Les partis traditionnels : faire du neuf avec du vieux

Les partis traditionnels mènent campagne pour les élections du 10 juin. Ils nous font miroiter une vie meilleure avec toutes sortes de promesses. Les agences de marketing ont identifié les groupes-cibles, les slogans qui leur conviennent et l’image à laquelle ils renvoient. On se rendra mieux compte de la nécessité d’une autre politique en se penchant plus attentivement sur ce que les partis traditionnels nous préparent.

Thierry Pierret

PS : à gauche toute ?

Elio di Rupo n’était pas peu fier de présenter la liste PS pour le Sénat. Y figurent notamment l’ex-président de la CGSP Cheminot José Damilot et l’ex-président du Mouvement ouvrier chrétien (MOC) François Martou.

Le ralliement de Damilot et de Martou doit permettre au PS de se refaire une virginité de gauche après 19 années de politique néolibérale qui ont vu le taux de pauvreté grimper jusqu’à 15% de la population. Dans le même laps de temps, des milliers d’emplois ont été perdus dans les services publics comme La Poste, Belgacom ou la SNCB.

Lorsque di Rupo était ministre des entreprises publiques, il disait pourtant pis que pendre de José Damilot. Lors des grèves à la SNCB, il prenait le parti de la direction de la SNCB et traitait Damilot d’irresponsable. C’est aussi l’époque où di Rupo donnait le coup d’envoi de la privatisation de l’ancienne RTT (devenue Belgacom). Maintenant que Damilot est à la retraite, di Rupo s’en sert pour profiler le PS comme le défenseur des services publics…

Pour ces élections-ci, le programme du PS fait de l’amélioration du pouvoir d’achat la priorité n°1. Le problème, c’est qu’ils sont au pouvoir depuis 19 ans. Pourquoi feraient-ils demain ce qu’ils ne font pas aujourd’hui et qu’ils ne faisaient pas hier ? Il n’y a a pas si longtemps, le PS faisait campagne sous le slogan « le progrès partagé ». Mais nous avons eu la régression sociale en partage !

Ecolo : fini l’alternative, vive l’alternance!

Ecolo semble quelque peu remis de sa raclée électorale de 2003. Ils se préparent même à l’éventualité d’un retour au gouvernement. Si Ecolo dans l’opposition a voté contre le Pacte des Générations, il veut imposer au prochain gouvernement la mise en oeuvre d’un « Plan national pour le climat ».

Ils promettaient le même genre de chose avant leur première participation gouvernementale. Ils ont imposé des taxes qui nous empoisonnent l’existence sans que les gaz à effet de serre ne cessent d’empoisonner l’atmosphère. La politique néolibérale n’a pas été infléchie d’un iota.

Ecolo a fait son deuil des « convergences de gauche » avec le PS. Ils sont prêts à retourner au gouvernement avec n’importe quel partenaire pourvu qu’on leur laisse suffisamment de postes ministériels. Le président du MR, Didier Reynders, ne s’y est pas trompé : il souhaite la victoire d’Ecolo qui incarne à ses yeux une « gauche responsable ». Qu’importe si ce positionnement de plus en plus droitier jette le trouble parmi les membres et même parmi les élus. Il est décidément bien loin le temps où un Jacky Morael plaidait pour l’alternative plutôt que pour l’alternance…

CDH : la régression sociale à visage humain ?

Le CDH a achevé sa mutation de parti principal de la bourgeoisie (le PSC à l’époque) en parti-aiguillon de la politique néolibérale. Sa présidente, Joëlle Milquet, se targue d’avoir fait du parti un pôle d’attraction pour toute une couche de jeunes. Lors des dernières élections, le CDH a en effet attiré des électeurs qui n’auraient jamais voté pour l’ancien PSC. C’est surtout Ecolo qui en a fait les frais.

Pourtant, le CDH a autant de mal que les autres partis traditionnels à renouveler ses cadres. En témoigne le débauchage de personnalités de la « société civile » comme le constitutionnaliste Jean-Marc Delpérée, la présentatrice de la RTBF Anne Delvaux ou le patron du Festival de Dour Carlo di Antonio.

