C’est aujourd’hui que commençait la deuxième étape du plan d’action du front commun syndical contre les projets austéritaires du gouvernement Michel, avec les grèves régionales dans le Hainaut, au Luxembourg et à Anvers et au Limbourg. Après la manifestation réellement massive du 6 novembre dernier – la plus importante mobilisation syndicale depuis 1986! – force est de constater que la dynamique est toujours à l’œuvre. Petit rapport à chaud, au retour de la tournée des piquets…
Dans le Hainaut, des équipes de militants du PSL sont intervenues à Mons, La Louvière et enfin Charleroi, où la journée a commencé peu après 4h à l’aéroport. Dès notre arrivée, les discussions vont bon train. On retrouve des camarades, on en rencontre d’autres, et on discute des premiers échos de la journée. Le port d’Anvers serait à l’arrêt depuis la veille au soir, on parle aussi de Zeebrugge, même de Gand. Ce qui est certain, c’est que la SNCB et les TEC sont totalement bloqués. Pour le reste, il faudra voir, mais la confiance est grande envers les camarades, et le sentiment de continuer à participer à l’écriture d’un nouveau et important chapitre de la lutte sociale belge est véritablement enthousiasmant.
« On n’a pas le choix, on doit se battre », nous diront plusieurs. Les mesures antisociales prévues par le gouvernement Michel sont abordées, puis on en vient aux problèmes du secteur, à la vie qui se fait plus dure, à ce système qui broie les uns et enrichit les autres. D’autres parleront de leurs plus grandes craintes; que le mouvement soit soudainement lâché par les sommets syndicaux ou qu’il pourrisse sur pied, faute d’initiatives capables de porter la lutte de l’avant. Et la discussion s’engage.
Aucune concession : retrait pur et simple de l’austérité!
La première page de notre nouvelle édition de Lutte Socialiste titre « Balayer par la grève le gouvernement et toute la politique d’austérité ». L’accueil est excellent. Au cours de la journée, nous en diffuserons une bonne vingtaine d’exemplaires et ferons 4 abonnements sur place. Surtout, c’est une bonne manière d’engager la discussion sur l’objectif du mouvement. On parle de « faire reculer » le gouvernement. Mais ça veut dire quoi ? Obtenir quelques concessions ? Le sentiment général sur les piquets est clair : c’est non ! Le parallèle est vite tracé avec ces patrons qui veulent licencier 200 travailleurs, mais annoncent le chiffre de 300 pour limiter la colère en faisant une « concession ». Non, ce gouvernement, il faut le renverser. Son projet est totalement pro-patronal, il n’y a rien à en tirer pour le monde du travail.
Au cours de la tournée, nous rencontrons notamment un bon groupe réuni devant l’Hôtel de Ville. Ils protestent contre le gouvernement Michel, bien sûr, mais aussi contre le bourgmestre Magnette (également ministre-président de la Région Wallonne) et son projet de licencier de 2 à 300 travailleurs communaux. Le PS? Une alternative? Quelle rigolade… Une autre version de la politique d’austérité, tout au plus. Peut-être bien mieux emballée, mais tout aussi indigeste. Un pompier nous dit « On veut faire tomber Michel 1er, c’est certain, mais on ne veut pas d’un nouveau Di Rupo, on veut un gouvernement avec un vrai parti de tous les travailleurs ».
Si cette journée de grève aura bien démontré une chose, et les autres journées du plan d’action feront de même, c’est que les travailleurs ne sont pas une « charge », pas un « poids », mais bien les créateurs des richesses de cette société. Il est grand temps de poser la question d’un gouvernement pour et par les travailleurs, directement opposé aux diverses variantes de gouvernements anti-travailleurs.
Une large solidarité
La tournée se passe, au gré des appels lancés par le Quartier Général du front commun syndical, logé aujourd’hui dans les locaux de la CSC. Pour la grève générale du 15 décembre, le QG sera dans les bâtiments de la FGTB. C’est de là que partent des équipes pour aller renforcer des piquets plus faibles, avec des délégations moins fournies, des délégués moins expérimentés.
L’approche en front commun n’est pas partout du même calibre, mais les piquets sont souvent mixtes, on s’interpelle joyeusement, on s’échange des nouvelles, on passe voir si tout se passe bien, si on pense qu’il faut aller soutenir des camarades plus loin.
C’est ainsi que certaines entreprises sont bloquées, à l’instar de ce grand magasin, qui avaient dit à leurs collègues d’un site voisin, essentiellement de la FGTB, que la visite d’une équipe de syndicalistes serait la bienvenue le jour de la grève. Une équipe volante de la CSC y part après discussion, et ferme le magasin au grand plaisir des travailleurs, heureux de pouvoir rejoindre le mouvement.
Ce sont avant tout des hommes et des femmes de la classe des travailleurs qui sont à l’œuvre, pas des affiliés de l’un ou l’autre syndicat. La grève est portée par tous, c’est souvent des prénoms que l’on retiendra avant la couleur du syndicat. Et surtout, partout, on prend ses marques, on est conscient qu’il s’agit de la répétition générale, que le grand jour, ce sera le 15 décembre.
L’attitude de la police est un autre fait marquant pour les grévistes. A l’aéroport, un moment donné, c’est à peine s’ils n’aident pas concrètement un des piquets. Ailleurs, ils interpellent un passant qui s’en prend à un gréviste en lui disant « T’as pas compris ? C’est pour toi aussi qu’ils se battent, pour ton avenir! » Face à un piquet, un combi est interpellé : « Hé, venez avec nous! » « On se retrouvera le 15 ensemble », répond le conducteur, et il poursuit en klaxonnant.
Au final, la journée fut donc excellente, à l’exception de cette triste nouvelle d’un gréviste blessé à l’aéroport, fauché par la voiture d’un excité.
Pour des assemblées générales !
Nous entendons aussi des nouvelles d’ailleurs, et particulièrement celle de cette assemblée intersectorielle tenue à La Louvière dans l’après midi, où est décidé de se revoir en Assemblée chaque lundi d’ici le 15 décembre pour discuter de l’organisation de la journée de grève générale. Il s’agit d’une excellente initiative, et nous espérons qu’elle sera renouvelée ailleurs.
Ce point était notamment développé dans le tract que nous avons distribué : « Pourquoi, dans les secteurs et les régionales, ne pas organiser des assemblées générales ouvertes en front commun syndical afin d’évaluer la grève et de discuter des moyens de faire du 15 décembre un succès sans précédent? Pourquoi ne pas également planifier des assemblées générales après le 15 décembre pour faire démocratiquement l’évaluation et voir comment procéder après nouvel an ? (…) Ce dont nous avons besoin, c’est d’un gouvernement qui défend aussi fermement les intérêts des travailleurs que le gouvernement actuel défend ceux des patrons. Nos assemblées du personnel ne doivent pas se limiter à l’évaluation et à la préparation des actions, elles pourraient contribuer à l’élaboration d’une véritable alternative en construisant et en faisant vivre de la base – par entreprises et par secteurs – le cahier de revendications des travailleurs. En se rabattant toujours sur le moindre mal – la social-démocratie pour la FGTB, la démocratie chrétienne pour l’ACV et les verts pour certains autres – nous n’avons fait que préparer le lit pour l’arrivée de la droite dure au pouvoir. Le mouvement des travailleurs mérite de meilleurs représentants. La FGTB de Charleroi & Sud Hainaut appelle depuis deux ans à rompre avec la social-démocratie et les Verts pour s’unir dans un vaste parti de lutte de la gauche. Le PSL reste disponible et veut entièrement coopérer. »