Plan d’action syndical : comment l’idéologie de la classe dominante pèse sur le mouvement

chrizzy02La journée d’hier, premier point de chute du mouvement de résistance contre l’austérité, fera date dans l’histoire sociale de la Belgique. Les diverses actions que nous avons vécues seront un point de référence pour beaucoup de nouveaux militants de la classe des travailleurs. C’est aussi une journée qui rappelle les anciens combats de classe qu’ont vécus les plus anciens des militants. La classe dominante a conscience de cela et tente de le gommer de la mémoire collective au moyen de tous ses outils. Si elle n’arrive pas gommer les acquis de cette journée, il lui reste alors à ternir l’image de ce mouvement.

Par Alain (Namur)

La bourgeoisie et le patronat en ordre de combat

La lutte des classes fait un retour en force en Belgique. Ce que craignait la bourgeoisie belge est en train de tout doucement se réaliser. La classe des travailleurs qui est massivement organisée dans les syndicats est en train de se mettre en mouvement. Toutes les couches du mouvement ne sont cependant pas encore en action. La bourgeoisie sait très bien que si l’ensemble de la classe se met en mouvement avec des objectifs audacieux, on pourra commencer à lancer le compte à rebours de sa domination.

Face à cela, la bourgeoisie utilise tout les outils à sa disposition pour diviser le mouvement, ternir son image ou encore amadouer ses actuels dirigeants. Il y a bien sur le gouvernement qui roule pour ses intérêts, mais avec 20% de soutien, la classe dominante a besoin d’autre instruments pour imposer sa politique. Les médias traditionnels, les nouveaux médias, les différentes institutions (FMI, OCDE, think thank,…), les experts,… tous sont utilisés pour limiter la portée du mouvement.

Le classique « diviser pour mieux régner »

En Belgique, la majorité des entreprises sont des PME. Pour beaucoup de travailleuses et de travailleurs, dans ces entreprises, leur droit à l’association, leur droit de s’organiser dans un syndicat, est nié. Il est donc beaucoup plus facile pour le patron d’effectuer une pression sur la ou le salarié(e). Dans ces entreprises, de manière générale, les conditions de travail sont moins bonnes. On y dénombre plus d’accidents de travail, les salaires sont en moyenne plus bas et la flexibilité exigée est souvent importante. Le mouvement des travailleurs a depuis longtemps cherché à pallier cela via les accords interprofessionnels qui s’imposent à toutes les entreprises. Mais ces dernières années, comme le rapport de force s’est dégradé au profit du patronat, les AIP n’ont pas pu jouer leur rôle. Il est temps que le mouvement des travailleurs réclame le droit des travailleurs de s’organiser en délégation y compris dans les entreprises de moins de 50 travailleurs.

De plus, le capitalisme dans son ensemble s’est réorganisé pour faire face à la combativité ouvrière. Face aux énormes concentrations des travailleurs dans les grandes entreprises qui établissait des équipes syndicales puissantes, le patronat a multiplié l’externalisation. D’une part pour se concentrer sur ce qui fait le cœur de métier de l’entreprise – c’est à dire aussi ce qui fait la valeur ajoutée – mais surtout pour briser ces équipes syndicales. Aujourd’hui, dans les grands centres de production sur un même site, plusieurs entreprises travaillent avec des commissions paritaires différentes et donc des réalités différentes pour les travailleurs.

La politique de la franchisation dans le commerce est un autre exemple de la manière dont le capitalisme s’est réorganisé pour détricoter les conditions de travail et diminuer l’influence de l’organisation ouvrière.

L’attitude du patronat et le poids de l’idéologie dominante

Le patronat joue aussi sur l’existence de divers niveaux de conscience au sein de notre classe. Leur but est d’isoler l’avant-garde pour l’empêcher qu’elle parvienne à entraîner les couches plus retardataires. Dans plusieurs entreprises, les DRH ont fait passer le message que quelque soit le niveau des blocages, aucune absence ne serait tolérée. Il faudrait prendre un jour de congé, prendre sur ses heures supplémentaires,… Pour les sous-traitants (souvent des indépendants), les contrats qui ne sont pas honorés seront sanctionnés par des amendes de retard.