Le CDH se targue de vouloir remettre l’humain au centre de la politique. Mais le genre humain semble avoir des limites assez étroites pour le CDH. Les chauffeurs de bus des TEC n’en font manifestement pas partie, eux qui sont systématiquement pris pour cible par leur ministre de tutelle, le CDH André Antoine, à chaque fois qu’ils font grève pour défendre leurs conditions de travail ou leurs collègues licenciés. Les étudiants étrangers non plus, que le Décret « non-résidents » de la Ministre CDH de l’enseignement supérieur Marie-Dominique Simonet a chassés en grand nombre des Hautes Ecoles francophones. Les travailleurs âgés pas davantage puisque le CDH n’a pas voté contre le Pacte des Générations qui allonge la durée de la carrière.

MR : le libéralisme social a fait long feu

Le MR se targue de concilier le libéralisme et le progrès social. Il aurait rompu avec le néolibéralisme pur et dur des années quatre-vingt. Dans une interview à La Libre Belgique, le député wallon Richard Miller oppose les vertus du libéralisme social au socialisme. Ce qui ne l’empêche pas de défendre l’action de Margareth Thatcher et de Jean Gol… Après quoi, il ajoute « Mais je mets quiconque au défi de me prouver qu’une mesure proposée par un ministre libéral dans les gouvernements Verhofstadt a été antisociale ». Ah bon, les baisses d’impôts pour les plus riches et les entreprises, l’amnistie fiscale pour les fraudeurs, l’allongement de la durée du travail, la suspension de milliers de chômeurs, tout ça n’est pas antisocial pour Richard Miller !

Richard Miller objecterait sans doute que le Pacte des Générations et la chasse aux chômeurs sont des initiatives d’un ministre du SP.a. Mais il se fait justement que le MR voit dans le SP.a un modèle à suivre. Une délégation d’élus MR s’est rendue récemment à Ostende pour voir comment les autorités locales (SP.a) luttaient contre le chômage. Là-bas, les chômeurs sont convoqués systématiquement tous les quinze jours par le VDAB (l’équivalent de l’ORBEm et du FOREm en Flandre). Ils ne peuvent refuser deux fois de suite une offre d’emploi sous peine d’exclusion. Mais il s’agit le plus souvent d’emplois à temps partiel, d’intérims ou d’autres formes d’emploi précaire. On y gagne parfois à peine plus qu’au chômage. Cette politique ne crée pas d’emplois, elle ne fait qu’augmenter la concurrence entre salariés pour les mêmes emplois.

La délégation MR est revenue enchantée d’Ostende. L’un de ses membres a même dit des élus SP.a qu’ils pourraient être membres du MR ! Mais pour Miller, « Il n’est pas exact que tous les partis sont pareils, que les programmes se ressemblent, que tout est chou vert et vert chou ». Dans ces conditions, la proposition du MR que le versement des allocations de chômage reste illimité dans le temps n’est que de la poudre aux yeux.

Il est grand temps pour une autre politique

Face aux campagnes des agences de marketing et à la poudre aux yeux des partis traditionnels, il nous faut une autre politique. Une politique qui s’oppose aux atteintes à nos acquis sociaux, qui ne tombe pas dans le piège des bisbrouilles communautaires, qui ne cède pas au tout répressif, qui ne se laisse pas acheter par des postes et qui ne se contente pas de défendre en paroles les intérêts des travailleurs et de leurs familles.

Lors des grands mouvements sociaux des 10 dernières années, nous n’avons pu compter sur aucune formation politique pour relayer nos revendications au Parlement ou pour utiliser ses positions parlementaires à l’appui de nos mouvements de luttes. Le 28 octobre 2005 a vu 100.000 travailleurs manifester contre les atteintes à nos (pré)pensions. Seuls les 4 députés d’Ecolo ont voté contre le Pacte des Générations.

Si nous voulons nous faire entendre politiquement, il faut rompre avec la politique antisociale des partis traditionnels. Nous devrons le faire nous-mêmes et le Comité pour une Autre Politique peut y donner la première impulsion en participant aux élections. Une voix pour le CAP n’est pas une voix perdue, c’est au contraire un signal important. Et, comme le socialiste américain Eugène Debs le disait déjà il y a près de 100 ans, mieux vaut voter pour ce que vous voulez sans l’obtenir que voter pour ce que vous ne voulez pas mais que vous aurez.

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