de l’idée que toute la population est logée à la même enseigne : propriétaires d’entreprises et travailleurs seraient également pollueurs et victimes. Il suffirait donc de réunir tout le monde autour de la même table pour trouver des solutions. C’est volontairement mettre de côté que les plus grands pollueurs sont les entreprises, qui par ailleurs décident de ce qui est produit et de la manière dont est organisée cette production, en fonction de leurs seuls intérêts et non de ceux de la collectivité. C’est aussi une belle preuve de naïveté. Pour les patrons et les actionnaires, tout est à sacrifier à l’autel du profit. La rentabilité et la compétitivité des entreprises seront toujours favorisées au détriment de l’environnement tant que la population n’imposera pas par la force le respect du bien commun.

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