Dans cette situation, celle ou celui qui a décidé de travailler en ce jour de grève parce qu’il n’a pas encore conscience du danger de l’austérité a été poussé dans le dos par le patronat pour tenter d’arriver au boulot par tous les moyens. Certains employés sont même arrivés à 3-4heures du matin au boulot pour éviter les blocages…

La conscience en retard et la pression des patrons contre la grève explique les dérapages et la violence qui ont été commis par ceux qui ont foncé sur les piquets, qui ont agressé des militants parfois même avec armes blanches.

Le rôle des médias doit aussi être souligné. Nous avons déjà traité du sujet des médias et du fait que ceux-ci appartiennent en Belgique à 7 grandes familles qui ont toutes intérêt à ce que le gouvernement applique son programme. Les médias publics sont dirigés par des administrateurs nommés par les politiciens qui appliquent l’austérité.

Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que les médias ne distinguent pas l’essentiel de l’accessoire. Nous avons vécu une journée historique dans tout le sens du terme. Le clivage social en Belgique et partout dans le monde s’approfondit à la faveur du développement de la crise du système de production capitaliste.

Au lieu de traiter de cela, les médias traitent de la manière de faire atterrir le mouvement pour la presse dite sérieuse et pour la presse de caniveau, elle traite des incidents causés par les manifestants. On banalise ainsi les agressions contre des manifestants à la barre à mine et les manifestants qui se font rouler dessus. Mais, par contre, on met en emphase des indépendants qui pleurent car empêchés de travailler. On joue sur l’émotionnel. On devrait jouer aussi sur l’émotionnel en allant interroger les 15% de gens qui vivent sous le seuil de pauvreté! En allant interroger le sixième des enfants qui vit sous le seuil de pauvreté en Belgique ! On verrait alors où est l’essentiel et où est l’accessoire.

Dans la presse, on a répété à l’envi le fait qu’à côté du droit de grève, il y avait le droit au travail, sans expliquer toutefois qu’en Belgique, près d’1 million de personnes sont en fait exclues au quotidien de ce prétendu droit et que la classe des travailleurs se battait d’ailleurs pour eux aussi. On n’a pas non plus expliqué que le droit au travail, c’est aussi de travailler dans de bonne conditions et que les grévistes se battaient pour ça aussi. Il est clair que vu comme cela, ceux qui défendent le  »droit au travail » sont bel et bien les travailleurs et leur organisations. Le patronat, lui, défend son droit d’exploiter et de s’enrichir. D’ailleurs, la manière avec laquelle les patrons s’accommodent des conditions de travail et de l’état démocratique de certains pays devrait inciter certains à réfléchir.

Comment faire face

Depuis le début du mouvement, le PSL met en avant la nécessite d’organiser partout où c’est possible des assemblées générales pour expliquer l’impact des mesures d’austérité. Nous lions cela au besoin d’une alternative sociétale et d’un outil politique pour porter un programme de rupture avec ce système en crise. Notre édition spéciale de grève mettait en avant la demande d’un plan d’action plus massif et plus dur. Marx disait que les idées peuvent avoir un poids matériel si elles sont reprises par les masses. Une présence massive dans les rues et sur les piquets liées à des revendications et des mots d’ordres audacieux peuvent faire évoluer la conscience des couches plus retardataires. Cela peut aussi assurer une sécurité plus grande pour les militants et avoir un effet de persuasion plus grand.

La volonté de combat, mais aussi d’alternative de gauche, s’est exprimée hier par l’accueil qu’à reçu notre tract et notre journal. Nous devons mettre à profit le temps de repos de fin d’année pour continuer la mobilisation et repartir encore plus forts, plus massivement et de façon plus déterminée dès la rentrée.

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